Diffuseurs et piratage audiovisuel sportif : balle de match ?
Le sport professionnel dépend fortement des revenus générés par les droits de diffusion audiovisuelle. Ce marché est en hausse constante depuis 2012, cela est dû au fait que près de 73% des français regardent du sport en direct au moins une fois par mois.
La concurrence entre les ayants droits et les diffuseurs est plus féroce que jamais. En cause : des changements des modes de consommation sur les réseaux sociaux qui conduisent à utiliser davantage le piratage audiovisuel, la fragmentation de l’offre de retransmission sportive désormais répartie entre plusieurs chaînes télévisées et le prix des abonnements aux chaînes télévisées payantes est considéré comme trop élevé par les internautes. Le manque à gagner pour les diffuseurs se fait ressentir et le piratage audiovisuel bat son plein.
Bien que les efforts pour lutter contre le piratage audiovisuel aient augmenté depuis la création de l’ARCOM (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique), les usages audiovisuels illicites sont souvent comparés à L’Hydre de Lerne : lorsqu’on se débarrasse d’un site de live-streaming illicite, deux nouveaux apparaissent à sa place.
Le live-streaming, le grand vainqueur
«Le plus grand concurrent de Canal +, c’est le piratage !» a déclaré Maxime Saada, Président du directoire du groupe Canal + lors de la table ronde organisée par la commission de la culture dédiée au piratage d’événements sportifs.
Selon une étude menée par l’ARCOM sur l’impact du blocage des services illicites de sport, environ 80% des internautes consomment de manière légale du contenu audiovisuel sportif, en utilisant une chaîne de télévision gratuite ou payante.
Les internautes qui dérogent à ce nombre ont une préférence pour le live-streaming, environ 13% des internautes regardent des compétitions sportives en utilisant un moteur de recherche ou des liens sur les réseaux sociaux, suivi de 9% depuis un moyen IPTV (Télévision sur protocole internet, technologie de diffusion par internet) non officiel.
Le live-streaming, qui consiste à diffuser en direct sur internet une vidéo capturée en simultanée, est un mode de consommation optimal pour les compétitions sportives. Ce moyen de consommation, loin d'être nouveau, continue d’évoluer et d’attirer de nouveaux internautes chaque année. En 2022, 44% des internautes ont déclaré avoir commencé à consommer du live-streaming illégal depuis moins d'un an seulement.
Quelles sont donc les motivations pour les internautes à consommer en live-streaming illicite ?
En premier lieu, les internautes consommant des contenus sportifs illicites le font régulièrement puisque qu’environ 72% d’entre eux regardent du sport en live-streaming de manière hebdomadaire et près de 8% le font quotidiennement. A noter que les internautes les plus enclins à consommer des streams illicites sont généralement de grands consommateurs de compétitions sportives en général.
De nombreuses plateformes telles que Twitch,Youtube Live, Télégram ont surfé sur la tendance d’utilisation du live-streaming. Ce mode de consommation s’est répandu à toute vitesse suite de la pandémie Covid-19, en raison de la croissance de la technologie de diffusion en direct, des connexions à très haut débit 4G/5G ainsi que de la flexibilité qu’offre ce format en permettant une consommation mobile sur smartphones ou tablettes.
En outre, la fragmentation de l’offre sportive proposée par les diffuseurs gratuits et payants entraîne des coûts supplémentaires pour les internautes contraints de s'abonner à une multitude de chaînes de télévision pour suivre la totalité des retransmissions sportives de manière légale. Le prix des abonnements étant considéré trop élevé par les utilisateurs, peu d’entre eux souhaitent souscrire à plusieurs offres payantes.
L’ARCOM, un arbitrage sans faille
1250 plateformes de live-streaming illicites ont été bloquées au cours de l’année 2022, dont près de cinquante seulement lors de la Coupe du Monde de football au Qatar.
Depuis sa création, l’ARCOM mène une campagne acharnée contre le piratage audiovisuel des retranscriptions sportives en adoptant de nouvelles mesures de blocage des live-streams illicites. La loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 vise à renforcer la lutte contre le piratage d’oeuvres culturelles et sportives, au même titre que l’article L. 333-10 du code du sport modifié le 8 mars 2022 qui permet aux détenteurs des droits d’exploitation du sport de saisir le juge pour demander le blocage d’un service illicite.
