Les médias traditionnels face à l’arrivée des géants du numérique, les GAFA

Historiquement, les GAFA de l’Internet fixe et mobile (Google, Amazon, Facebook et Apple), proposent des services d’intermédiation autour des nouvelles technologies grâce à leur maîtrise des données et des algorithmes. Ce rôle d’intermédiaire les a conduits à toujours diversifier leurs activités dans le plus de domaines possibles . Leur objectif est de devenir des interfaces universelles et multi-fonctionnelles, répondant à tous les besoins des internautes. Favorisés par la commercialisation massive des smartphones et l’utilisation d’internet, ces GAFA ont réussi à bousculer toutes nos habitudes de consommation, dont celles de l’information.
Ainsi en France, nous consultons davantage Internet que nous regardons la télévision. Nous recueillons désormais de plus en plus d’informations via les réseaux sociaux ou les moteurs de recherche, et de moins en moins sur les canaux de médias traditionnels (radio, télévision et presse écrite).
En 2018, d’après une étude du ministère de la culture et le Conseil de l’audiovisuel français, tous les médias ont perdu près de la moitié de leurs revenus depuis les années 2000.
Ainsi, ces nouvelles évolutions ont entraîné une chute considérable des revenus des médias historiques, conduisant ces derniers à accélérer leur retard dans la digitalisation, par des investissements massifs et la multiplication des partenariats avec le maximum d’acteurs du secteur.
Quelles sont les nouvelles stratégies des GAFA dans les médias ? Comment les acteurs audiovisuels peuvent-ils contrer les GAFA qui investissent de plus en plus dans la production de contenus audiovisuels ? Les réseaux sociaux sont-ils une menace ou un avantage à exploiter pour les acteurs de presse ?
Le monde audiovisuel concurrencé par les GAFA

La télévision est le canal le plus impacté par les GAFA, lancés dans la fabrication de contenus audiovisuels, dont des séries. A leur tour, ils multiplient les investissements dans des nouvelles plateformes de diffusion de contenus originaux et de vidéos à la demande, et des partenariats avec des éditeurs et producteurs.
Prenons l’exemple d’Apple : pour alimenter son écosystème autour de la fabrication d’appareils électroniques dont iTunes, il s’est lancé en 2018 dans la production de contenus audiovisuels en signant des accords de partenariat avec de nombreuses célébrités dont Oprah Winfrey.
Amazon a, quant à lui, lancé en 2011, Amazon Prime Video, un service de vidéo à la demande. Ce dernier est un succès puisqu’en mars 2018, il recensait 100 millions d’abonnés dans le monde.
Le monde de la presse impacté par le développement des réseaux sociaux
L’arrivée d’internet a bousculé le fonctionnement initial des maisons de presse écrite. Leurs lecteurs sont de plus en plus nombreux à être sur internet. Les réseaux sociaux seraient ainsi devenus la principale source d’information pour 19% des Français. Par conséquence, la presse écrite n’a pas eu d’autre choix que d’être visible sur Internet, en créant ses propres sites web et en collaborant avec les nouveaux acteurs de diffusion d’informations : les réseaux sociaux et moteurs de recherche.
Facebook est notamment devenu le principal concurrent de la presse car apporte plus d’instantanéité et favorise les interactions en direct.

Cependant, l’utilisation de Facebook comporte des inconvénients.
La première concerne les algorithmes et formats de publication qu’impose le réseau social. Pour rappel, en 2017 l’Institut Reuters indiquait dans son rapport digital que seuls 41% des lecteurs sont en mesure de citer la source correcte des informations perçues par ce canal.
La seconde repose sur l’instantanéité de diffusion de l’information. La propagation rapide de celles-ci favorise l’amplification des fausses informations (« fake news »), ce qui discrédite les acteurs de l’information.
Les réactions des médias traditionnels face aux GAFA
Subissant ces pressions, les acteurs de la presse écrite et de l’audiovisuel réagissent différemment.
Côté presse, on regroupe les ressources et les compétences. Par exemple, le Groupe Figaro s’est ainsi allié au Groupe Le Monde pour concevoir la plateforme « Skyline », permettant aux annonceurs et agences médias de lancer des campagnes communes sur les sites des deux groupes. Avant eux, ce sont Les Echos, Lagardère Active et M6 qui se sont réunis pour créer « Alliance Gravity », et ainsi mutualiser la vente des espaces publicitaires et centraliser les données sur les lecteurs.
Côté télévision linéaire, HBO, Canal+ et france.tv ont investi près d’un milliard d’euros dans la production audiovisuelle.
Pour les aider à contrer ces géants qui envahissent leur part de marché, acteurs de presse écrite et de l’audiovisuel appellent ensemble à l’intervention institutionnelle.
Leur voix a été entendue au-delà de nos frontières puisque le 12 septembre 2018, le Parlement européen a décidé de mettre à jour la directive sur la réforme du droit d’auteur à l’ère numérique, obligeant les plateformes à rétribuer les créateurs de contenu et en instituant un « droit voisin » pour les éditeurs de presse. Ce texte, en cours de réécriture, sera présenté au Conseil de l’UE ainsi qu’à la commission européenne afin d’être transposé dans les 27 États membres.
Les GAFA impactent beaucoup le secteur des médias hors web. Si ces derniers tentent de se renouveler, en multipliant les partenariats et investissements dans la digitalisation de leurs outils, comparés aux importants moyens que disposent les GAFA, ces efforts peuvent ne pas suffire.
Il est donc urgent que les Etats légifèrent afin de freiner l’avancée de ces géants et soutenir les professionnels de nos médias traditionnels. Pionnier dans cette avancée à l’échelle de l’UE, la France a présenté devant le Conseil des ministres, le 06 mars 2019, un projet de taxe d’un taux de 3% sur les chiffres d’affaires des grosses entreprises internationales du numérique. En plus des GAFA, ce dernier devrait toucher plus d’une vingtaine d’autres entreprises en France qui génèrent plus de 750 millions d’euros de chiffres d’affaires dans le monde et 25 millions d’euros en Hexagone. Reste à voir si les résultats de ce projet influenceront d’autres pays.
