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MiCA : La réglementation européenne sur les actifs numériques

MiCA : La réglementation européenne sur les actifs numériques
28 mars 2023
Finance / Achats

Le vendredi 11 novembre 2022, ne parvenant pas à couvrir les demandes massives de retraits de ses investisseurs, la deuxième plus grosse plateforme d'échanges de crypto monnaies au monde FTX, était placée en faillite aux Etats-Unis, entraînant dans sa chute le marché des crypto monnaies.

Les raisons de l’effondrement de la plateforme sont nombreuses et parfois simplement imputées à une mauvaise gestion de FTX par son propriétaire Sam Bankman-Fried. Une chose est sûre, les appels à réguler les marchés cryptos et les acteurs se sont intensifiés, notamment en Europe, où la réglementation sur les actifs numériques MiCA entrera en vigueur à l’horizon 2024. 

Cependant, une réglementation comme MiCA aurait-elle pu vraiment à elle seule prévenir d’une faillite comme celle de FTX ? Quels sont les contours et les manques de ce nouveau cadre réglementaire européen ? Le point dans cet article.

MiCA, contexte et enjeux

Avant de s’intéresser à MiCA, revenons tout d’abord sur la notion d’actif numérique. 
Un actif numérique est un bien constitué par des données numériques incluant un droit de propriété pour son porteur. Ces actifs qui possèdent une valeur financière comme les actifs traditionnels, reposent sur la technologie de la blockchain et fonctionnent donc sans organe central de contrôle et via un protocole informatique. 
En France, les plateformes d’échanges qui proposent d’acheter ou de vendre ces titres numériques sont réglementées à travers la loi PACTE et sont considérées comme des “Prestataires de Services sur Actifs Numériques” (PSAN)

Il convient de noter néanmoins que, ni la loi PACTE, ni le décret PSAN ne définissent clairement ce qu'est le PSAN. De plus, même si des contraintes sont imposées à ces derniers (agrément auprès de l’AMF, contraintes en fonds propres) elles restent très légères comparées aux exigences qui pèsent sur les PSI (Prestataires de Services d’Investissements).

Au niveau Européen, aucun cadre juridique permettant de réguler l’activité autour des cryptos actifs n’existe actuellement. Conscient du problème et de l’ampleur que prennent les crypto-monnaies dans le monde, le régulateur européen s’est penché sur la création d’un environnement juridique favorable, permettant de faciliter l’activité sur les actifs numériques tout en renforçant la sécurité des investisseurs : il s’agit de la réglementation Markets in Crypto-Assets (MiCA).

Concrètement, MiCA se base sur des textes déjà en vigueur dans la finance dite « traditionnelle », (MiFID, abus de marché...) tout en les adaptant aux spécificités du marché des crypto-actifs. Le règlement s’articule en plusieurs volets :

  • Classification de ces actifs numériques en trois catégories :
    • Les electronic money tokens : stable coins qui cherchent à répliquer le cours d'une devise. 
    • Les asset-referenced tokens : stable coins arrimés à un panier d'actifs. 
    • Les utility tokens : actifs échangeables contre un bien ou un service.
  • L’offre au public et l’admission aux négociations de jetons.
  • L’offre au public et l’admission aux négociations de jetons de valeur stable (les stablecoins)
  • La fourniture de services sur crypto-actifs par des prestataires : PSCA (Prestataires de Services sur Crypto-Actifs) ou CASP (crypto-asset service provider)
  • La prévention des abus de marché et du blanchiment des capitaux sur crypto-actifs.

Le 14 mars 2022, la Commission des affaires économiques du Parlement européen a adopté en séance la proposition de règlement européen sur les crypto-actifs suivi le 5 octobre dernier par le Conseil de l’Union. Suite à cette adoption, les acteurs du marché des crypto-actifs ont donc 18 mois pour s’y conformer.

La protection des investisseurs au cœur de la réglementation MiCA 

De nombreux acteurs estiment que l'absence de régulation de l'industrie crypto est le principal responsable de la banqueroute de FTX. C’est le cas du chef du département d’analyse des risques et d’économie de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) Steffen Kerna qui admet devant la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen que la chute de FTX aurait pu être évitée avec MiCA (Markets in Crypto Assets). Même s’il semble difficile de croire que la seule réglementation MiCA pourra à l’avenir totalement prémunir le secteur de ce genre d’incidents, le texte permettra toutefois de limiter et mieux encadrer les risques.

En effet, l’encadrement des futurs acteurs du secteur des actifs numériques commencera dès l’agrément auprès du régulateur. Pour ce faire, une plateforme d’échange en actifs numériques devra prouver que toutes les conditions ont été mises en place pour sécuriser au maximum les avoirs des clients. Les avoirs des investisseurs devront être placés en sécurité sur un compte bancaire ou tout autre établissement de crédit : le distinguo sera donc fait entre ce qui appartient au prestataire et ce qui appartient aux clients. 

