Crise de l’infodémie : une opportunité pour les médias ?

Un défi sans précédent : crédibilité en berne et concurrence féroce

L’explosion de la désinformation érode la confiance dans les médias traditionnels…

La désinformation n’est plus limitée à de simples rumeurs : elle s’appuie désormais sur des outils technologiques avancés. L’intelligence artificielle permet de générer des deepfakes indétectables, et les modèles de langage peuvent rédiger des articles entiers truffés d’inexactitudes. Cette surabondance de contenus rend la distinction entre vrai et faux toujours plus complexe pour le grand public, notamment celui peu averti aux nouvelles technologies.

Selon le Baromètre de la confiance Edelman 2023, seuls 43 % des citoyens dans le monde font confiance aux médias traditionnels, contre 64 % en 2016. Cette défiance est nourrie par une perception accrue de biais idéologiques et par le sentiment que certaines informations sont censurées ou manipulées. Paradoxalement, alors que les fake news sont plus nombreuses que jamais, une partie du public semble accorder davantage de crédit à des sources non vérifiées qu’aux médias établis.

… qui évoluent dans un modèle économique sous pression

La lutte contre la désinformation a un coût, or, dans un marché où la gratuité domine et où les revenus publicitaires sont captés par les plateformes numériques, les médias traditionnels peinent à financer ces efforts. Payer pour s’informer est encore loin d’être une norme, et le modèle d’abonnement ne suffit pas toujours à compenser le déclin des revenus publicitaires. Une étude de l'Arcom et de la Direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la Culture publiée en janvier 2024 montre que les recettes publicitaires de la presse continueront de décroître à horizon 2030 sur un rythme de -5,4% par an malgré une transition numérique précoce et un fort développement de l’audience.

Réinventer la confiance : un levier stratégique pour les médias

Le fact-checking comme marque de fabrique

Certains médias ont fait du fact-checking un axe central de leur stratégie. Des initiatives comme Les Décodeurs (Le Monde), AFP Factuel ou encore BBC Verify se sont imposées comme des références. Elles montrent qu’il existe une attente forte du public pour une information vérifiée et expliquée. Le défi ? Sortir du simple démenti factuel et proposer un travail de pédagogie qui renforce la compréhension des enjeux derrière chaque information.

Monétiser la crédibilité : un pari sur l’abonnement et la confiance

Face à l’effondrement des revenus publicitaires, de très nombreux acteurs misent sur une stratégie freemium : proposer un contenu de qualité et exclusif, accessible via abonnement. Cette approche suppose un changement de paradigme : plutôt que de chercher à maximiser l’audience, l’objectif est de fidéliser une communauté engagée et prête à payer pour une information fiable.

S’appuyer sur l’intelligence artificielle… pour mieux la combattre

Si l’IA peut générer de la désinformation, elle peut aussi devenir un outil précieux pour les médias. Plusieurs rédactions testent des solutions basées sur l’IA pour analyser rapidement de vastes volumes de données, détecter des incohérences et accélérer le travail de fact-checking. L’enjeu est d’intégrer ces technologies sans compromettre l’éthique journalistique ni la rigueur éditoriale.

Des pistes d’actions concrètes pour un journalisme renforcé

• Renforcer l’éducation aux médias et favoriser le développement de l’esprit critique dès le plus jeune âge dans un monde où les algorithmes favorisent le sensationnalisme à la vérité
• Repenser la place des réseaux sociaux dans l’info à l’heure où les géants de la tech basculent progressivement vers la non-modération des contenus 
• Créer des labels de confiance pour les médias engagés dans la lutte contre la désinformation
• Innover dans les formats éditoriaux pour captiver une audience jeune et connectée

Une posture à affirmer demain pour une info de qualité

La lutte contre la désinformation est bien plus qu’une mission morale pour les médias traditionnels : c’est une opportunité stratégique de reconquérir un public en quête de repères fiables. Ceux qui sauront transformer cette contrainte en atout – en repensant leur offre, en valorisant leur rigueur et en investissant dans de nouveaux formats – sortiront renforcés de cette crise.

Dans un monde où l’information est partout, mais où la vérité est parfois difficile à discerner, la question centrale pour les médias n’est pas seulement “comment combattre la désinformation ?”, mais “comment redevenir une référence incontestée pour le public ?”.