Le streaming peine à trouver son modèle économique
Longtemps considérés comme un sous-genre cinématographique, les séries n’ont jamais connu un tel engouement auprès des téléspectateurs. Et pour preuve, la présence de dizaines de milliers de personnes lors du festival international “Série Mania” en mars dernier.
Pourtant, les plateformes de streaming peinent à trouver un modèle économique pérenne et font face à des difficultés croissantes qui ne sont pas sans conséquences sur l’offre aux abonnés.
Les fluctuations du nombre d’abonnés, premier signe d’instabilité
Premier indicateur de la valeur des plateformes en ligne, le nombre d’abonnés n’a pas cessé d’évoluer et de faire frémir les marchés financiers. En effet, après l’euphorie liée à la période Covid, les désabonnements qui s’en sont suivis ont fait place au doute. Disney+ enregistre deux baisses importantes de 2,4 millions d’abonnés au T4 2022 et de plus de 4 millions au T1 2023, se traduisant par une perte de 4% du cours en bourse du Groupe Disney.
Ces chiffres s’expliquent notamment par la concurrence en Inde de la plateforme Hotstar qui s’est accaparée plus de 8% des abonnés de Disney+.
En effet, la concurrence mondiale se fait de plus en plus intense, les plateformes de streaming se sont multipliées ce qui a conduit à une fragmentation du marché. Celle-ci contribue grandement au désengagement des abonnés, dont le pouvoir d’achat fragilisé par l’inflation et la guerre en Ukraine, ne permet pas de maintenir plusieurs abonnements simultanément.
En France, Canal+ propose la possibilité de cumuler un certain nombre d’abonnements à des tarifs préférentiels, mais cette stratégie de regroupement peine à attirer l’intérêt du plus grand nombre. En effet, la plateforme ne compte que 904.000 abonnés, soit seulement 10% de la part du marché français.
Outre la concurrence directe des plateformes de streaming, l’économiste Kira Kitsopanidou nous rappelle que nous sommes dans une logique d’économie de l’attention et que le cinéma, le contenu amateur et surtout les réseaux sociaux (TikTok, Instagram) sont autant d’acteurs dans cette “guerre pour l’attention de l’abonné”.
Des bénéfices plombés par des investissements astronomiques
Sur le plan financier, les résultats du géant du streaming Netflix ne sont pas des plus solides. En effet, depuis son lancement en 2014, Netflix a accumulé plus de 14 milliards de dollars de dettes. Et malgré un chiffre d’affaires de 31,6 milliards de dollars en 2022 (+6,4% sur un an), son bénéfice net annuel a baissé de 12% à 4,5 milliards bien en deçà des attentes de ses investisseurs.
Quant aux plateformes du groupe Disney (Disney+, Hulu, ESPN+), ces dernières ont perdu plus d’un milliard de dollars au cours du 3ème trimestre de la même année.
Et pour cause, une stratégie massive d’investissement de la part des plateformes, toutes engagées dans une course à la quantité et à la qualité, dans le double objectif de fidéliser ses abonnés et d’en attirer de nouveaux. En effet, les investissements qui seront faits en 2022 dans la production ou l’achat de contenus vidéos ont été colossaux.
Pour Netflix : 19 milliards de dollars, pour Disney : 33 milliards de dollars tandis qu’Amazon investissent 1 milliard uniquement. En comparaison, en France, les chaînes de télévision (TF1, M6, France Télévision…) investissent ensemble à peine plus de 1,1 milliard d’euros par an.
La plupart de ces plateformes ont d’ailleurs connu leur moment de gloire en créant ce qu’on appelle des “sorties évènements” (du contenu produit et diffusé exclusivement par la plateforme) : Netflix avec Don’t look up et Red Notice, HBO Max avec Wonder Woman 1984, et Amazon avec la série du Seigneur des anneaux.
Mais le nombre d’abonnés a-t-il suivi pour autant ? Selon le Wall Street Journal, plus de la moitié des nouveaux abonnés issus d’une “sortie évènement” se désabonneraient six mois plus tard. L’analyste Michael Nathanson ajoute à cela que les plateformes de Streaming auraient besoin de deux sorties évènements chaque trimestre pour que cela soit rentable”, ce qui n’est pas encore le cas aujourd’hui.
Le streaming, un château de cartes économique ?
Pour autant, cette course à la rentabilité ne met réellement à mal que Netflix, la seule plateforme 100% streaming du Top 3 mondial. En effet, ses concurrents principaux, Amazon et Disney, misent davantage sur leurs activités cœur de métier.
Pour Disney, il s’agit notamment de l’exploitation des parcs à thème, et pour Amazon du commerce en ligne, du service de livraison et du cloud. Philippe Bouquillion, professeur à l’université Paris XIII, nous rappelle par ailleurs que “nous sommes dans une logique de valeur spéculative, et qu’Apple n’avait pas réalisé de bénéfices pendant plusieurs années avant de connaître son succès actuel”.
Entre-temps, et pour soutenir cette course au contenu à la fois exclusif et diversifié, les plateformes ont fait évoluer leurs offres en rompant notamment leur promesse originelle de plateformes sans pub. Au T4 2022, Disney+ et Netflix augmentent les tarifs de leurs abonnements “classiques” de 40% tout en proposant un tarif d’abonnement moins cher avec des coupures publicitaires. Netflix projette plus de 40 millions d’abonnés à cette offre d’ici l’automne 2023.
En revanche, les dépenses mondiales dans les contenus ne devraient progresser que de 2 % en 2023, contre 6 % en 2022, selon les estimations du cabinet Ampere Analysis. Avec moins de contenus originaux, les projections des plateformes seront-elles au rendez-vous ? Des tendances à suivre pour ce dernier semestre 2023.
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