L’avenir de la billettique : plus fluide, équitable et inclusive
La billettique est au cœur de l'expérience du voyageur et de la performance des réseaux de transport. Pourtant, moins de 15% des ventes urbaines passent aujourd'hui par le digital, contre plus de 80% dans le ferroviaire ou l'aérien. Cette faible numérisation contraste avec les attentes des usagers et représente un potentiel de croissance immense pour les autorités organisatrices de mobilité (AOM).
Une transformation numérique incontournable.
Il existe une hétérogénéité importante entre territoires : tandis que certains réseaux comme Dijon affichent jusqu'à 35% de leurs voyages payés en open payment, d'autres accusent encore un retard considérable sur le déploiement de nouvelles solutions billettiques. Cette disparité s'explique par la fragmentation du paysage français, plus de 700 AOM et 200 systèmes de billettique différents, qui complique le déploiement homogène de solutions numériques.
Les solutions digitales : paiement sur smartphone, carte sans contact, abonnement post-paiement, ne se résument pas à un simple confort pour l'usager. Elles constituent un levier stratégique : faciliter le parcours client, sécuriser la collecte des recettes, réduire les coûts de distribution et renforcer l'image d'innovation des autorités organisatrices.
Trois piliers d’évolution
1. Open Payment : déjà incontournable
L'Open Payment simplifie l'accès des occasionnels et touristes en permettant l'utilisation d'une carte bancaire comme titre de transport. Cette simplicité permet un usage naturel, qui n’impose pas de contrainte qui peuvent être longues, complexes, et peu lisibles (ce qui décourage parfois l’usager à acheter un titre de transport). Dans les réseaux où il est déployé, il capte jusqu'aux deux tiers des ventes digitales dès la première année. À Lyon, cette proportion atteint 50% pour les voyageurs occasionnels.
Pour l’exploitant, la gestion est d’autant simplifiée en limitant les contraintes de distribution de titres occasionnels (distributeurs, limitation des ventes à bord…) et de gestion de comptes clients en les reportant sur le système bancaire. Toutefois, cette délégation de la distribution peut avoir un coût non négligeable.
2. Post-paiement : l'avenir des abonnés
Adapté aux voyageurs réguliers et aux usages des nouvelles mobilités (autopartage, vélo en libre service…), le post-paiement permet une facturation à la fin du mois, avec un éventuel plafonnement tarifaire journalier, hebdomadaire ou mensuel, pouvant ainsi substituer aux abonnements forfaitaires classiques. Cela ajoute de la flexibilité pour l’usager, qui fait des économies lorsqu’il n’utilise pas son abonnement.
Le système Navigo Liberté+ en Île-de-France, généralisé en 2025, illustre ce modèle : l'usager voyage librement et ne paie que ses trajets réalisés, avec un plafonnement automatique au meilleur tarif. Cependant, deux contraintes subsistent :
l'inscription préalable, comparé à l'immédiateté de l'open payment reste un défi à surmonter pour encourager l'adoption massive.
Ce système nécessite la confiance de l’usager, qui a besoin que les trajets soient comptabilisés sans aucune erreur.
3. Titre interopérable : effacer la diversité des réseaux
Des cartes comme Pass Pass (Hauts-de-France) ou Oura (Auvergne-Rhône-Alpes) montrent la voie en regroupant des titres multiples (de réseaux différents…) et les droits sociaux des utilisateurs sur un même support.
Cette approche régionale présente l'avantage de respecter les compétences locales tout en créant une cohérence territoriale. L'État agissant désormais comme "ensemblier" pour garantir la compatibilité technique entre ces systèmes régionaux.
L’intégration des tarifs sociaux : un impératif d’équité et d’accès
La numérisation doit simplifier l'accès aux droits et tarifs auxquels le voyageur a droit. Aujourd'hui, les conditions d'accès aux réductions varient fortement d'un territoire à l'autre, empêchant les usagers de comprendre leurs droits et les offres associées.
La numérisation offre une opportunité d'unifier et d'automatiser ces droits sociaux. Des cartes régionales démontrent déjà cette intégration réussie. L'enjeu est double : renforcer l'accès à la mobilité pour tous et garantir l'équité dans l'application des droits sociaux.
À terme, un usager reconnu comme bénéficiaire d'un tarif réduit pourrait voir ce droit appliqué automatiquement partout, sans démarches supplémentaires. Les API gouvernementales permettent déjà cette simplification : quotient familial CAF, statut demandeur d'emploi, ou complémentaire santé solidaire peuvent être vérifiés automatiquement , évitant la collecte fastidieuse de justificatifs, et le coût associé pour les collectivités.
Multimodalité et interopérabilité : vers une tarification optimisée
Les usagers attendent une mobilité sans coupure, combinant train, métro, bus, vélo ou covoiturage sans multiplier les cartes et applications. Cette ambition suppose trois prérequis techniques :
- Standards techniques communs : applications, billets, QR codes interopérables
- Architectures back-office capables de traiter des droits et validations multi-opérateurs et multi-réseaux
- Solutions de tarification intelligente où le système calcule automatiquement la meilleure tarification en fonction des trajets réalisés et des droits de l'usager
Les Services Express Régionaux Métropolitains (SERM), en cours de déploiement dans 26 territoires, incarnent cette logique en décloisonnant TER, transports urbains et modes individuels. Ils constituent une vitrine grandeur nature de l'intermodalité incorporant des solutions numériques leurs permettant d'atteindre leurs objectifs.
Conclusion
La billettique traverse aujourd'hui une mutation décisive qui redéfinit fondamentalement l'accès aux transports collectifs. Cette transformation conditionne la capacité de nos réseaux à servir équitablement tous les citoyens, indépendamment de leur situation sociale, de leur âge ou de leur maîtrise du numérique.
Les trois piliers identifiés – open payment, post-paiement et titres interopérables régionaux – ne constituent pas des solutions concurrentes mais complémentaires pour démocratiser l'accès à la mobilité.
L'enjeu central n'est plus de numériser à tout prix, mais d'humaniser la technologie au service de l'équité territoriale et sociale. Cette approche exige trois impératifs : maintenir des alternatives physiques pour ne pas créer d'exclusion numérique, permettre un accès aux droits sociaux plus simple, même lorsque l’usager ne connaît pas ses droits, et préserver la diversité tarifaire locale tout en garantissant l'interopérabilité technique.
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