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L’avenir du combustible nucléaire et son recyclage

Energie
31 juillet 2024

Le combustible nucléaire, longtemps considéré comme un des piliers incontestables du système de production d’électricité en France, a souvent été décrié par les pouvoirs publics ces dernières années, notamment à cause du débat autour de la gestion des déchets radioactifs issus de la fission nucléaire. A l’heure de l’urgence climatique, nous allons tenter de comprendre pourquoi et comment ce débat a évolué.

Défiance du nucléaire : accidents et déchets

Les catastrophes nucléaires passées ont entraîné une défiance de l’opinion publique sur la sûreté et la nécessité de l’usage du combustible nucléaire. Pour ne citer que les plus célèbres, Tchernobyl en 1986 et Fukushima en 2011 ont engendré le déplacement de milliers de personnes et la contamination de l’air et des sols sur une vaste zone géographique.

A cela, s’ajoute la radioactivité émanant de la production de déchets radioactifs. La gestion de ces derniers varie en fonction du niveau de toxicité, mais est très strictement encadrée. Ainsi, 2,5% des déchets produits sont hautement radioactifs et enfouis à 500 mètres de profondeur. A l’inverse, plus de 97,5% des déchets sont peu radioactifs et stockés dans des endroits dédiés et hautement sécurisés.

Malgré les critiques souvent adressées à l’énergie nucléaire, notamment sur les désastres écologiques que les catastrophes ont pu entraîner, il s’agit néanmoins d’une énergie bas carbone et produisant 65% de l’électricité en France en 2023. Dans un contexte inflationniste, il est indispensable d’assurer la continuité de la production d’électricité à faible coût et ainsi de se questionner sur l’usage du combustible nucléaire comme élément essentiel à l’accomplissement de la transition écologique en France.

Etat des lieux de la filière nucléaire

Dès les années 1970 et à l'issue du premier choc pétrolier, la France a accéléré son programme nucléaire par la production de nombreuses centrales afin de réduire sa dépendance au pétrole. Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 56 réacteurs répartis sur 18 sites qui subviennent au besoin énergétique français, un record en Europe.

Ces dernières années, la politique énergétique française s’est réorientée grandement en faveur du développement du nucléaire. En effet, la Stratégie Nationale Bas Carbone adoptée en avril 2020 et visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 considère le nucléaire comme un pilier de la transition énergétique française.

De plus, le plan France Relance initié à la suite de la pandémie de COVID-19 précise que les objectifs de politique énergétique ne peuvent être atteints en utilisant exclusivement des énergies renouvelables, qui sont intermittentes et imprévisibles. La combinaison avec l’énergie nucléaire permettrait alors de subvenir aux besoins énergétiques en ayant recours à une énergie continue, maîtrisée et bas carbone. Les investissements réalisés par cette initiative gouvernementale permettraient de développer de nouvelles technologies nucléaires, plus sûres, plus efficaces et plus durables.

Enfin, la 28ème Conférence des parties sur le climat (COP 28) en décembre 2023 a reconnu le nucléaire comme énergie bas carbone et a appelé à accélérer le développement de cette filière.

Bénéfices du combustible nucléaire et solution face aux déchets nucléaires

Le principal argument porté à l’encontre de l’énergie nucléaire concerne la difficulté de stockage des déchets qu’elle produit. Les déchets nucléaires sont catégorisés selon leur niveau d’activité et de longévité. On en distingue 4 : 

  • Les déchets de très faible activité
  • Les déchets de moyenne activité à vie courte
  • Les déchets de moyenne activité à vie longue
  • Les déchets de haute activité à vie longue

Les deux premières catégories représentent les déchets recyclables et réutilisables pour produire de l’électricité. Elles représentent en volume 97,5% des déchets émis par l’utilisation du combustible nucléaire des réacteurs français et peuvent être notamment réutilisés via des combustibles recyclés tels que le MOX.

Les deux dernières catégories représentent l’immense majorité de la radioactivité des déchets nucléaires (99,9%) alors qu’ils ne représentent qu'une infime portion de la totalité des déchets en volume (2,5%, représentant l’équivalent de 12 piscines olympiques).

En amont de l’enterrement des déchets nucléaires sous le sol, ils font l’objet d’un procédé de reconditionnement appelé “vitrification” et dont l’objectif est de mélanger le combustible nucléaire dans du verre chauffé à haute température pour piéger les composés radioactifs et les empêcher de se répandre. Le mélange est ensuite placé dans un baril de béton ou d’acier et est logé de manière temporaire sur un site de stockage en attendant de pouvoir être enfoui de manière définitive dans un emplacement  sécurisé.

