Décentralisation Énergétique : Inégalités et climat
Historiquement, l’ensemble des réseaux d’énergies traditionnels alimentaient la population via des infrastructures de grandes ampleurs telles que les centrales nucléaires et thermiques.
Rappel sur le principe physique de fusion nucléaire
Pour bien comprendre la fusion nucléaire, il faut la comparer au procédé actuel de production d’énergie dans notre centrale nucléaire : la fission.
Le principe de la fission est de “casser” un gros noyau d’atome en deux plus petits. Cette séparation engendre une grande production de chaleur et la possibilité de recommencer le processus. Ainsi, le procédé de fission nucléaire a pu être industrialisé à partir de 1950, en récupérant cette chaleur pour produire de l'électricité.
En ce qui concerne la fusion, le principe est inverse et consiste à “assembler” deux petits noyaux atomiques et former un noyau plus lourd. Cette technologie est étudiée depuis 50 ans dans l’optique de maîtriser son industrialisation, c'est-à-dire de produire plus d’électricité qu’il n’en faut pour amorcer la réaction.
Dans la plupart des projets actuels, la réaction de fusion nucléaire étudiée est celle du Deutérium et du Tritium pour former de l’hélium.
La fusion nucléaire se distingue de la fission par quelques avantages :
- Les déchets qui seront produits par cette réaction ne seront pas des déchets radioactifs de haute activité à vie longue, c'est-à-dire qu’ils seront plus rapidement traités et recyclés.
- La réaction de fusion est très difficile à obtenir et à maintenir. Ainsi, contrairement à la réaction de fission, il n’y a pas de réaction en chaîne pouvant provoquer un accident nucléaire.
Les différentes technologies de fusion
Il existe actuellement deux méthodes majeures permettant de réaliser une fusion nucléaire : le confinement inertiel et le confinement magnétique. Voici en quoi elles consistent et ce qui les distingue :
Les crises pétrolières successives ayant sévi dans les années 1970 ont sonné le glas de la production d’énergies fossiles à outrance, entraînant une augmentation drastique de leur coût ainsi qu’une prise de conscience collective quant à leurs effets néfastes sur l’environnement. La décentralisation de la production d’énergie, dont l’objectif est de mettre en place des dispositifs d’accès à l’énergie à petite échelle pour pallier les carences des populations, s’impose a priori comme la méthode la plus à même de réaliser une transition énergétique optimale vers les ENR (énergies renouvelables).
Toutefois, ce changement de mode de production d’énergie ne se fera pas de la même manière selon le niveau de développement des pays concernés. L’enjeu de la décentralisation de la production d’énergie diverge entre les pays développés, ayant connu un état d’abondance énergétique et dont les préoccupations se tournent vers la préservation de l’écosystème environnemental, et les pays en développement dont l’accès à l’énergie continue toujours de freiner leur quête de prospérité économique.
La décentralisation de la production d’énergie saura-t-elle concilier la double problématique de la transition écologique et de la lutte contre la pauvreté ?
La décentralisation, avantages et contraintes d’une solution de production d’énergie
La décentralisation de la production d’énergie est indissociablement liée au développement des énergies renouvelables et du réseau électrique intelligent (smart grid).
Depuis le début des années 2000, la prise de conscience des enjeux écologiques et du réchauffement climatique a entraîné le développement exponentiel des énergies renouvelables. Depuis l’émergence de ces nouvelles sources de production d’énergie, la France s’est fixée pour objectif de porter à 33% la part des EnR dans le mix énergétique d’ici 2030. L’amorcement de cette transition écologique est indissociable de la décentralisation de la production d’énergie qui présente un certain nombre d’avantages.
La hausse des prix de l’énergie (gaz et électricité) contraint les consommateurs à surveiller leur consommation mais fait également naître un sentiment de dépendance vis-à-vis du réseau actuel. Apparaît alors une volonté d’émancipation d’un réseau centralisé et de développement de circuit court, plus proche de l’utilisateur final. Cela est rendu possible par la Smart Grid qui, en rendant intelligent le réseau électrique, permet de pallier les contraintes liées à l’intermittence des EnR, mais aussi de décentraliser la production avec l’intégration de nouvelles installations, permettant à chacun de devenir micro-producteur. La mise en place de smart meters au sein de chaque foyer permet au smart grids d’être au fait des consommations individuelles en énergie et d’adapter sa production en conséquence. Le surplus de production peut être revendu au réseau électrique global afin d’éviter les pertes.
Transition écologique, énergies fossiles : vers une convergence nécessaire
Néanmoins, le développement de ce réseau intelligent (Smart Grid) représente tout comme l’installation d’une infrastructure renouvelable, un coût considérable et n’est pas en mesure de répondre aux problématiques de stockage de cette énergie. En effet, les pics de consommation en Europe se situent en hiver, alors que la production solaire a lieu en été et que les technologies actuelles ne permettent pas d’assurer un stockage sur plusieurs mois.
De plus, ces contraintes techniques et budgétaires sont renforcées par le positionnement historique des États, dont les actions semblent vouloir favoriser le maintien d’un réseau centralisé. Ainsi, la France envisage de développer la production d’énergie nucléaire d’ici 2050, à la fois en entretenant le parc existant, mais également par la production de nouveaux réacteurs.
Ainsi, la décentralisation ne peut être envisagée que par une convergence commune des différentes parties prenantes et par la refonte du modèle existant.
Certains pays ont inclus la décentralisation dans une stratégie de développement nationale des énergies renouvelables.
