Contenu principal

Green is the new black : Les dessous du Vendredi noir

Publié le
25 novembre 2020
Retail & Luxe
Marketing / Expérience client

Place au Black Friday ! Mais pour combien de temps … ?

Après un départ peu signifiant en 2013, « le Black Friday est désormais entré dans les usages de consommation des Français, aussi fortement qu’aux Etats-Unis », déclare Fabien Versavau, le PDG de l’e-marchand Rakuten (ex-Priceminister) France (1). Selon une étude menée par RetailMeNot, 5,970 milliards d’euros de dépenses étaient attendues en France dans les commerces physiques et en ligne durant la période du 29 novembre au 2 décembre, soit une augmentation de 4,1% par rapport à l’édition 2018.

C’est finalement 6,69 milliards d’euros de vente pour cette édition 2019, soit 12,6 % d’augmentation. Premier record présenté dans cet article ...

Cependant, cela ne va surement pas durer, les députés se sont penchés sur le sujet, et un amendement au projet de loi anti gaspillage vient remettre en cause les périodes de promotions à outrance qui sequencent notre calendrier.

Les 5 choses à savoir sur le Black Friday 

1. Qu’est-ce que c’est et d’où ça vient ? Le Black Friday est né aux Etats-Unis dans les années 60. Littéralement le « vendredi noir », le Black Friday est une journée de soldes exceptionnels, allant jusqu’à -80%, qui a lieu le 4ème vendredi du mois de novembre au lendemain de la fête de Thanksgiving.

2. D’une tradition américaine à un phénomène mondial. Aux débuts des années 2000, le phénomène Black Friday s’internationalise progressivement. Il débarque en France en 2013 sous l’impulsion des acteurs prédominants du e-commerce : Amazon, Darty, Cdiscount, Rakuten France et Rue du Commerce. Aujourd’hui, le Black Friday est porté par un grand nombre d’acteurs qui ont su adapter cet évènement au marché français. Cette journée unique leur offre une belle opportunité de coup d’envoi des achats de fin d’année afin de booster une période un peu creuse et vient compléter Noël qui reste l’élément commercial moteur en France.

3. Une pluralité de secteurs. Historiquement, le Black Friday était tourné vers des offres high-tech, aujourd’hui il s’étend à diverses catégories dont les plus prisées sont en 2018 la mode (37%), l’électronique et la téléphonie (19%) puis la maison et le jardin (11%).

4. Une approche binaire : physique et digital. En France, le Black Friday se déroule d’abord sur internet mais depuis 2016, il se déporte dans les points de vente contrairement aux Etats-Unis où le Black Friday est exclusivement réservé aux magasins physiques. Les promotions en ligne sont réservées au Cyber Monday qui a lieu le lundi suivant le Black Friday.

5. Retour sur les chiffres de l’édition 2019. Cette année a été une année record pour le weekend du Black Friday : 62 % des Français profitent du Black Froday pour faire des achats et le panier moyen a augmenté, autour de 168 euros contre 94% en 2018. Par ailleurs, le nombre de paiements par carte bancaire a explosé sur cette journée exceptionnelle atteignant plus de 56 millions de transactions par carte bancaire, second record battu.

Un rendez-vous incontournable pour le e-commerce

Des records pour le e-commerce

Même si les ventes en magasin restent largement majoritaires – puisqu’elles représentent 83% du chiffre d’affaire pour l’édition 2018, le Black Friday s’impose comme un véritable temps fort du e-commerce.

En effet, cette journée est celle ayant générée le plus grand nombre de commandes en ligne de l’année 2018 selon le Webloyalty Panel. Et c’est une tendance qui semble perdurer puisque les ventes online sont passées à 1,7 milliards d’euros dépensés sur internet en 4 jours en 2019 alors que l’étude RetailMeNot annonçait une augmentation de 12,5% par rapport à 2018.

Si cette année n’a pas été celle du succès, il faut se préparer à l’édition 2020, pour cela voici quelques éléments :

La date est d’ailleurs déjà mise en avant sur des site tels que Cdiscount : Black Fridau de retour le 27/11/20...

