Stablecoin Euro : Quels cas d’usages B2B, interbancaires et B2C ?
Le Centre d'expertise Banque, Finance et Achats était présent au rendez-vous mensuel de France Innovation, la "Matinales de la DEFI", qui avait comme sujet principal : "Stable coin euro et Euro numérique de banque centrale : Quelle différence pour les usagers ?"
Qu’est-ce qu’un stable coin ?
Un Stablecoin est un type de cryptomonnaies dont l'objectif est de suivre le cours d'un actif tel qu'une monnaie classique comme le dollar et l'euro ou d'autres actifs tangibles.
C’est un actif numérique non volatile contrairement à l'ensemble des cryptos actifs qui existent aujourd’hui.
Il existe 2 types de stablecoin :
Stablecoin centralisé : émis par une entité légale, actif le plus connue et utilisé en ce moment comme le Tether (USDT). Le collatéral est assuré par des monnaies traditionnelles qui sont détenues dans un compte en banque, ce qui permet de maintenir la parité avec la monnaie de référence.
Stablecoin décentralisé : il n’est ni adossé ni contrôlé par une autorité centrale. Le collatéral est constitué d'actifs cryptos (bitcoin, ether…) et il est détenu dans la blockchain. Les garanties sont donc transparentes pour tout le monde.
Il existe 2 sous-catégories de stablecoin décentralisé bien distinctes :
- Stablecoin sur-collatéralisé comme celui d’angle protocol ⇒l’agEUR
- Stablecoin Algorithmique ⇒ pas un succès pour le moment
La différence entre les deux réside sur le collatéral. Pour le sur-collatéralisé, on utilise des collatéraux exogènes (actif émis par plusieurs entités comme l'éther, des réserves d’or…) et pour les algorithmes on utilise des collatéraux endogènes (émis par l’entité qui détient le stablecoin).
Les stable coins, acteurs majeurs du marché crypto
Aujourd’hui sur le marché des cryptomonnaies le stablecoin en dollar US représente environ 80% des volumes de transaction. Il existe des stablecoins sous différentes devises (euro, livre sterling, yen…) mais le stablecoin indexé sur le dollar US domine le marché : il représente presque 140 milliards de dollars contre 500 millions pour l’euro.
Quels enseignements pouvons-nous tirer du succès des stablecoins en dollar pour favoriser la croissance des usages des stablecoins euro en France et plus généralement en Europe ?
Le cadre réglementaire européen favorise-il l’émergence et l’utilisation de ces stablecoins euros ?
Le stablecoin se développe aux Etats-Unis depuis plusieurs années surtout depuis que Facebook (maintenant META) a choisi de lancer un projet, son propre stablecoin : le LIBRA, renommé DIEM. Lors de son annonce, le projet a beaucoup fait parler de lui du fait de son énorme potentiel notamment grâce à la population d’acteur (tous les utilisateurs de META) susceptible d’utiliser ce stablecoin plutôt qu’une monnaie classique.
Il devient ensuite de plus en plus populaire grâce à sa stabilité et ses avantages plus nombreux que des crypto classiques (échanges plus rapides avec des banques traditionnelles, utilisable pour des projets de finance décentralisée…). Il existe également peu de freins aux Etats-Unis pour leur mise en place.
Une utilisation européenne plus complexe
Cette effervescence a provoqué 2 types de réflexion en Europe qui peut expliquer un départ un peu plus lent, voire freiné, pour la croissance des stablecoins euro :
- Réflexion de la Banque Centrale Européenne d’émettre son propre euronumérique qui veut se substituer à des stablecoins euros
- Débat réglementaire autour de l’encadrement des marchés de cryptomonnaie actif par le règlement MICA qui comprend une partie spécifique pour les stablecoins ( section extrêmement lourde et très inspirée de la réglementation traditionnelle pour la monnaie électronique)
La réglementation MICA est stricte et pas encore très claire sur tous les stablecoins. Pour le stablecoin centralisé, MICA décide de les traiter de façon similaire à une monnaie électronique tandis que pour le stablecoin décentralisé, le fonctionnement étant très différent, MICA ne détaille pas encore sa gestion.
Il est important de définir un traitement propre à l'Europe et de favoriser la mise en place de stablecoins par des acteurs européens, afin que le marché ne devienne pas monopolisé par des acteurs étrangers. 2 initiatives de stablecoins euro ont été lancées par ces acteurs : Tether EURt et CIRCLE. La question de souveraineté est donc importante et doit être adressée le plus rapidement possible.
