L’Europe et la réalité de sa dépendance énergétique à la Russie
Depuis l’éclatement du conflit Russo-Ukrainien le 24 février 2022, les tensions entre la Russie et l’Union Européenne n’ont cessé de s’aggraver. Aujourd’hui, la Russie reste le premier fournisseur de gaz naturel et le second de pétrole avec respectivement 40% et 20% d’importation à destination des 27.
Ayant bien compris qu’il pouvait tirer profit de cette dépendance, Vladimir Poutine utilise ce levier dans le cadre de son bras de fer avec les Occidentaux.
Par conséquent, la Commission européenne a pris en considération tous les scénarios de rupture possibles, dans le cas où la Russie mettrait fin de manière partielle ou totale à l’approvisionnement en gaz de l’Union Européenne.
Une dépendance aux approvisionnements énergétiques russe qui varie au sein de l’Union Européenne
Schématiquement, la dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie varie fortement d'un pays à l'autre. Le flanc de l’Europe est strictement soumis au gouvernement russe pour ses importations en gaz. La Slovaquie, la Finlande ou les Pays Baltes, sont particulièrement exposés à un risque de pénurie avec un approvisionnement quasi total en provenance de Russie.
À titre d'exemple, en 2020, la Finlande dépendait à 97% des exportations russes pour son approvisionnement en gaz et à 80% de ses importations de pétrole. A contrario, la France ne dépendait de la Russie pour ses importations de gaz et de pétrole qu’à respectivement 17% et 24%.
L’approvisionnement européen en gaz et en pétrole repose principalement sur un réseau de gazoduc préexistant, la réorientation des approvisionnements depuis d’autres fournisseurs représente un défi stratégique majeur pour les importateurs européens tel qu’ENGIE, TotalEnergies ou Shell.
Côté Russie, le très controversé projet de gazoduc Nord Stream 2 fut l’une des premières victimes du conflit suite à sa suspension dès les premiers jours de l’invasion. Parallèlement, après dix jours de maintenance sur l’infrastructure Nord Stream 1, le transit du gaz a repris dans le gazoduc. Son débit représente environ 40 % de la capacité de ce dernier, soit le niveau atteint avant les travaux de maintenance.
Quelles alternatives pour sortir de la dépendance aux importations énergétiques russes ?
Les États membres et la Commission européenne ont entamé d’importants efforts en vue de diversifier leurs sources d’approvisionnement en énergie afin de compenser l’arrêt des exportations en provenance de Russie. Cependant, les infrastructures de gazoduc préexistantes réduisent les possibilités européennes de diversification à un nombre limité de fournisseurs.
La Norvège est un des producteurs essentiels, qui fournit à lui seul déjà un quart des importations de gaz européens. Elle s’est notamment engagée à augmenter durablement ses livraisons vers l’Union Européenne. Sur un autre plan, l’Azerbaïdjan, relié depuis 2020 à l'Europe par le gazoduc South Gas Corridor, est également perçu comme un partenaire de diversification capital.
Un accord pour doubler en quelques années les importations de gaz de l'UE depuis l'Azerbaïdjan a été signé en juillet 2022 avec la présidente de la Commission européenne, Ursula Van der Leyen. Au même moment, le Premier ministre italien Mario Draghi se trouvait en Algérie afin de négocier l’augmentation des importations de gaz sur son territoire. Chaque pays membre fait visiblement le nécessaire pour sécuriser ses approvisionnements.
Cette redistribution des flux gaziers passe également par le recours croissant au gaz naturel liquéfié (GNL) transporté dans des méthaniers en provenance d'États exportateurs non desservis par les infrastructures de gazoducs. La course à l’augmentation de la capacité de regazéification des États membres se traduit par la multiplication des projets de terminaux gaziers dans les ports européens.
À titre d’exemple, le gouvernement français a retenu le projet de terminal méthanier flottant de TotalEnergies comme nouveau point d'importation de GNL au Havre.
Les navires qui y accosteront proviendront d'États tels que les États-Unis, le Qatar ou les Émirats arabes unis qui ont augmenté leurs livraisons vers le vieux continent depuis le début de l’invasion.
L’Arabie saoudite a également profité du vide laissé par l’embargo sur le pétrole russe et d’un cours du baril de brut historiquement haut pour augmenter ses livraisons de pétrole vers les ports européens.
Cette crise énergétique serait-elle le déclencheur d'une transition verte ?
L’UE accélère parallèlement la transformation de son mix énergétique vers des sources d’énergie renouvelable dans la lignée du Green Deal européen.
La première mesure envisagée provient du plan REPowerUE et consiste à réduire la consommation d’énergie de chacun des pays dans les secteurs du bâtiment, du transport et des énergies de 9% à 13%. En effet, « l’énergie la moins chère et la plus sûre, c’est l’énergie que l’on ne consomme pas».
Le plan RePowerEU prévoit également un déploiement massif en termes d’énergie renouvelable. L’énergie solaire apparaît alors comme étant l’une des sources les plus prometteuses, en accélérant le déploiement des systèmes photovoltaïques installés cette année. Cela représenterait une économie de 2,5 milliards de m3 de gaz pour les États membres. En effet, l’Union Européenne souhaite doubler son parc photovoltaïque d’ici 2025 et installer 600GW quant à sa capacité de production à l’horizon 2030.
Afin de financer son panel de réformes ambitieuses et relativement coûteuses, l’Union Européenne souhaite injecter près de 300 milliards d’euros. Elle dispose actuellement de 225 milliards d’euros sous la forme de prêts au titre de la Facilité pour la reprise et la résilience dans le cadre du plan de relance européenne. Elle compte également sur les subventions à hauteur de 72 milliards d’euros.
Le principe de solidarité européenne permettra-t-il de subvenir aux besoins des 27 ?
La secousse engendrée par cette crise a eu l’effet d’un électrochoc pour accélérer la transition des pays européens vers un modèle de consommation et de production moins énergivore. Ce dernier serait non seulement moins dépendant des énergies fossiles mais surtout doté d’une diversification des partenaires plus importante.
Cependant, malgré les nombreux efforts d’économie d’énergie et de diversification des sources d’approvisionnement, des doutes persistent quant à la capacité des États européens à subvenir à leurs besoins en pétrole et en gaz pour l’hiver 2022. Les approvisionnements des pays les plus gourmands en gaz se retrouveront alors soumis à rude épreuve.
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