C’est à ces conditions que les établissements financiers pourront obtenir un agrément synonyme de passeport européen qui leur permettra d’exercer leurs activités dans un autre État membre de l’Espace Economique Européen.

La réglementation MiCA compte également transposer les différentes directives concernant les cas d'abus de marché sur n’importe quelle transaction ou service, notamment en matière de manipulation de marché et de délit d'initié. L'affaire FTX a su mettre en évidence les carences réglementaires du secteur lorsque Changpeng Zhao, le patron de Binance, la plus grande plateforme crypto, a annoncé via twitter qu'il comptait vendre toutes ses positions FTT, le jeton émis par FTX. Ce message poussera de très nombreux clients à en faire de même, provoquant de fait un véritable bank run (environ 6 milliards de dollars de demandes de retrait en 3 jours).

Changpeng Zhao a ensuite fait part de son intention de racheter FTX avant de se raviser. Ce cas de figure nous montre l’importance pour le secteur crypto de se doter d’une réglementation et de sanctions fortes sur le sujet des conflits d’intérêts.

Enfin, pour assurer la crédibilité des acteurs, le texte européen prévoit d’imposer le respect d’un certain nombre de ratios de solvabilité ainsi qu’un montant minimal de fonds propres pour la constitution d’un crypto-asset service provider.

Le montant minimal devrait être au moins, le montant le plus élevé entre :

  • Un montant fixe prévu par une annexe à la proposition de règlement dépendant de la nature des services de crypto-actifs fournis, pouvant aller de 50.000 à 150.000 euros
  • Un quart des frais généraux fixes de l'année précédente (actualisés annuellement).

Des questions et des zones d’ombre qui persistent

Malgré l’avancée majeure que représente cette réglementation pour le secteur, notamment en termes de sécurité juridique, des limites persistent : 

  • La première limite concerne les établissements de crédit qui n’auraient pas l’obligation de recevoir un agrément dans le cadre de l’émission de stablecoins : cela favorisera sans nul doute les acteurs historiques de la finance et créera une importante barrière à l’entrée.
  • La méthode “proof of work” : Le projet de règlement MiCA prévoyait une interdiction de facto de certains protocoles blockchain (méthode “proof of work”) sur laquelle se basent plusieurs crypto-monnaies comme le Bitcoin. Cette technologie se base sur des calculs informatiques très énergivores. Or, MiCA prévoit un plan de déploiement de soutenabilité environnementale qui n’est bien sûr pas compatible avec cette méthode. Cette version du texte n’a finalement pas été retenue lors d’un vote le 14 mars 2022.
  • La réglementation des “NFT” : Les NFT (Non-Fungible Token) sont des actifs numériques associés à une valeur réelle (œuvre d'art, terrain, voiture, etc.) et sous la forme d'un jeton. Au même titre que la DeFi, le projet de règlement est imprécis au sujet de l’encadrement de ces NFT. En effet, Il semblerait que le terme NFT n’apparaisse pas dans le document, mais seulement l’expression “crypto-assets that are unique and not fungible”. La difficulté vient principalement du fait que par nature, les NFT peuvent être bien plus que de simples actifs financiers. La problématique qui en découle est donc double : il est essentiel de préciser le régime des NFT, pour éviter toute insécurité juridique, pour autant il faut éviter de soumettre les NFT à des règles strictes qui ne correspondent pas à leurs usages (ce qui pourrait stopper l’innovation et la croissance du secteur).

Ces différentes limites nous amènent à penser que la réglementation MiCA semble encore incomplète malgré son apport conséquent à la juridiction financière européenne. Consciente du problème, Christine Lagarde, actuelle présidente de la BCE pense « qu’il faut à présent envisager un MiCA 2 afin d’inclure un certain nombre de dispositions […] qui pourraient s’ajouter à MiCA 1 ». 

L’équation semble donc complexe et l’enjeu de taille pour l’Europe : Il faudra arriver à mettre en place dans les années à venir une réglementation pouvant satisfaire l’ensemble des acteurs de l’écosystème et les institutions financières ; garantir la sécurité des investisseurs et du marché des crypto-actifs, le tout sans compromettre l’innovation technologique. 

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Lorenzo BERTOLA
Lorenzo BERTOLA
Directeur Général Adjoint - Directeur de l'Offres Banque, Finance et Assurance

mc2i est devenu, au fil des années, l’un des acteurs majeurs de la transformation digitale dans le secteur bancaire et financier en accompagnant les établissements institutionnels, banques de détail, banques privées, sociétés de financement et d’investissement ainsi que les gestionnaires d’actifs.

Julien Robustelli
Senior Partner - Directeur de l'Offre Banque Finance

Le secteur bancaire et financier est caractérisé par la diversité de ses acteurs allant des banques systémiques aux Fintechs et GAFA. Dans ce contexte bouleversé, l’efficience des SI, l’innovation technologique ou encore l’exploitation des données deviennent des clés majeures de réussite.
 

Auteur Erwan GUILLOUX
Erwan GUILLOUX
Manager