Il est alors primordial de s’y préparer ! Face à un tel trafic, l’important est d’assurer un site performant, rapide et fluide, un service client disponible et un stock suffisant. Il est également essentiel de proposer des offres attrayantes à travers une mise en avant du rabais sur les fiches produits, des bannières promotionnelles, un compte à rebours... En parallèle, il est fondamental d’adopter une stratégie de communication efficace pour générer du trafic sur le site e-commerce. Enfin, il est important de relancer les visiteurs n’ayant pas abouti à l’achat pour faire des prospects des clients.

Une tendance du e-commerce : le m-commerce

Bien que le mobile soit le terminal le plus utilisé pour accéder à Internet selon le Baromètre du numérique 2018, le trafic mobile durant le Black Friday décroît de 5% pendant la période. Comment l’expliquer ? « Une UX approximative et une procédure de check out encore très mal optimisée sur terminaux mobiles » selon l’étude Contentsquare.

Or, le mobile est en phase de devenir un puissant canal dans le e-commerce. C’est pourquoi, lors des Black Friday, l’intégration d’une stratégie mobile ou a minima, un site responsive, est essentielle : offrir une navigation fluide répondant aux attentes des consommateurs et un check out pertinent, non fastidieux, simple, sécurisé proposant plusieurs moyens de paiement.

Ainsi, une interface utilisateur simplifiée, épurée et une expérience client optimisée se traduiront par une hausse du taux de conversion.

L’importance de construire sa stratégie digitale

Le Black Friday est un temps fort unique : les enseignes disposent de 24 heures pour profiter de la demande du marché et exploiter au mieux leurs offres.

"L’événement est en train de devenir principalement lié au e-commerce" constate l’économiste Joshua Bamfield, du Center for Retail Research.

Or, face à la montée en puissance du e-commerce pendant le Black Friday, les e-retailers s’appuient sur différentes stratégies webmarketing. Quelles ont été les stratégies des mastodontes du e-commerce ?

  • Certains acteurs développent leur visibilité sur les réseaux sociaux (Social Media Optimization - SMO) comme C-Discount, qui s’appuie sur une promotion sur les réseaux sociaux afin d’augmenter le trafic sur son site marchand.
  • D’autres se reposent sur une stratégie de référencement payant (Search Engine Advertising - SEA). Cette stratégie a permis à la Fnac de générer 2,74 millions de visites en novembre 2018 soit une augmentation de 146% par rapport au mois d’octobre.
  • En parallèle du SEA, d’autres acteurs soignent leur référencement organique (Search Engine Optimization - SEO) grâce à des mots clés pertinents. Ainsi, en améliorant son référencement SEO, Boulanger a vu son nombre de recherches augmenter de 50% en novembre 2018 par rapport à octobre, ce principalement grâce à des recherches organiques - les visites proviennent d’une requête faite sur un moteur de recherche.
  • Le trafic provenant de sites référents (hors réseaux sociaux) permet à l’enseigne Boulanger de générer environ 230 000 visites supplémentaires en novembre 2018, soit une augmentation de 58% par rapport au mois d’octobre.
  • Les campagnes display peuvent également être un levier d’acquisition du trafic lors du Black Friday. Cela a permis à Showroom d’atteindre plus de 55 000 visites sur son site en novembre 2018, soit une augmentation de 70% par rapport au mois d’octobre. Son concurrent, Ventes Privées, s’appuie davantage sur un trafic provenant de recherches payantes.
  • Enfin, certains profitent mécaniquement de leur image de marque. C’est le cas de La Redoute qui voit son trafic direct – lorsque le consommateur tape directement l’url du site dans la barre de recherche – fortement augmenter pendant la période du Black Friday (+37% par rapport au mois d’octobre).

Toutes ces stratégies composent le Search Engine Marketing (SEM) et sont à traiter de manière complémentaire à l’approche de la peak season, pour adopter une stratégie pertinente et transformer le Black Friday en véritable opportunité commerciale.

Et côté coulisses, qu'est-ce que cela donne ?

Black Friday : vraies bonnes affaires ou offensive marketing ?Retour ligne automatique

Newsletters, prospectus, affichage, médias... les enseignes promettent des rabais jusqu’à 80%. Qu’en est-il vraiment ?

