Les Médias face à l'urgence climatique : comment relever le défi ?

Dans une course effrénée pour se démarquer, la production de contenus est massive, et la diffusion est de plus en plus interconnectée entre les différents écrans, les plateformes et les réseaux sociaux. Cette stratégie pour capter l’attention génère plus de trafic, et consomme donc plus d’énergie. Ce modèle intensif peut aller à l’encontre d’un usage plus sobre. Alors, comment concilier innovations et sobriété numérique dans une économie de l'attention ?
Un modèle économique énergivore
Dans un flux infini d’information, l’un des enjeux principaux d’un média est de capter l'attention d'une audience. Proposer continuellement des contenus originaux, et une variété d’articles, publications et vidéos pour être au plus proche de l’actualité, pousse alors à avoir un rythme soutenu de production. Adapter le contenu aux différents supports (TV, ordinateur, téléphone) et le promouvoir sur les réseaux sociaux peut améliorer la visibilité et l’engagement. Mais l’utilisation de notifications pushs, le lancement automatique de vidéos qui tournent en boucle, et le contenu généré par l’audience via les likes, les commentaires et les partages, fait que le modèle économique se construit autour d’une multitude de formats et de clics.
Quant aux algorithmes de recommandations, ils permettent une expérience personnalisée plus fluide où le contenu mis en avant est plus susceptible de capter et retenir l’attention d’une audience. L’exploitation des données du profil utilisateur permet de suggérer de façon pertinente du contenu, et d’y associer de la publicité ciblée. Or la collecte et le stockage de données requièrent des infrastructures lourdes et une consommation d’énergie à considérer. Ce modèle construit autour de l’attention pose une volonté de produire toujours plus, sans considérer la soutenabilité des ressources nécessaires.
Selon Jean-Marc Jancovici, l’empreinte carbone du secteur des Médias est liée à deux principaux facteurs : l'électricité et la fabrication des terminaux (Salon Eco-day, 23/01/25). En France, dans la mesure où l’électricité est décarbonée, c’est sur le second facteur que les groupes médias peuvent chercher à réduire leur empreinte carbone.
Innover pour décarboniser
Du matériel plus durable pour une production responsable
Une politique de Numérique Responsable peut viser à optimiser la durée de vie du matériel informatique et des installations techniques de production et de diffusion. Envisager des achats responsables, privilégier la réparation et la réutilisation, c’est aussi intégrer une logique circulaire. Cette politique a notamment été appliquée chez France Télévisions lors du projet de modernisation de la régie de diffusion. Une manière d’appliquer concrètement la politique RSE de la maison, tout en faisant des économies d’achats. Dans une logique similaire, opter pour un studio tout en fond vert ou full- LED, permet de créer en VR/AR plusieurs décors et donc de fabriquer plusieurs programmes en un seul lieu. Cela peut aider à réduire l’empreinte carbone liée au transport du matériel.
Diffuser mieux : l’enjeu de l’éco-conception numérique
D’autre part, pour la diffusion sur plusieurs terminaux, c’est dès la conception qu’il faut intégrer les principes du Green IT. L’éco-conception des sites permettrait alors d’allier une expérience utilisateur de qualité et une optimisation du parcours pour réduire le nombre de clics et de flux de données. Par exemple, le lecteur streaming de la plateforme M6+ peuvent proposer un mode éco qui permet d’adapter la qualité de la vidéo au flux pour ne pas surcharger la bande passante.
Le respect de pratiques éco-responsables sur les tournages est désormais valorisé grâce au label Ecoprod (ex: privilégier les ressourceries pour les costumes, favoriser la mobilité douce, réduire le gaspillage alimentaire). Ce label devient une condition de financement du CNC, ce qui pousse les groupes audiovisuels à l’intégrer dans leur stratégie. Arte et TF1 présentent l'objectif d'éco-produire 100% de productions internes, et ont obtenu le label pour plusieurs de leurs programmes (la série “Demain nous appartient”, TF1 ; le magazine “Kreatur”, Arte).
Créer un impact positif
Informer autrement : le contenu au service du climat
Pour insuffler des bonnes pratiques et les pérenniser au sein d’un groupe média, il est essentiel de sensibiliser les collaborateurs, les former et de les rendre acteurs de cette transition. France Télévisions a par exemple organisé le salon Eco-day (conférences, forum d’échanges), et propose une formation avec le Master Climat de Paris Saclay. TF1 propose également de se projeter dans un décor de tournage virtuel sur sa plateforme “Green Studio” dédiée à l’éco-production.
C’est aussi dans le choix de sujets abordés par une Rédaction, ou une Direction des programmes, qu’un média peut jouer un rôle pour sensibiliser son audience. La vulgarisation de concepts scientifiques pour mieux comprendre les enjeux liés au changement climatique peut se faire avec le JT Météo climat (FTV), des documentaires (Destination 2030, TF1) ou des émissions dédiées (Zone d’impact, FTV). La mise en avant de contenus relatifs aux enjeux environnementaux dans la programmation, ou sur les plateformes, est aussi une manière de capter l’attention sur ces sujets pour que le message ait plus d’impact : c’est d’ailleurs la proposition de la “Semaine Green” de M6.
Le sujet et son contexte doivent être considérés pour que le propos soit compris de l’audience. Cette position ne peut avoir de la force que s’il y a une cohérence entre les messages et les publicités présentées par le média. En ce sens, il est préférable d’éviter de présenter un sujet qui défend la mobilité douce à côté d’une publicité pour une compagnie aérienne. C’est pourquoi, des médias, tels que Radio France propose des espaces publicitaires responsables.
Une responsabilité symbolique à assumer collectivement
Innovations et sobriété ne sont pas des stratégies opposées. Pour les concilier, l’enjeu est de repenser l’expérience du contenu et de faire de la responsabilité une nouvelle de qualité et un levier pour se différencier. En transformant leurs pratiques, leurs technologies et leur culture, les Médias renforcent leur crédibilité à se positionner comme un relais de la transition.
Les Médias ont d’autant plus une responsabilité symbolique pour informer, façonner l’opinion publique et inspirer de nouveaux imaginaires. Favoriser l’échange entre les différents métiers du secteur - Éditeurs, Journalistes, Annonceurs, Plateformes - encouragerait la co-construction de bonnes pratiques communes et d’un modèle économique responsable.
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