Assises de la télémédecine et de l’IA
Alors que l’IA et la télémédecine sont devenues des moteurs dans la transformation du système de santé, une fracture persiste entre les ambitions technologiques et les usages réels sur le terrain.
Dans ce contexte se sont tenues, le 27 juin 2025, les Assises de la télémédecine, un temps d’échange organisé par la Caisse nationale de l’Assurance Maladie et la Direction générale de l’offre de soins, réunissant l’ensemble des acteurs du secteur pour engager une réflexion collective et dessiner les contours de la télémédecine de demain.
L’événement a révélé une réalité encore contrastée : si les outils numériques se développent rapidement, leur adoption reste inégale, reflétant à la fois les attentes des soignants, la diversité des usages et les contraintes du terrain.
Une adoption encore sous tension
Si la télémédecine continue de se développer, son déploiement reste très contrasté selon les territoires et les spécialités médicales. Certaines zones y recourent massivement, tandis que d’autres peinent à l’intégrer.
Portée par la crise sanitaire, elle a connu un essor fulgurant pendant la pandémie de COVID-19. Mais cet usage n’a pas perduré : aujourd’hui, la téléconsultation ne représente qu’environ 2 % des consultations libérales.
Paradoxalement, les publics qui pourraient en tirer le plus de bénéfices — personnes âgées, patients chroniques, habitants des déserts médicaux — sont ceux qui y ont le moins recours. La pratique reste en grande partie concentrée en Île-de-France, qui totalise 55 % des téléconsultations, révélant une forte disparité territoriale.
L’usage varie également selon les spécialités. En 2024, selon Doctolib, les psychiatres sont les plus concernés, représentant plus d’un quart des téléconsultations. Les généralistes et les pédiatres y ont également recours, mais dans des proportions plus faibles.
Au-delà de ces inégalités d’accès et d’usage, les professionnels de santé eux-mêmes expriment des réserves croissantes vis-à-vis du numérique en santé. Beaucoup pointent des outils souvent imposés, peu adaptés à leurs pratiques et à leur réalité de terrain. Entre manque d’ergonomie, complexité d’utilisation et absence de réelle concertation, ces solutions technologiques sont parfois vécues comme une contrainte supplémentaire plutôt qu’un soutien.
C’est dans ce contexte déjà tendu qu’intervient une nouvelle couche technologique : l’intelligence artificielle.
Encore mal connue, elle suscite autant d’attentes que de méfiances. Certains y voient une promesse d’aide au diagnostic ou à la gestion du temps médical. Néanmoins, elle est aussi perçue comme floue, parfois menaçante : crainte d’un appauvrissement du jugement clinique, d’une perte d’autonomie professionnelle, voire d’une déshumanisation du soin. En 2024, 53% des professionnels de santé y avaient recours, principalement pour la recherche d’informations.
Les messages forts des Assises
Les Assises vont permettre jusqu'à décembre, de donner la parole grâce à des ateliers, aux professionnels de santé, en particulier aux médecins, pour exprimer leurs attentes vis-à-vis du numérique en santé. Si une large majorité se montre favorable à son développement, c’est à condition qu’il réponde à des besoins concrets, qu’il soit co-construit avec les soignants, et qu’il soit nourri par la réalité du terrain.
Ce que demandent les praticiens, ce ne sont pas plus d’outils, mais de meilleurs outils : adaptés au terrain, conçus avec eux et pour eux et pensés pour améliorer les pratiques sans les alourdir. L’adhésion au numérique passe par cette reconnaissance de la réalité du soin, faite de temps contraint, de surcharge administrative et de la nécessité de préserver la relation patient-médecin.
Autre message fort : la nécessité d’un cadre clair autour du développement et de l’utilisation des outils numériques et de l’IA. Les médecins attendent des règles lisibles, notamment sur les questions de responsabilité, de fiabilité et d’évaluation. L’opacité ou l’incertitude autour de ces dimensions contribue à entretenir la défiance.
Enfin, la question de la formation revient de manière récurrente. Pour que le numérique soit une aide et non une contrainte, il doit être accompagné d’un effort massif de sensibilisation, d’acculturation et de montée en compétence. Loin d’un rejet de principe, les soignants réclament une intégration progressive, réfléchie et soutenue.
Ce que cela implique pour les acteurs du numérique en santé
Les messages exprimés lors des Assises appellent les acteurs du numérique en santé à changer de posture. L’adoption ne passera plus par des outils imposés, mais par des solutions conçues avec et pour les praticiens et les patients, en phase avec les usages réels et les contraintes du terrain. L’enjeu est de recentrer les technologies sur l’aide à la décision et le confort clinique, afin qu’elles s’intègrent naturellement dans la pratique.,De septembre à décembre, 7 ateliers de co-construction réuniront acteurs du numérique et professionnels de santé pour comprendre les enjeux, identifier les besoins concrets et développer des outils ancrés dans la réalité quotidienne. Inclure les soignants dès la conception est essentiel : un outil ne doit pas être subi, mais adopté parce qu’il a du sens et répond à une véritable valeur ajoutée sur le terrain.
Conclusion
Médecins comme patients restent parfois hésitants, voire réfractaires, face à des outils numériques dont la valeur ajoutée sur le terrain reste à démontrer pleinement. Le défi des prochains mois sera de transformer cette réserve en adhésion, en montrant concrètement que le numérique – et l’IA – peuvent devenir de véritables alliés de la pratique médicale et enrichir l’expérience de soin. Rendez-vous en janvier 2026 pour découvrir les enseignements et propositions issus de ces Assises.
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