Le jumeau numérique au service de la décarbonation : l’exemple des bâtiments
En 2015, la France a adopté la première Stratégie Nationale Bas-Carbone qui détaille la feuille de route pour mener la transition écologique et solidaire de la France vers la neutralité carbone en 2050. Elle donne des orientations pour mettre en œuvre, dans tous les secteurs d'activité, une transition vers une économie bas carbone, circulaire et durable.
La stratégie nationale de décarbonation
En France, atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 implique une division par 6 des émissions de gaz à effet de serre sur son territoire par rapport à 1990. La neutralité carbone est définie par la loi énergie-climat comme « un équilibre, sur le territoire national, entre les émissions anthropiques par les sources et les absorptions anthropiques par les puits de gaz à effet de serre ».
Cela passe par différents objectifs dont la décarbonation complète de l'énergie consommée dans les bâtiments en 2050 ainsi que la réduction de 81% des émissions du secteur industriel en 2050.
Cet objectif va nous demander de repenser notre modèle économique pour le rendre plus durable, plus résilient et circulaire. C’est une opportunité majeure pour dynamiser l’innovation technologique et organisationnelle. Une piste envisagée pour atteindre la neutralité carbone est l’utilisation du jumeau numérique des ouvrages dans le bâtiment, l’industrie et les infrastructures.
Le jumeau numérique pour réduire l’empreinte carbone de l’industrie
Un jumeau numérique est le clone virtuel d’un système physique ou d’un processus qui peut être utilisé à diverses fins.
Les objets concernés peuvent être un produit, une machine, une ligne de production, un processus. C’est l’agrégation de différents modèles numériques tels que :
- Les modèles descriptifs : maquette 3D,
- Les modèles relationnels : liens et interactions entre les objets physiques et numériques
- Les modèles analytiques : analyse comportementale de l’ouvrage soumis à diverses sollicitations.
Il doit être le plus fidèle possible à son jumeau réel et être capable d’évoluer en temps réel ou en accéléré (pour la prédiction de l’état du système physique non encore atteint).
Dans le cadre des objectifs de décarbonation fixés par la stratégie nationale bas-carbone, le jumeau numérique des bâtiments pourrait permettre de réduire de façon notable l’impact carbone des constructions. Il est utilisé dans toutes les phases de la vie d’un bâtiment.
- En phase de spécification et de conception préliminaire ou détaillée, il aide dès l’initialisation du cycle de développement à objectiver les exigences attendues et à prévoir les coûts d’investissement et d’exploitation.
- En phase de prototypage, il permet d’optimiser les performances en les simulant de manière prédictive à partir de modèles multi physiques ou comportementaux dédiés.
- En phase de chantier ou d’industrialisation, il permet d’améliorer la construction et la chaîne de fabrication avec des usages tels que la fabrication par impression 3D ou bien la scénarisation des flux en fonction de l’avancement du chantier.
- En phase d’exploitation, couplé aux données collectées dans l’environnement opérationnel, il permet de se corriger et de s’ajuster aux comportements réels de l’ouvrage, pour en améliorer les usages. Il permet aussi de simuler des scénarios extrêmes tels que coupures d’énergie, attaques terroristes.
- En phase de maintenance, il permet de prédire et d’anticiper les défaillances par analyse de signaux faibles. Il permet aussi d’optimiser la logistique et les différentes ressources associées (rechange, effectif en personnel, équipement de test et de soutien…).
En donnant de la visibilité à partir de données du futur, et non du passé, et en permettant de modéliser des milliers d'options, le jumeau numérique permet de choisir la solution la plus adaptée. À toutes les phases du cycle de vie d’une infrastructure, il contribue à une économie circulaire en anticipant l’obsolescence des matériaux, en améliorant les rénovations partielles et en préparant les étapes de démantèlement et de mise au rebut ou de réutilisation.
À l'heure de la décarbonation, ces solutions numériques permettent d'analyser les résultats potentiels d'un site industriel ou bâtiment mieux isolé, moins vorace en énergie ou encore doté de lignes de production plus « green ».
Retour d’expérience sur l’utilisation de jumeau numérique dans le secteur du bâtiment
Le jumeau numérique est de plus en plus utilisé dans le secteur de la construction. Ainsi, des outils de Building Information Modeling (BIM) ont été spécialement développés pour modéliser l'ensemble des ouvrages de la construction, y compris le génie civil, les travaux publics et les réseaux.
Il ne se limite pas non plus à l'acte de construire, mais concerne l'ensemble du cycle de vie d'un ouvrage, depuis la programmation, les esquisses jusqu'à sa déconstruction et la réutilisation, le recyclage ou la valorisation énergétique des éléments en fin de vie.
Les gains attendus sur l’empreinte climatique des bâtiments sont multiples.
D’une part, le jumeau numérique permet de maîtriser les énergies utilisées pour la construction et l’exploitation des ouvrages, infrastructures, industries et bâtiments. Par exemple en proposant un mix énergétique à l’échelle d’un éco quartier constitué d’habitat, d’industrie et de tertiaire.
Il permet aussi de favoriser l’usage de matériaux réutilisables et de systèmes démontables et réversibles.
Par ailleurs, il permet d’optimiser les flux au sein du bâtiment, mais aussi de la ville dans son ensemble. En limitant des déplacements de personnes et de matériaux de construction sur les chantiers d’un territoire ou bien en optimisant l’intervention des différentes parties prenantes d’un écosystème.
En phase de maintenance, l’exemple de la rénovation du lycée Bréquigny à Rennes via un jumeau numérique a permis de limiter la consommation d’énergie à long terme à 50 kWhep/m².an pendant six ans. Pour cela, plus de 800 paramètres (températures, occupation des salles, débits de ventilation, consommations) ont été mesurés presque en temps réel. Ces données sont structurées suivant le modèle de building information modeling (BIM), c'est-à-dire avec une navigation par bâtiment et par pièce.
En phase d’exploitation, la gestion des flux via jumeau numérique a largement contribué à l’amélioration de l’exploitation opérationnelle de l’aéroport de Tahiti. En effet, en analysant des données bien précises, ils ont développé une application reliée au jumeau numérique de l’aéroport, permettant ainsi un management opérationnel fin. Cette application permet de gérer la planification de staff, l’affectation des zones de contrôle en fonction des vols et ainsi de diminuer le coût et l’impact carbone de l’exploitation.
Cependant, si le jumeau numérique est un outil puissant, il est un outil complexe et gourmand en énergie. S’il semble certains que les réductions d'émission de gaz à effet de serre qu'ils permettent in fine sont faramineuses par rapport à l'impact carbone généré par ces systèmes de calcul, il faut instaurer des limites aux tests. Une idée envisagée par les membres du Syntec numérique serait d’instaurer des crédits de simulation, ou limite de tests à ne pas dépasser, dissuadant d'en effectuer pour un oui ou pour un non.
Le sujet vous intéresse ? Nos experts vous répondent
Les nouvelles technologies façonnent l’industrie du futur en une industrie plus agile, plus connectée et plus respectueuse de l’environnement. Notre offre s’appuie sur des consultants expérimentés qui vous accompagnent sur vos problématiques industrielles quelque soit le secteur d’activité pour mettre en place un SI robuste, transparent et modulable.