Il faut être très vigilant sur le projet de la banque centrale (NOGO de l'euro numérique ou pas) et le prochain texte de MICA.
Cas d’usages des stable coins
Malgré un environnement très différent et moins favorable pour le stablecoin euro, il est de plus en plus utilisé et important pour le développement de cas d’usages notamment dans la finance décentralisée, avec comme exemple l’usage de l’agEUR.
L’agEUR est un stablecoin créé par Angle Protocol qui suit le cours de l'euro. Il est décentralisé et sur-collatéralisé. Il est conçu pour les cas d'utilisation dans la DeFi.
Les cas d’usages de l’agEUR : trading, paiement , prêt/emprunt (sur différentes plateformes comme Polygon) ou encore payer ses contributeurs de manière transparente et conforme si une entreprise possède des AgEUR dans sa trésorerie (en seulement deux transactions en chaîne, ils peuvent recevoir des euros sur leur compte bancaire).
Une position centrale dans le fonctionnement d’une plateforme d’investissement en crypto
Il possède une place centrale car il représente la valeur refuge dans cet univers d’actif numérique. En conservant une valeur stable par rapport aux autres cryptos, il offre la possibilité de s’extraire d’un risque de volatilité.
L’usage du stablecoin centralisé offre la possibilité de reconvertir ses actifs en monnaie fiduciaire facilement et rapidement ce qui permet de sortir d’un marché volatil à tout moment et quand on le souhaite. Cette reconversion est également bien suivie par le régulateur.
Autre exemple de cas d’usage : les moyens de paiement à l’international (payer des salaires à des collaborateurs dans d’autres pays plus facilement).
Peu d’usages B2B ou B2C par les banques
Un intérêt fort pour les banques mais contraintes importantes par les réglementations.
Aujourd’hui l’usage des stablecoins s’applique à 90% dans un environnement crypto qui est très peu, voire pas du tout régulé, ce qui empêche les banques d’y rentrer. C’est un univers où les procédures KYC ne sont pas aussi développées qu’ailleurs (pas de connaissance sur le client et ses activités, pas de filtrage de flux automatique, règle de marché pas en place…) avec des questions GDPR toujours ouvertes.
La banque ne peut pas rentrer dans cet univers car elle a un certain nombre d'obligations vis à vis de ses autorités tutelles qui freinent ses actions notamment à cause des accords bâlois. La commission européenne déclare que jusqu’à fin 2024, si la banque possède pour compte propre des cryptos actifs, elle doit provisionner la même quantité en fonds propres.
Société Générale explore néanmoins des cas d'usages comme les paiements. Il en résulte que pour les actions du quotidien, cela fonctionne bien (infrastructure et transaction peu coûteuses) mais la gestion de la fraude (directive DSP2) reste très coûteuse pour la Banque.
Stable Coins, une réglementation Internationale Obligatoire ?
Les stablecoins sont souvent utilisés comme moyens de se protéger de la volatilité des cryptomonnaies, car ils constituent une réserve de valeur plus stable. Si le marché des cryptomonnaies continue de croître, les stablecoins deviendront peut-être encore plus populaires.
Les stablecoins seront minutieusement examinés par les régulateurs : audit des systèmes de paiement, chambres de compensation, et autres règles susceptibles de perturber les transactions, par exemple.
Fin 2021, on note que plus de 86 % des banques centrales mènent ou ont mené des expérimentations avec des monnaies numériques. De son côté, la Banque Centrale Européenne s’attèle à élaborer un stablecoin officiel, dont la valeur serait équivalente à celle de l’euro.
Il est important d’avoir des mesures plus explicites, MICA est une bonne première brique où l’on distingue la différence entre un paiement et un échange mais il manque une réglementation technique plus poussée. Les textes techniques sont très importants et attendus à la fois pour les acteurs mais également pour les autorités dans leur activité de supervision et d’autorisation.
Côtés régulateurs internationaux, compte tenu de la croissance (très) rapide du marché, et de son potentiel - avec presque 140 milliards de dollars - les stablecoins continuent de faire l’objet d’examens. Par exemple, sont annoncées de nouvelles réglementations aux États-Unis, induisant de nouvelles directives pour cette année 2023.
La question d’avoir une homogénéité entre réglementation européenne et mondiale est très importante car le paiement n’est pas frontalier. Il y a un véritable enjeu d’avoir une réglementation internationale stable (protection juridique...).
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