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Le secteur du retail face à la crise du COVID-19

04 février 2021
Retail & luxe

Alors que nous passons à peine dans la seconde moitié de l’année 2020, l’ampleur de la crise sanitaire liée au Covid-19 qui a frappé la planète commence à peine à se révéler : économies sinistrées, secteurs entiers à l’arrêt, chômage qui repart en flèche - les perspectives semblent sombres et difficiles à anticiper tant les réactions locales ou régionales sont variées. 

Le caractère inédit de cette crise repose sur son uniformité. C’est l’ensemble de la chaîne économique mondiale qui a été touchée : l’Asie du Sud-Est et la chaîne de production et de logistique, puis l’Europe et son vivier de consommateurs qui a été suivie par les autres pays développés.

En France le temps est désormais à la relance et au soutien massif des secteurs les plus durement touchés par la crise du Covid-19. Au sein du Retail, toutes les enseignes n’ont pas été impactées de la même manière. Nous avons réalisé un état des lieux général secteur par secteur de l’impact de la crise sanitaire pour étudier les conséquences sur le futur du Retail sur deux niveaux : la réorganisation de la chaîne de valeur et l’évolution des modes de consommation.

Les conséquences de la crise du COVID-19 sur les enseignes du Retail 

Les commerces dits essentiels ont pu continuer à accueillir leurs clients dans des conditions sanitaires strictes ce qui a eu un impact non-négligeable sur leurs résultats. Toutefois, dans la liste des commerces autorisés à ouvrir, une grande partie ont préféré garder portes closes, le confinement ayant poussé la quasi totalité de la population à ne se rendre dehors uniquement en cas de nécessité absolue (courses alimentaires, de santé), mais également en raison d’un protocole sanitaire compliqué à mettre en place et à respecter au départ pour les enseignes.

Pour les commerces non-essentiels, l’arrêt à été très brutal mais là aussi des disparités fortes existent entre ceux ayant pu rouvrir leurs portes lors des premières phases de déconfinement et ceux ayant dû garder portes closes jusqu’aux autorisations gouvernementales. 

INDICE DES VENTES DU COMMERCE DE DÉTAIL ET COMMERCE NON SPÉCIALISÉ, VARIATION MENSUELLE EN % (BASE 100=2010) (Source : Banque de France)
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On comprend que la quasi totalité des commerces de détail ont été fortement impactés : 

  • Certains secteurs ont connu des chutes de -100% à l’image des opticiens ou des ventes de motos et autres cycles
  • Certains commerces tablent, à minima, sur une chute annuelle de 15% de leur chiffre d’affaires, un chiffre qui sera sans doute encore plus élevé, la situation sanitaire ne s’améliorant pas assez pour espérer un retour à la normale de la consommation des ménages.

S’il y a eu des gagnants, ou en tout cas des secteurs relativement préservés, d’autres ont, au contraire, connus des chutes bien plus dures : 

INDICES D'ACTIVITÉS DU COMMERCE DE DÉTAIL SECTORIEL - AVRIL 2020 EN GLISSEMENT ANNUEL ET VARIATION TRIMESTRIELLE À FIN MAI, EN % (source : Banque de France)
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Un des secteurs les plus sinistrés n'apparaît pas ici : la restauration. Seule une réouverture en cas de possibilité de vente à emporter était possible dans un premier temps, puis selon le niveau de circulation du virus par la suite.. Le cabinet SAD évalue la perte du secteur à au moins 35% sur l’année 2020. 

Alors que l’ensemble du Retail a été durement impacté par la crise sanitaire, c’est une remise en cause globale du mode de fonctionnement de la chaîne de valeur qui se profile : la supply chain, qui inclut les zones de production et les modes de distribution, doit être revue, les espaces de vente doivent être adaptés aux risques sanitaires.

La maîtrise de la Supply Chain : la clé du succès

Les nouveaux usages que l’on observait déjà avant la crise du Covid ont connus une accélération extrêmement forte au cours de la période avril-mai avec l’adoption du “sans contact”, voici quelques exemples : 

Chez Monoprix, c’est une croissance de 900% d’inscrits sur le site de l’enseigne : le drive et la livraison à domicile sont passés de 7 à 10% en volume des ventes
Les plateformes de livraison de type “UberEats” ou “Deliveroo” ont permis aux restaurants d’ouvrir, résultat : 10% des français ont utilisé des applications de livraisons au cours du confinement
Les enseignes de bricolage ont mis en place des systèmes de retrait directement sur les parkings pour permettre une continuité de l’activité sans réouverture des surfaces de vente.