Une production d’énergie locale émanant d’une volonté nationale et d’un engagement fort
En Europe, l’Allemagne se positionne comme pionnière de la révolution énergétique. Nos voisins d’outre-Rhin se sont fixés d’ambitieux objectifs afin d’atteindre la neutralité climatique à l'horizon 2045.
L’abandon du nucléaire et du charbon d’ici 2038 témoigne d’une part de cette volonté de s’affranchir d’une énergie polluante gérée au niveau fédéral mais également de réduire la dépendance aux importations d’énergies fossiles. De plus, le pays souhaite atteindre au moins 80% de la production d’électricité réalisée par les énergies renouvelables en 2030. Pour cela, le gouvernement allemand a mis en place de nombreuses dispositions incitatives.
Au niveau fédéral, le gouvernement a instauré un tarif d'achat garanti pour la production d’énergie renouvelable favorisant la multiplication des installations solaires photovoltaïques. Aussi, un certain nombre de bâtiments construits ou rénovés ont une obligation minimale de panneaux solaires sur le bâti.
Au niveau local, de nombreuses communautés ont mis en place des initiatives pour développer des systèmes énergétiques locaux, appelés « Energiewende », qui visent à produire, consommer et partager l’énergie au niveau local. Ces coopératives énergétiques sont très présentes en Allemagne et permettent de responsabiliser chaque citoyen. Aujourd’hui, près de la moitié des capacités installées en énergies renouvelables proviennent de projets locaux.
Vers la voie de la décentralisation
Enfin, pour pallier à l’intermittence et aux problématiques de stockage des énergies renouvelables, l’Allemagne investit dans des technologies de flexibilité et de numérisation du réseau. Ainsi, le développement des réseaux intelligents permet d’équilibrer l’offre et la demande mais aussi d’optimiser la production et la consommation d’électricité au niveau local.
Tous ces efforts ont permis à l’Allemagne d’atteindre 55% de production d’électricité verte en 2023, un record.
La convergence de l’ensemble des acteurs, tant au niveau fédéral que local, a permis à l’Allemagne de se doter de moyens pour parvenir à l’accomplissement d’ambitieux objectifs. Cependant, et comme le démontre l’Allemagne, la décentralisation apparaît comme une opportunité pour accomplir une transition énergétique. Alors que pour d’autres Etats, la décentralisation se manifeste comme une nécessité permettant un développement économique croissant.
Les pays en développement face au double enjeu du climat et de la croissance économique
Les pays émergents connaissent un accès restreint à l’énergie constituant leur principal frein au développement de leurs économies, c’est pourquoi la décentralisation des moyens de production d’énergie constitue un enjeu majeur pour leur avenir.
À ce titre, l’Amérique Latine s’est imposée comme une figure de proue de la transition énergétique grâce à des investissements massifs dans les énergies renouvelables amorcées depuis plusieurs décennies, et dont les conséquences résultent en une moindre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles. Néanmoins, les gouvernements sud-américains doivent encore redoubler d’effort pour améliorer l’efficience de leur réseau électrique qui enregistre une perte de 15% en moyenne chaque année. Malgré l’exemple du Chili et sa centrale thermosolaire dans le désert de l’Atacama qui a permis la fourniture d’électricité à près de 250 000 personnes, le niveau technologique du réseau actuel ne permet pas d’exploiter ces ressources à leur plein potentiel. Afin de répondre aux besoins énergétiques tout en assurant une viabilité économique sur le long terme, certains pays tel que l’Uruguay ont entrepris des investissements dans les réseaux intelligents avec pas moins de 600 000 smart meters mis en place, couvrant 60% des foyers en 2022 avec un objectif d’atteindre les 100% en 2024 sans répercussion des coûts sur les consommateurs.
Défis des Réseaux Énergétiques en Amérique Latine
Cet élan positif vers l’innovation du réseau électrique encourage l’usage des énergies renouvelables, mais est freiné par un manque de régulation du marché : en effet, les distributeurs d’énergie traditionnels ne sont donc pas incités à collaborer avec les réseaux locaux d’autant plus que le contexte socio-économique et politique sur le continent n’est pas propice à une évolution linéaire de ce type d’innovation. Nous observons toutefois une lueur d’espoir à travers le prisme des investissements chinois dans des entreprises sud-américaines, encourageant le développement de smart grids. Couplé aux efforts des Etats et des entreprises privées déjà en place, le développement de smart grids pourrait ouvrir la porte vers un futur aux allures de paradis vert. Cela aurait pour conséquence d’affirmer le statut de fer-de-lance de l’Amérique Latine dans le projet de fiabilisation des moyens de production décentralisés, répondant aux enjeux de transition énergétique.
Quand la transition énergétique traduit un futur prometteur
L’industrie de l’énergie entre en pleine mutation depuis plusieurs années dans un monde où la lutte des classes s’est couplée à un défi pour la survie de l’humanité. La décentralisation de la production d’énergie apporte des premières réponses prometteuses bien qu’encore insuffisantes, à l’image de la transition énergétique laborieuse de l’Allemagne et des velléités sud-américaines nuancées par un manque d’influence et de rigueur politique.
Certaines innovations, encore aujourd’hui sous état embryonnaire, nous permettent d’entrevoir toutefois un futur optimiste : c’est le cas de la chaleur fatale qui consiste à récupérer la chaleur émise lors d’un processus dont le but initial n’est pas la production d’énergie. Cette solution permettra alors d’augmenter le rendement des réseaux intelligents en couplant l’énergie électrique et thermique sous forme de circuit de recyclage, rendant possible la valorisation locale d’une ressource qui serait autrement perdue et répondant par conséquent à notre double enjeu initial.