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L’avenir de la presse quotidienne régionale : entre tradition et numérisation

Média et télécoms
10 août 2024

Véritable acteur de la vie locale en France depuis la Révolution française, la presse quotidienne régionale et départementale est aujourd’hui confrontée à de nombreux défis. Face à l’essor des plateformes numériques et à l’augmentation des coûts de production, la presse quotidienne régionale (PQR) doit trouver un équilibre entre transition numérique et authenticité afin de préserver son lectorat tout en s’adaptant aux nouvelles tendances.

Une diffusion omniprésente

La presse quotidienne régionale (PQR) représente l’ensemble des journaux diffusés quotidiennement à travers plusieurs régions ou départements. Parmi les principaux titres de la PQR, on retrouve Le Parisien, Ouest France ou encore Le Télégramme. En revanche, la presse quotidienne nationale (PQN), incluant des journaux tels que Le Monde et Le Figaro, s’adresse à l’ensemble de la population française et est publiée chaque jour à travers l’intégralité du territoire français.
La PQR rythme tous les jours la vie des Français. Au-delà de la diffusion des actualités de la région, la PQR joue un rôle essentiel pour l’organisation et l’animation de la vie locale à travers la couverture de sujets tels que les décisions politiques ou les projets de développement…
L’ensemble du territoire français est ainsi couvert par plusieurs groupes de PQR, chacun disposant d’un certain nombre de journaux. 
Le modèle économique des groupes de la PQR repose sur un équilibre entre trois piliers principaux :

  • La vente de journaux au format papier et numérique 
  • La publicité
  • La diversification : plusieurs titres de la PQR, souhaitant ne plus dépendre directement de la vente de journaux et de la publicité, cherchent à obtenir de nouvelles sources de revenus en s’appuyant notamment sur des partenariats, l’organisation d’évènements…

Le groupe Sipra-Ouest-France, dont le journal Ouest-France est le plus diffusé chaque jour, repose son modèle économique essentiellement sur la vente de journaux. La diversification ne joue qu’un rôle mineur dans sa stratégie. D’après les chiffres de l’Alliance pour les Chiffres de la Presse et des Médias (ACPM), le journal Ouest-France est diffusé chaque jour à 602 830 exemplaires faisant de lui le journal au format papier le plus lu de France. À titre comparatif, le journal Le Monde, faisant lui partie de la PQN, est diffusé au format papier chaque jour à raison de 488 802 exemplaires.

A l’inverse, le groupe Télégramme axe sa stratégie essentiellement sur la diversification qui représente 50% de son chiffre d’affaires. Un exemple de diversification est l’acquisition de la plateforme de recrutement HelloWork qui a franchi pour la première fois la barre des 100 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023 et permet donc au groupe Télégramme d’avoir un modèle économique solide sans pour autant dépendre de la vente de journaux.
Néanmoins, les groupes Sipra-Ouest France et Télégramme font partie des rares groupes réussissant à surmonter les défis auxquels la PQR est confrontée ces dernières années avec des projets ambitieux de diversification.

Un modèle économique en perte de vitesse

La PQR a connu une baisse de 37% de sa diffusion papier tandis que la PQN a subi une chute de 75% ces dernières années. Contrairement à la PQN, qui a su très tôt entamer sa transformation numérique, la PQR présente aujourd’hui un faible développement numérique. Cette situation s’explique par le fait que la PQR a longtemps pu compter sur la vente de ses titres au format papier et sur la publicité sans ressentir le besoin d’entamer une transition vers le numérique.

Néanmoins aujourd’hui, selon le rapport du Sénat, les recettes publicitaires de la presse papier ont été divisées par trois depuis 2006. De nombreuses entreprises historiques préfèrent désormais se tourner vers les plateformes en ligne afin de promouvoir leurs produits et leurs services. Contrairement à la publicité papier, qui cible une population spécifique, la publicité en ligne est proposée à des prix compétitifs et touche un plus large panel de personnes tout en permettant aux entreprises d’analyser l’impact de leurs campagnes publicitaires.

La PQR doit également affronter des coûts de production de plus en plus élevés. En raison de la crise du Covid-19 et du conflit en Ukraine, le prix du papier a connu une ascension fulgurante ces dernières années. Les journaux ont dû augmenter leurs prix, ce qui a fait diminuer le nombre de ventes.  À titre d’exemple, le journal Le Télégramme a vu son prix augmenter de 17 centimes entre 2019 et 2024. Bien que cette hausse puisse sembler insignifiante, le lectorat de la presse papier y prête une attention particulière.  Pour faire face à cette hausse des coûts, les différents groupes de la PQR ont dû s’adapter : certains titres ont opté pour une solution numérique complète, tandis que d’autres ont préféré adapter leur format papier en réduisant la taille ou le nombre de pages de leurs éditions pour faire des économies.