Comme nous l’avons vu, les GMS alimentaires ont bien résisté, mais une enseigne en particulier a su répondre au mieux aux enjeux liés à la crise : Les Mousquetaires. Les raisons du succès du groupe sont multiples : un nombre important de magasins de surface moyenne uniformément répartis sur le territoire, un réseau de distribution et de stockage décentralisé, un statut de producteur commerçant qui leur a permis de mieux maîtriser l’achalandage sur des denrées recherchées mais surtout un argument de poids leur a permis de répondre à la demande : le plus grand réseau de Drive accolés à leurs magasins en France (1448 à date). Cette transition à marche forcée réalisée au cours des 3 dernières années s’est accompagnée d’une remise à plat complète de leur SI de gestion des stocks, ce qui leur a permis de juguler au mieux les phases dites “d’emballement” et répondre à la demande. Ils ont ainsi vu leur part de marché croître d’1,7% au cours de la période du confinement.

En observant succinctement les effets de la crise, on pourrait croire à la fin du offline et de l’avènement du “full-online” mais ce serait faire un raccourci. Des enquêtes de la FEVAD (Fédération du e-commerce et de la vente à distance) ont révélées que les sites de vente en ligne qui disposent également d’un magasin physique pour procéder au retrait ont connus une croissance de 50% là où les pure-players ont reculé de 1% sur la même période. Le magasin devient un centre logistique de proximité pour les marques, ce qui leur permet à terme de développer le retrait dans la journée ou l’échange directement en magasin : fini les envois et retours contraignants à distance.

Les commerces indépendants doivent saisir l’occasion de se digitaliser pour pouvoir proposer leurs produits même en étant inaccessibles en physique à l’instar des grands groupes.

Cette remise à plat de la chaîne de valeur Retail répondait déjà à une évolution des modes de consommation, la crise sanitaire a accéléré ces évolutions. Les consommateurs sont désireux de consommer mieux, local, ils forcent ainsi les enseignes à modifier leurs stratégies.

De nouvelles perspectives sur les nouveaux modes de consommation

Les études réalisées après le déconfinement ont révélées des changements profonds dans la volonté de consommer en France : 

  • 37 % des consommateurs déclarent que les marques ont un plus grand impact pour « un avenir meilleur » que le gouvernement
  • 61% souhaitent que les producteurs mettent en place des actions pour protéger l’environnement
  • Crise sanitaire oblige : 59% des ménages privilégieront des marques soucieuses de la santé des consommateurs
  • Côté provenance, 63% des français privilégient désormais des produits locaux, et 34% se tournent davantage vers le bio.

Au cours du confinement, on a pu voir se développer la vente directe au producteur, ce phénomène qui n’est pas récent aurait pu être le grand gagnant de la crise mais une fois le déconfinement passé, la majorité des personnes qui se sont tournées vers ce mode de consommation sont revenus à leurs habitudes pour des raisons légitimes : les temps de trajets pour aller chez les différents producteurs sont bien plus importants qu’un simple aller-retour dans une grande surface, la disponibilité des produits peut être aléatoire (il faut réadapter sa façon de consommer), et les prix peuvent être plus élevés qu’en grande surface. Toutefois, il s’agit là pour les producteurs d’exploiter cette opportunité en créant des réseaux locaux de centralisation et de distribution pour rester proche du consommateur tout en proposant des services similaires aux enseignes de GMS classiques.

Le Made in France, notion qui semble être prise en compte plus régulièrement comme argument d’achat, devrait profiter de cette crise, mais là où les français sont prêts à privilégier la provenance nationale (ou européenne), il faudra s’attendre à payer ces biens plus chers, et avec la baisse annoncée du pouvoir d’achat, est-ce vraiment réaliste d’imaginer les consommateurs se tourner durablement vers ces marques ? 

Les effets de la crise que nous subissons actuellement sont très importants mais de très nombreuses zones d’ombre persistent sur la portée et la durée de celle ci. Les enseignes qui ont su répondre aux enjeux liés à la situation sont soit des structures décentralisées, plus agiles que les grands groupes, soit des entreprises ayant déjà engagées une transformation digitale importante qui leur ont permis de déporter les consommateurs sur des canaux adaptés à la crise et qui ont su répondre aux nouvelles attentes des ménages. 

Les entreprises en difficulté doivent absolument remettre à plat leur manière de produire, proposer et distribuer leurs produits pour s’adapter au mieux aux changements structurels majeurs auxquels nous allons faire face dans les prochaines années sans quoi leur avenir semble compromis dans ce “monde d’après”.

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Nicolas PAOLANTONACCI
Nicolas PAOLANTONACCI
Senior Partner - Directeur de l'Offre Retail & Luxe

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Anthony FRESCAL
Directeur des pôles Énergie et Commerce

Dans un secteur en profonde mutation, la transformation numérique a profondément modifié l'expérience client mais aussi la supply chain ou l'importance de la data. Forts de nos expériences dans le domaine, nous accompagnons nos clients : de grands noms du luxe et de la grande distribution.