La publicité ciblée à la télévision : une aubaine pour les médias traditionnels et les marques ?

Le 6 août 2020, un décret autorise les chaînes de télévision françaises à diffuser des publicités ciblées. Initiative très attendue par les grands acteurs du marché, cette nouveauté permet à la télévision de rentrer dans une nouvelle ère.
Qu’est-ce que la publicité ciblée ?
Par opposition à la publicité grand public dite « à flux unique », la publicité ciblée est un spot personnalisé et destiné à un profil de téléspectateur spécifique. Les critères de segmentation peuvent être démographiques, économiques, géographiques et concernent parfois même les centres d’intérêt. Déjà autorisé aux Etats-Unis et en Allemagne, ce type de contenu est la norme sur des plateformes digitales comme Youtube ou Twitch.
Désormais, à la manière d’un smartphone, votre box ou votre télévision collectera, avec votre consentement, des données qu’elle enverra à son opérateur ou à son fabricant. Celui-ci pourra alors vendre ces données à des annonceurs qui vous proposeront des publicités sur-mesure. Un spot ciblé sera téléchargé puis diffusé à la place d’une publicité à flux unique. Selon les accords passés, les opérateurs peuvent mettre plusieurs éléments à disposition : la géolocalisation, les programmes et chaînes préférés et parfois l’historique des achats en ligne de ses utilisateurs. Ainsi, un cadre trentenaire vivant à Paris aura des publicités différentes de celles d’un étudiant de vingt ans vivant dans la même ville, même s’ils regardent la même chaîne à la même heure.
Cette nouveauté concerne spécifiquement les téléspectateurs qui reçoivent la télévision via une box, soit 63% des Français selon les professionnels du secteur, ou via une télévision connectée.
Un avantage certain face aux géants du numérique
La mise en place de la publicité ciblée est le fruit d’un partenariat entre les chaînes de télévision et les opérateurs de télécommunication. Les groupes Canal+, France Télévisions, M6 et TF1 sont les primo-arrivants sur le marché. France TV a même commencé la diffusion des spots ciblés dès novembre 2020 via les boîtiers compatibles. Du côté des opérateurs, Orange et SFR ont été rapidement rejoints par Bouygues Télécom, qui a signé un accord avec Canal + et France TV. Des campagnes notables ont déjà commencé : récemment, le site de rencontres Meetic a par exemple diffusé ses spots en priorité auprès des célibataires !
Selon une étude du cabinet Oliver Wyman parue en 2019, « la demande totale pour la télévision segmentée s’élèverait entre 120M€ et 220M€ en 2023 ». De son côté, le syndicat national de la publicité télévisée estime le surcroît de revenu potentiel à 200 millions d’euros.
Pour la télévision, la publicité ciblée est un moyen de combiner sa vaste portée avec la précision des annonces personnalisées. Pour les diffuseurs, elle constitue un moyen de revenir dans la course face aux géants du numérique, plus particulièrement Facebook et Google, dont les outils de campagne publicitaire permettent un ciblage ultra-précis. C’est donc un atout pour faire face aux nouvelles réalités du marché et aux GAFA, qui ne sont pas soumis aux mêmes obligations de diffusion et qui ne contribuent pas à la création française.
Pour les annonceurs, c’est la promesse d’un ciblage précis, adapté et mesurable des consommateurs. Ces mêmes critères les avaient poussés à se tourner très tôt vers la publicité en ligne.
La publicité locale aura sa place dans ce nouveau dispositif : les petites et moyennes entreprises pourraient se voir offrir un canal plus efficace et moins coûteux. Selon un article paru dans La Croix, les PME qui collaborent avec France TV utilisent fortement le critère géographique et passent par le réseau France 3 pour toucher leur public. Il faudra cependant surveiller l’évolution de la législation dans ce cas particulier, étant donné que les médias locaux craignent une baisse substantielle de leurs revenus.
Une pratique qui fait face à plusieurs défis
D’un point de vue technique, la publicité ciblée nécessitera une qualité de flux vidéo élevée et un temps d’attente minimal entre le programme diffusé et le début de la publicité. Dans ce sens, M6 et TF1 collaborent avec la start-up rennaise Quortex, dont la solution cloud permet d’améliorer la qualité du streaming. Aussi, une quantité importante de données personnelles est nécessaire. On relève donc logiquement une certaine réticence de la part des consommateurs.
Les publicités ciblées restent quand même réglementées. Conformément à la réglementation RGPD, le téléspectateur devra donner son consentement à recevoir des annonces ciblées. Selon Renan Abgrall, directeur de la « Value Factory » de Bouygues, 75% des clients questionnés ont donné leur accord. L’opérateur a, de son côté, assuré que les données de navigation ne seront pas utilisées.
La publicité ciblée est donc une technique à très fort potentiel qui pourrait bien amorcer un tournant décisif pour les médias traditionnels face aux géants du numérique. Les premières mesures de l’efficacité de cette technique ainsi que la réponse aux préoccupations des téléspectateurs seront des éléments-clés pour son déploiement à plus grande échelle.
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