Pour revendiquer leur rabais, les enseignes communiquent sur un prix de référence. Or, selon l’association Que choisir, ces commerçant s’appuient « sur des prix d’origine élevés, qui ne correspondent pas à la réalité ». Il se peut même que ce prix n’ait jamais été pratiqué dans l’enseigne. Il est alors recommandé aux consommateurs d’être attentifs et de comparer le prix sur différents sites marchands.

C’est l’effet d’annonce qui donne toute son ampleur à ce “vendredi noir” , mais sur le terrain on se rend compte que des prix réduits apparaissent parfois toujours les jours suivants. Cette journée et toute la communication qui est faite autour permet d’attirer le consommateur et de le faire dépenser mais la baisse des prix n’est pas toujours synonyme de véritable économie.

En effet, c’est souvent le prix de référence du produit qui subit une inflation plutôt que l’inverse. Le consommateur ressent alors la pression de ne pas profiter du moment pour surconsommer des produits, qui lui sont peu voir pas utiles.

Petits commerces, petits pouvoirs !

La Black Friday ce n’est pas uniquement la promotion pour le consommateur c’est aussi une menace pour les petits commerçants et une pression supplémentaire sur les épaules des vendeurs. On l’oublie face aux pratiques commerciales agressives et abusives des grandes enseignes, mais derrière tout cela, il y a également les petits commerçants de proximité qui essayent tant bien que mal de sortir leur épingle du jeu.

Les commerces ne bénéficient pas de la communication foisonnante d’internet et peinent à faire leur place dans cette journée noire de chasse à la bonne affaire.

Il faut le rappeler, le consommateur se dirige aujourd’hui vers des plateformes étrangères ne respectant pas toujours les conditions imposées par le gouvernement français (normes de sécurité, impôts…) et prend des ventes aux indépendants qui attendent cette période clé de fin d’année.

Comme le rappelle la ministre de l’Economie et des Finances, Agnès Pannier-Runache, “le commerce de proximité, c’est bon pour notre économie, c’est bon pour l’emploi et c’est bon pour nos territoires !“

Période de fin d’année : calendrier reserré et conditions de travail complexes

De plus, même si le Black Friday permet à certains d’étaler les dépenses de Noël, c’est aussi une cannibalisation de la période. Il y a quelques années, Noël restait la période de shopping phare, les temps ont changé...

Aujourd’hui, le Black Friday revient au lancement de la période d’achat et permet aux consommateurs par la même occasion de se faire plaisir.

Enfin, c’est la pression sur les épaules des vendeurs/vendeuses qui fait de ce vendredi une journée noire.

Extension d’horaires, caisses connectées imposées, musique entêtante, objectifs de vente surestimés, les vendeurs doivent se plier aux directives et réaliser les objectifs attendus pour pouvoir prétendre à leur prime de fin d’année.

Les consommateurs en point de vente sont pressés pour obtenir la meilleure affaire, et c’est les vendeurs qui en pâtissent, ils courent et assurent le flux dans le point de vente. Ils assurent la journée coûte que coûte.

Ainsi, cette surconsommation en cours de révision par les députés, est un concentré de gaspillage et d’effets négatifs sur la société.

Cette année, le Black Friday a encore été un franc succès : une aubaine pour les marchands et un rendez-vous immanquable pour les français ! Un rendez-vous qui commence de plus en plus tôt et qui englobe une période plus longue appelée “Black Friday Week”.

Cependant, l’anti Black Friday se renforce : en opposition aux promotions mensongères pendant le Black Friday et à l’hyperconsommation que l’événement entraîne, de plus en plus d’entreprises et d’associations se regroupent autour du collectif Green Friday qui sensibilise les consommateurs à consommer de façon plus responsable.

Ce boycott est porté en France par l’entreprise Faguo qui a réuni près de 450 marques - Nature & découvertes, Joone, Les Raffineurs… - dans un collectif Make Friday Green again. "Le vrai coût du Black Friday est social et environnemental » dénonce le collectif.

Concrètement, ces entreprises s’engagent à ne pas faire de promotions pendant ce fameux vendredi noir, ou à reverser une partie de leur chiffre d’affaire à des associations engagées dans la consommation responsable.

« I have a green » : et si finalement le Black Friday devenait pour les années à venir la course aux produits réparés et reconditionnés, locaux ou issus du commerce équitable plutôt que la course aux fausses bonnes affaires ?

 

Camille HUREL
Consultante senior