Une plateforme numérique comme celle du journal Le Monde propose un abonnement à partir de 11,99€ permettant d’accéder à l’intégralité des articles parus chaque jour. Cette disparité incite de nombreux lecteurs à délaisser l’achat de journaux papiers. Pour preuve, d’après le rapport du Sénat, la France comptait plus de 29000 points de vente dans les années 2010, contre 20000 aujourd’hui, en raison du déclin du nombre d’acheteurs de journaux papiers.

Vers quelles perspectives ?

Partagé entre les coûts qu’engendreraient une transition numérique et la production davantage de journaux au format papier, le rapport du Sénat préconise un renforcement des aides fournies par l’Etat français pour les journaux de la PQR les plus en difficulté, à l’image du groupe Sud-Ouest ayant déclenché un plan de sauvegarde de l’emploi en mars 2024. Ces aides permettraient à ces groupes d’accélérer leur transition vers le numérique tout en préservant leur production de journaux au format papier et donc de conserver leurs lecteurs historiques et d’en attirer de nouveaux.

Dans le but de se diversifier et d’attirer un nouveau lectorat face à une audience vieillissante de la presse papier, certains journaux ont investi de nouveaux canaux de diffusion. C’est notamment le cas du journal Le Parisien qui comptabilise aujourd’hui 900 000 abonnés sur Instagram et plus d’1,2 millions d'abonnés sur Tiktok. Les contenus d’actualité proposés par le Parisien sur ces plateformes respectent parfaitement les codes des réseaux sociaux : des formats courts, dynamiques, accompagnés de titres accrocheurs et d’hashtags en lien avec les tendances du moment. Cette présence active sur les réseaux sociaux permet au journal Le Parisien d’atteindre une nouvelle population, principalement âgée entre 15 et 25 ans.

La télévision représente également une opportunité de diversification intéressante. En 2025, les autorisations de diffusion de 15 chaînes actuellement présentes sur la TNT arriveront à échéance. L’Arcom a donc lancé en février dernier un appel à candidatures pour l’obtention d’une fréquence de diffusion. Le groupe Ouest France se distingue avec son projet de création d’une chaîne nommée Ouest France TV.

Comme l’évoque le comité directoire du groupe Ouest France : « Cette candidature s’inscrit dans le prolongement du développement numérique soutenu du groupe Ouest-France, positionné depuis plusieurs années parmi les leaders des médias d’actualité français ».

L’acquisition d’une fréquence sur la TNT donnerait l’occasion au groupe d’augmenter sa visibilité tout en diversifiant ses contenus. La TNT étant accessible par la majeure partie des foyers en France, cette initiative permettrait de générer des revenus au travers de la publicité et de partenariats. En somme, elle contribuerait à renforcer davantage l’influence médiatique du groupe. Un autre acteur majeur de la PQN, le journal L’Express, s’est également porté candidat pour l’obtention d’une fréquence sur la TNT.

La Presse Quotidienne Régionale : s'adapter pour survivre à l’ère numérique

Chaque mois, la presse quotidienne régionale est lue par plusieurs millions de personnes. Confrontée à l’érosion de ses ventes en raison du développement des plateformes numériques et de l’augmentation des coûts de production, la PQR a vu son lectorat diminuer d’année en année.

Néanmoins, plusieurs mesures permettraient de l’accompagner dans sa mutation. Au cœur de ces mesures, l’Etat Français devra nécessairement apporter son aide aux groupes de la PQR pour compenser les coûts liés à une transition numérique et à la production de journaux papiers.

Ainsi, la PQR doit s’adapter au contexte d’aujourd’hui et aux défis de demain afin d’assurer sa pérennité et son rôle essentiel dans la vie locale.
 

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Paul Rebeyrotte
Senior Partner - Directeur de l'Offre Médias et Télécoms

Accélérée par la crise sanitaire, la révolution numérique du secteur se poursuit. Portées par les nouvelles technologies, les entreprises du secteur continuent à se diversifier en digitalisant leur contenu sur de multiples canaux. mc2i accompagne ses clients grands comptes des médias et des télécoms pour faire face à ces nouveaux défis.

Anais El Maidi
Consultant