L'éthique numérique, un enjeu indispensable pour la protection des mineurs
La protection des mineurs en ligne impose une transformation radicale des systèmes numériques des entreprises. Entre la mise en œuvre du Digital Services Act (DSA), le durcissement de la réglementation française et l'obligation de vérification d'âge (sites X, réseaux sociaux), les plateformes sont face à un défi de conformité éthique et légale inédit. Quelles stratégies de gouvernance et d'AMOA les Directions doivent-elles mettre en place pour assurer la confiance numérique et garantir la sécurité des utilisateurs les plus vulnérables ?
Les influenceurs au Parlement : fin de l'impunité ?
La commission TikTok, chargée d'évaluer l'impact du réseau social sur la santé mentale des mineurs, a récemment auditionné des créateurs de contenus jugés problématiques comme AD Laurent ou Alex Hitchens. Cet événement a révélé un véritable fossé entre des parlementaires parfois peu familiers des réseaux sociaux et des influenceurs eux peu habitués au protocole parlementaire.
L'audition a été ponctuée de moments révélateurs : Alex Hitchens, coach en séduction aux propos masculinistes, a préféré se déconnecter face aux questions sur l'impact de ses déclarations. AD Laurent, figure de la télé-réalité converti dans la pornographie, a nié tout sexisme malgré des contenus inapproriés, renvoyant la responsabilité de la vérification d'âge aux plateformes. Même le couple Tanti, stars de plusieurs émissions de téléréalité, accusé de publicité illégale impliquant leurs jeunes enfants, s’est détaché de toutes responsabilités ou remises en question. Ces auditions mettent en lumière une réalité alarmante : la question de la responsabilité des créateurs et des marques avec qui ils collaborent n'est plus à débattre.
Ce phénomène s’inscrit dans un contexte plus large : en 2024, les réseaux sociaux étaient utilisés par 85% des 11-14 ans (malgré une majorité numérique de 15 ans instaurée depuis 2023) et en Europe, les réseaux sociaux sont désormais la première source d’information pour la majorité des jeunes, devançant les médias traditionnels. Cette prééminence confère aux plateformes une responsabilité inédite, non seulement dans la diffusion de l'information, mais aussi dans la protection de leur audience la plus vulnérable.
Le blocage des sites pour adultes : une première mondiale
La question de l'accès des mineurs aux sites pornographiques est incontestablement un autre enjeu majeur. Mi-juillet, le Conseil d'État a réaffirmé l'obligation pour les principaux sites pornographiques européens de contrôler l'âge des visiteurs en France. Cette décision invalide la suspension précédente d'un arrêté interministériel, rétablissant ainsi l'exigence de vérification d'âge pour des plateformes, même si elles sont hébergées dans un autre pays de l'Union européenne.
Cet arrêté, publié en février et conforme à une loi votée en 2024, étend aux sites établis dans l'Union européenne l'obligation d'empêcher les mineurs d'accéder à leurs contenus, sous peine de sanctions de l'Arcom pouvant aller jusqu'au blocage. Les sites sont désormais tenus de proposer des méthodes de vérification d'âge respectant le double anonymat (comme l'envoi d'une photo de document d'identité sans divulguer l'identité au site), allant au-delà d'une simple déclaration sur l'honneur.
En réaction à l'arrêté initial, le géant Aylo avait temporairement bloqué l'accès à ses contenus en France début juin, avant que le Tribunal administratif de Paris ne suspende l'arrêté quelques jours plus tard en attendant de vérifier sa compatibilité avec le droit européen, rouvrant ainsi l'accès. Le rétablissement de l'arrêté par le Conseil d'État, le 15 juillet, a de nouveau entraîné le blocage de ces plateformes
Cette décision marque une détermination accrue de l'État face à un phénomène inquiétant : selon l'Arcom, 2,3 millions de mineurs fréquentent des sites pornographiques en France. C'est un signal fort envoyé aux plateformes : l'inaction n'est plus une option.
La proposition de vérification d’âge
Autre action forte et sans précédent : dans le cadre du Digital Service Act, l’État Français lance la mise en place d’un système de vérification d’âge en ligne. En effet, depuis plusieurs mois, de multiples pays européens ont intensifié la pression sur l'Union européenne pour qu'elle protège mieux les mineurs en ligne grâce à des mesures plus strictes, certains allant même jusqu'à préconiser l'interdiction des médias sociaux pour les moins de 15 ans.
Le 14 juillet dernier, la Commission européenne a ainsi dévoilé le prototype d'une application de vérification de l'âge que le Danemark, la France, la Grèce, l'Italie et l'Espagne adapteront pour lancer des versions nationales dans les mois à venir. « Elle permettra aux utilisateurs de prouver facilement qu'ils ont plus de 18 ans, protégeant ainsi les enfants des contenus inappropriés », a expliqué Henna Virkkunen, responsable de la technologie au sein de l'UE. Plus précisément, l’application vérifiera l’âge de l’utilisateur par des méthodes comme l'analyse de documents d'identité ou la reconnaissance faciale. En matière de sécurité, seule l'âge confirmé est partagé avec les plateformes, protégeant ainsi l'identité des utilisateurs.
L'objectif visé : que chaque État membre développe sa propre application, chacun disposant de règles différentes et pouvant donc souhaiter adapter les limites d'âge à différents services, qu'il s'agisse de sites pornographiques, de jeux d'argent, ou de réseaux sociaux tels qu'Instagram ou TikTok. La France, par exemple, a fixé à 15 ans l'âge minimum pour utiliser les médias sociaux, soit plus que les 13 ans fixés par les plateformes elles-mêmes, mais elle attend toujours le feu vert de l'Union européenne pour que ces règles entrent en vigueur.
Conclusion
Pour conclure, la protection des mineurs à l'ère du numérique nécessite une approche pluridimensionnelle intégrant la régulation, la technologie et l'éducation. Les récentes évolutions montrent une volonté croissante de prendre ses responsabilités face aux défis éthiques du numérique. Cependant, il est également essentiel que les familles jouent un rôle actif en cultivant une communication ouverte et apaisée sur ces enjeux. En combinant action gouvernementale, outils numériques et dialogue familial, nous pouvons espérer offrir aux jeunes une navigation en ligne plus sécurisée et enrichissante. L’Arcom propose d’ailleurs une rubrique sur son site dédié à la protection des mineurs, pertinente à partager avec un maximum de personnes. En effet, la transformation digitale ne sera pas aboutie si elle n'intègre pas une dimension éthique et sécuritaire forte, pour construire un Internet à la fois innovant et sûr.
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