La décision de mettre en place ces dispositifs de stockage a été prise en 2006 et a été enrichie par une seconde loi en 2016 mettant en avant la nécessité de ce caractère réversible et ainsi permettre de s’adapter aux innovations futures.  Les pouvoirs publics témoignent donc d’une volonté claire de pallier les inconvénients du combustible nucléaire, via l’anticipation des infrastructures à prévoir pour limiter les risques qui lui sont propres.

Indépendance énergétique et avenir du nucléaire en France

L’avenir de l’énergie nucléaire en France se base en grande partie sur une problématique grandissante : celle de son indépendance énergétique qui s’élevait à 53,4%  en 2021. Cet indicateur mesure le ratio de l’énergie que nous produisons, par rapport à celle qui est consommée. Cette statistique doit cependant être nuancée, car elle prend en compte l’énergie dégagée par les réacteurs nucléaires indépendamment de la provenance du combustible source. Cette méthode de calcul cache en effet un talon d’Achilles de l’industrie nucléaire française : depuis 2003, la France importe l’uranium de pays étrangers, dont certains - comme le Kazakhstan, l'Ouzbékistan ou encore le Niger où Orano vient de perdre sa concession sur un gisement d’uranium de près de 200 000 tonnes  -  ont une situation politique instable.

Ainsi, dans l’hypothèse où la convention de calcul du taux d’indépendance énergétique se faisait sur la base du combustible qui sert à produire cette chaleur, celui de la France excéderait à peine les 10%. Partant de ce constat, l’enjeu pour la France sera de miser sur les innovations technologiques impliquant une diversification des combustibles utilisés pour faire fonctionner les centrales nucléaires.

Les réacteurs nucléaires installés sur le parc français sont pour la plupart des réacteurs nucléaires de génération II à eau pressurisée et conçus dans les années 1970 d’ores et déjà dans une optique d’indépendance énergétique vis-à-vis des énergies fossiles.

La conception des prochaines générations de réacteurs ont déjà fait l’objet de velléités en France, qui est membre du Forum Génération IV visant à développer les recherches sur les prochains concepts de réacteurs nucléaires. Le projet de recherche, Astrid, en fut un des exemples les plus probants avec son réacteur à neutron rapide refroidi au sodium qui permet de nombreux avantages en termes d’efficience énergétique, de diversité des ressources nucléaires utilisables…

La mise en place industrielle de ce réacteur a été suspendue en 2019, du fait d’un manque de budget et d’un problème de gouvernance des pouvoirs publics. D’autres concepts sont également étudiés dans le cadre du Forum Génération IV, tel que le réacteur à neutrons rapides refroidi au sel fondu.

Ces innovations auront pour effet de réduire le risque de dépendance énergétique mais également de pallier l’inconvénient majeur du combustible nucléaire souvent décrié par ses détracteurs qui est  le recyclage des déchets hautement radioactifs. Les avancées technologiques en matière de nucléaire permettent à toutes les problématiques de sécurité, d’efficience, d’impact économique et environnemental de converger vers un même objectif : celui d’une transition écologique réussie et d’un avenir pérenne, dont la France sera le principal artisan.

Au-delà de la fission : fusion et valorisation

Le combustible nucléaire a longtemps contribué au rayonnement de la France sur le plan de la gestion du parc énergétique qu’elle propose. Malgré les événements qui ont terni l’image de cette industrie, il semble évident qu’au vu des enjeux futurs, elle demeure la clé de voûte de l’approvisionnement énergétique de la société française.

Les investissements en R&D entrepris en ce sens pourraient permettre l’émergence de technologies salvatrices, palliant les défauts et manquements des réacteurs nucléaires actuels. Sur le très long terme, nous pouvons d’ores et déjà imaginer des centrales nucléaires fonctionnant grâce à la fusion de ses combustibles : le Projet ITER vise à développer un premier prototype de réacteur à fusion nucléaire.

Cette innovation révolutionnaire aurait alors pour effet d’augmenter drastiquement l’efficience énergétique du parc nucléaire national. En outre, cela augmenterait notre capacité à produire des énergies alternatives telles que l’hydrogène, de valoriser la chaleur fatale émise par les réacteurs tout en garantissant une émission quasi-nulle de déchets nucléaires. La fusion solutionnerait ainsi les problématiques de viabilité économique et de préservation environnementale, qui sont les conditions premières à une transition écologique réussie.

Bien qu’encore très hypothétique et utopique, la fusion nucléaire laisse entrevoir un futur prometteur et durable pour l’humanité.

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Emmylou ROSZAK
Emmylou ROSZAK
Senior Partner - Directrice de l'Offre Energies & Utilities

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Auteur Lisa RAMALHOSA
Lisa RAMALHOSA
Consultante
Auteur Nicolas Huy
Nicolas Huy
Consultant