L’uberisation de l’assurance : quelles menaces pour les leaders du secteur ?

L’uberisation, néologisme utilisé pour désigner la transition vers une économie digitale centrée sur le consommateur, a déjà bouleversé notre économie. Longtemps à l’abri de cette déferlante, notamment grâce à un environnement réglementaire très strict, le secteur de l’assurance est aujourd’hui menacé par l’arrivée de concurrents 100% digitaux.
La relation client, vulnérabilité première des acteurs historiques
La faiblesse du modèle d’affaire des acteurs historiques se trouve dans la discontinuité de la relation qu’ils entretiennent avec leurs assurés. Le contact n’a lieu qu’en cas de sinistre, dans une ambiance souvent tendue, génératrice de conflits. Cette relation en pointillés impacte négativement les assureurs, qui souffrent parfois d’un déficit d’image aux yeux de leurs assurés. Cette mauvaise réputation se trouve renforcée par le fait que, dans le secteur, les marges sont inversement proportionnelles aux indemnisations accordées, induisant un conflit d’intérêt pour l’assureur lorsqu’un remboursement doit avoir lieu.
Par ailleurs, l’opacité de certains contrats d’assurance est aujourd’hui fuie par les consommateurs, qui sont à la recherche d’une information claire et transparente. Cette nouvelle démarche de prise de responsabilité des assurés a permis l’installation permanente dans le paysage des comparateurs en ligne et des courtiers, qui donnent les outils nécessaires à l’assuré pour garder le contrôle de ses choix et pour mieux s’informer.
L’avènement du "peer to peer"
Conscients de ces failles, les nouveaux assureurs "peer to peer" remettent l’assuré au centre de leurs business modèles et déclinent leurs offres sous plusieurs formats (assurance, mutuelle, courtier) en proposant des concepts innovants.
Parmi ces concepts, on rencontre, par exemple, le principe de "cashback". Proposé par l’assureur auto Inspeer.me, le "cashback" repose sur un système simple et communautaire : une partie des cotisations versées par les assurés va dans un fonds collaboratif dédié aux assurés ; à la fin de l’année, l’argent restant sur le fond est distribué aux assurés, c’est le "cashback". Ce modèle vertueux et engageant a pour but de responsabiliser et de fidéliser l’ensemble des utilisateurs du service.
La mutuelle n’est pas oubliée. Friendsurance, initiative allemande, repose sur le fonctionnement d’une micro-mutuelle. Le souscripteur constitue un groupe, en invitant des relations via les réseaux sociaux, dans lequel chacun des membres va verser une cotisation afin de créer un “filet de sécurité”. En cas de sinistre, la communauté va participer au remboursement à la hauteur du “filet de sécurité”, l’assureur standard couvrant le reste. Visant à réduire les coûts (en traitements administratifs, notamment) et la fraude, ce système coopératif permet de réduire les primes facturées aux sociétaires. Un système coopératif et bénéfique à toutes les parties, représentatif de la philosophie des nouveaux acteurs.
Enfin, certaines startups font le pari ambitieux (et lucratif) de l’intelligence artificielle : c’est le cas de la très médiatisée startup new-yorkaise Lemonade. Pariant sur le 100% dématérialisé, elle mise également beaucoup sur Maya, charmant bot doté d’une intelligence artificielle, par qui tous les contacts (hors sinistres) se font. Pour l’instant peu communicatrice, cette startup en a pourtant suffisamment dit pour se voir financer, dès la première levée de fonds, à hauteur de 13 millions de dollars par Sequoia Capital. Un montant bienvenu pour qui souhaite révolutionner l’assurance immobilière aux Etats-Unis, premier marché mondial du secteur.
Si les initiatives et les offres proposées dans le domaine de l’assurance « peer to peer » sont encore marginales et trop restreintes pour représenter une menace immédiate pour les assureurs traditionnels, la valeur du marché mondial de l’assurance (205,7 milliards d’euros en 2015) attire de plus en plus les entrepreneurs et les investisseurs. Les idées innovantes se multiplient et séduisent de plus en plus consommateurs. Le scénario d’un véritable raz-de-marée ubérisant d’acteurs d’assurance « peer to peer » n’est aujourd’hui plus à exclure, un futur auquel doivent se préparer les acteurs traditionnels du secteur.