Avant la création de L’ARCOM, le processus de blocage d’un site de live-streaming était lent et tardif. Peu de coupures étaient effectuées en temps réel pendant la retransmission d’une compétition. Elles étaient plutôt réalisées une fois la retransmission terminée, ce qui rendait les actions plus difficiles à mener pour les autorités de régulation.
Il est important de souligner que ces actions ont été efficaces car la consommation illégale de retransmissions sportives, le contenu audiovisuel le plus consommé illégalement en 2021, a diminué de 8 points en 2022.
Le rapport de l'ARCOM sur les blocages des services illicites de sport indique que 73% des internautes réguliers de live-streaming illicites ont soit été confrontés, soit connaissent des personnes qui ont été confrontées, à des blocages de sites de live-streaming sportifs illégaux : soit, en moyenne, 7,8 blocages rencontrés par les internautes. Les actions menées par l’ARCOM ont pour principal objectif de faciliter le blocage des streams illicites.
Toutefois, un phénomène ‘boule de neige” se produit à partir des blocages : plus les autorités régulatrices bloquent des sites, plus il existe de nouvelles méthodes pour mettre en place des sites de live-streaming illicites. Les propriétaires n'hésitent pas à se réinventer pour contourner ces blocages.
La plupart des blocages sont effectués en utilisant le nom de domaine du site internet (DNS), ce qui rend difficile voire impossible de bloquer les flux. Les propriétaires ont la possibilité de créer des “sites-miroirs”, c’est-à-dire des sites de live-streaming identiques pouvant réapparaître sur internet en utilisant un nom de domaine différent de celui du site bloqué. Une des solutions envisagées par les diffuseurs de compétitions sportives serait d’effectuer le blocage des adresses IP auprès des fournisseurs d’accès internet, comme cela est déjà fait au Royaume-Uni pour lutter contre la diffusion illégale de la Premier League.
Certains diffuseurs de compétitions sportives peuvent tirer avantage des actions visant à lutter contre le piratage audiovisuel en mettant en place des mesures de surveillance avant la retransmission d’une compétition sportive. Par exemple, BeIN a obtenu un blocage préventif de 22 sites de live-streaming via L’IPTV lors de la diffusion de la Coupe du Monde de Football. Cette mesure a été active tout le long de la compétition.
Le sport en direct, une nouvelle aubaine pour les diffuseurs en ligne
En raison de la fragmentation de l’offre de contenus audiovisuels sportifs, des actions de blocage des sites illégaux menées par les autorités ainsi que des changements d’habitudes de consommation et de la croissance des équipements technologiques dans les foyers, de plus en plus de concurrents souhaitent acquérir des droits de diffusion de compétitions sportives.
L’acquisition de droits de diffusion audiovisuelle de compétitions sportives devient un enjeu clé pour les plateformes OTT (Over-The-Top, service de diffusion de contenus en ligne), en particulier celles basées sur le modèle SVoD, qui cherchent à renforcer leur notoriété en participant aux appels d’offres pour ces lots. Les plateformes Amazon Prime et DAZN ont pris les devants en se positionnant sur les droits de diffusion des matchs de la ligue 1 de football pour les saisons 2021-2024, ainsi que ceux du tournoi de tennis de Roland-Garros.
Depuis le début de l’année 2022, Netflix subit une forte diminution de son nombre d'abonnés et cherche à renforcer sa notoriété en investissant dans la retransmission de compétitions sportives. Bien qu’ils aient tenté d’acquérir des droits de diffusion de tennis en France et au Royaume-Uni, ils n’ont pas encore réussi à les obtenir.
La présence des plateformes de streaming SVoD sur le marché des droits sportifs devient très attractive. Une étude menée par Hadopi et le CSA indique que 24% des internautes de 15 ans et plus sont abonnés à au moins une offre de diffusion sportive payante. De plus, lorsque les internautes se sont vu bloquer l'accès à des streams illicites, près de 37% d'entre eux ont abandonné l'idée de regarder en live-streaming illicite et 15% d'entre eux ont même souscrit à une offre légale.
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