Crise hivernale : un accélérateur de la transition énergétique ?

Entre l’augmentation très significative des prix du gaz, de l’électricité et du pétrole, et les risques annoncés d’une pénurie d’électricité en France dès cet hiver, chacun prend conscience que la crise énergétique n’est plus un sujet théorique : elle frappe directement au portefeuille des collectivités, entreprises et consommateurs. Face au mur, la prise de conscience s’accélère et incite au passage immédiat à l’action.

Sobriété énergétique

Après un automne aux températures records, permettant de garder au vert tous les indicateurs en matière de production et de distribution d’électricité, la France risque de manquer d’électricité cet hiver. Avec un plan de sobriété visant à baisser de 10% la consommation d’énergie de la France d’ici 2024, le gouvernement a appelé à une « mobilisation générale » qui doit permettre tant de passer l’hiver dans de meilleures conditions que de constituer un premier pas vers l’atteinte de la neutralité carbone en 2050.

Prenant conscience de l’ampleur des efforts à réaliser et fragilisés par les hausse des prix de l’énergie, les ménages, entreprises et collectivités jouent le jeu de la sobriété énergétique. Une tendance à la baisse des consommations d’électricité par rapport aux moyennes des années précédentes (2014-2019) a été observée par RTE début décembre. Cette tendance s’amplifie malgré la baisse des températures dans tous les secteurs observés : industriel, résidentiel, tertiaire. La mise en place par RTE d’un nouvel outil de suivi hebdomadaire de la consommation d’électricité permettra de confirmer dans la durée que les actions engagées par tous portent un effet réel.

Un foisonnement d’initiatives

Bien sensibilisés, les ménages ont compris les efforts et gestes à adopter pour participer à l’effort collectif et réduire leur consommation d’énergie : réduire le chauffage, privilégier le covoiturage, décaler leurs consommations pendant les « heures creuses », choisir des éclairages et appareils plus économes. Les « petits gestes » sont mis à l’honneur, du débranchement de la console de jeu inutilisée à l’utilisation du programme éco du lave-linge. Si les économies individuelles peuvent paraître modestes, ces efforts collectifs permettent  bien un effet significatif à grande échelle.

Les collectivités ont rivalisé de propositions pour limiter les consommations d’énergie : baisse du chauffage des équipements sportifs (gymnases, piscines), réduction voire extinction des éclairages publics, promotion de la sobriété auprès des plus jeunes. Les plans de sobriété énergétique des entreprises se font également de plus en plus nombreux : extinction des enseignes pendant la nuit, télétravail encouragé, audits énergétiques, isolation des bâtiments, investissements parfois importants pour optimiser les processus de production et les rendre moins énergivores.

La crise actuelle vient même booster l’innovation, ou accélérer le développement de certains services : généralisation de l’option de mise en veille des box pendant la nuit par les opérateurs télécom ; désactivation par Enedis des déclenchements automatiques des ballons d’eau chaude pendant les heures méridiennes ; développement et optimisation du dispositif Ecowatt par RTE pour signaler les périodes de tension sur le système électrique ; lancement d’une nouvelle plateforme en ligne Ecogaz sur le même principe, incitant à réaliser des efforts supplémentaires de réduction des consommations en cas de tension. Le cumul de ces efforts, des plus modestes aux plus significatifs, rend possible de véritables économies d’énergie.

Les vertus pédagogiques de la crise

Les risques concrets de coupure, la crise de la filière nucléaire, le retard sur le développement des énergies renouvelables et l’impréparation à  ces périodes de tensions font émerger dans l’opinion un double sentiment d'inquiétude et d'incrédulité.

Généralisée, la sobriété individuelle et collective a des effets significatifs mais ne peut suffire. De la même manière que la crise du Covid a permis l'accélération de la transition numérique, cette crise permettra sans doute de faire un bond dans la transition énergétique, à la fois en Europe et dans le Monde : accélération de la production d’énergies renouvelables, mise en avant du problème de la souveraineté énergétique, nouvelle coopération internationale.

Face à l’épreuve, le système énergétique mondial doit se transformer radicalement, forçant les pays à coopérer pour construire une sécurité énergétique durable : création de nouveaux réseaux transfrontaliers pour soutenir les échanges d’énergies propres, partage d’un calendrier commun pour atteindre la neutralité carbone, réduction du fossé inquiétant qui se creuse entre pays aux économies avancées et pays en voie de développement. Il est permis d’espérer que cette crise sans précédent constituera un basculement en insufflant un nouveau souffle, permettant une prise de conscience mondiale, favorisant l’effort et la coopération durables de tous.

Faute de gaz russe pour remplir les réserves l’été prochain, l’hiver 2023-2024 s’annonce plus rude encore et saura, s’il en était encore besoin, nous rappeler l’urgence de ces efforts.