Mobility As A Service : que manque-t’il pour que cela fonctionne vraiment ?

Consommer facilement des services de mobilité à la demande et à l’aide de son smartphone, voici la promesse qui se cache derrière ces mots : Mobility As A Service, alias mobilité servicielle.
Désigné à plusieurs reprises, comme le “Netflix de la mobilité”, le concept ne semble pas rencontrer un succès aussi rapide que la plateforme de streaming américaine.
Tour d’horizon des initiatives publiques, privées et des plateformes qui sont peut-être le maillon manquant de la chaîne ?

Le MaaS a le vent en poupe
Celui qu’on désigne également comme “box de la mobilité” a le vent en poupe ces temps-ci. Il faut dire que le contexte environnemental et législatif y est pour beaucoup.
L’autosolisme, ennemi n°1 du moment, pointé comme un des responsables d’une pollution atmosphérique et qui pourrait être largement diminuée par le covoiturage, un des modes ciblés par les applications de type MaaS.
Toujours d’un point de vue écologique, les autorités espèrent convaincre les usagers de la route d’effectuer un report modal vers les transports publics, jugés moins polluants. L’application tombe alors à pic pour aiguiller l’usager.
Le projet de Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) a été récemment adopté à l’assemblée nationale. Il met en avant des principes tels que l’Opendata, un forfait mobilité, des dispositifs incitatifs pour les véhicules propres ... tout ce dont pouvait rêver les acteurs du MaaS finalement.
Mais alors qu’est ce qui coince ? Pourquoi doit-on toujours utiliser trois applications différentes en moyenne pour gérer ses déplacements encore aujourd’hui ?
Le rêve de la plateforme
“Mass Transit” et “MaaS” ne sont pas encore synonymes et pour cause : la mobilité servicielle gère pour le moment beaucoup mieux les modes individuels que les transports de masse. La profusion et l’arrivée soudaine de sociétés proposant des trottinettes en free floating (libre-service) dans nos agglomérations en est bien la preuve.
La promesse d’un trajet réalisé “sans couture" n’est pas encore réalité dans les principales métropoles françaises. Les usagers rêvent pourtant du fameux triptyque plan-book-ticket : celui qui permet de rechercher (mais surtout de suggérer) un itinéraire jugé optimal, de réserver le trajet, de prendre en charge l’acte d’achat pour finalement permettre la validation du titre. Le tout avec une information voyageur temps réel et circonstancielle, s’il vous plaît !
Exposée ainsi, la nécessité de ce fonctionnement de “bout en bout” n’est plus à démontrer, cependant de nombreux freins s’y opposent encore.
Nous oublions un détail important : moins il existe de plateformes, plus le modèle est efficace. Et ce détail est bien plus compliqué que toutes les contraintes techniques déjà maîtrisées aujourd’hui. En effet, les opérateurs de transport ne sont pas tous prêts à s’insérer dans une démarche “marque blanche”, autrement dit : fournir à ladite plateforme tout le nécessaire pour le voyageur (données tarifaires, géographiques, horaires, titre de transport …) sans marque.
La mobilité en tant que service privé fonctionne plutôt bien : l’effervescence des compagnies VTC en est le meilleur exemple. L’autre réussite privée se situe du côté des grandes entreprises. Depuis plusieurs mois, le Groupe Renault a décidé de proposer à ses salariés un service de covoiturage “domicile - travail” , pour se faire, la marque au losange s’est fait accompagner par Klaxit, expert en la matière, qui compte également parmi ses clients des groupes comme Vinci, Boulanger ...
Et si la solution était publique ?
Associer les termes “transport” et “public” ou encore “état” évoquent sûrement pour beaucoup de mauvais souvenirs, la faute aux ex-compagnies nationales pour qui les temps sont durs ? ... et pour cause : ouverture à la concurrence, libéralisation et complexification du marché …
Comment les pouvoirs publics peuvent-ils contribuer sur la question des mobilités ? Le projet LOM, à lui seul, semble insuffisant. Il est bon de rappeler que ces questions d’Opendata font débat entre législateurs depuis déjà de nombreuses années. Emmanuel Macron, en tant que ministre de l’économie, et à travers l’article 4 de la loi du 6 août 2015, promettait une ouverture systématique des données de transport. Le décret d’application n’a malheureusement jamais vu le jour. L’initiative http://transport.data.gouv.fr essaye tant bien que mal de proposer la couche “data” pour ces plateformes, mais semble également manquer d’engouement.
Quand certains n’hésitent pas à parler de “Mobility As A Public Service”, le rôle des pouvoirs publics pourrait être de désigner un acteur unique, responsable d’agréger et coordonner sur une seule et unique plateforme toutes les offres disponibles.
Ces métropoles qui ont franchi le pas
Qui dit plateforme unique ne dit pas forcément fournisseur public. De plus en plus de métropoles choisissent de confier la gestion de leur application “officielle” à un acteur privé. Sans grande surprise, parmi ces fans de MaaS, on retrouve de nombreuses villes nord-américaines.
L’agglomération de Saint Louis (Missouri - USA) compte près de 3 millions d’habitants. L’application proposée par Transit vient de remplacer officiellement l’ancienne application des transports publics de la ville. Tous les modes de transport y sont gérés, le paiement fait également partie des fonctionnalités offertes par l’application.
Transit est présent dans près de 175 villes et proposent des services de mobilité plus ou moins aboutis. L’entreprise canadienne n’hésite pas à désigner sa solution mobile comme un véritable “cocktail transport”.
Autre exemple, européen cette fois-ci, en Finlande, où la municipalité d’Helsinki s’est tournée vers la solution Whim qui propose désormais des packs de mobilités : du plus simple (pay as you go) au plus complet (qui permet de voyager en illimité sur tous les modes), le modèle est encore plus abouti ici puisque l’offre tarifaire a également évolué avec l’arrivée de ce nouvel acteur MaaS.
En France, les Autorités Organisatrices de la Mobilité (AOM) endossent déjà des responsabilités dans la régulation et l’organisation des transports. A ce titre, Île-de-France Mobilités (ex STIF) pourrait-il devenir garant de cette future plateforme et permettre ainsi l’adoption d’une solution unique ?