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Conflit russo-ukrainien : quels impacts pour le secteur de l'énergie en France

homme avec un casque de chantier de dos energie
28 avril 2022
Energie et utilities

Il n’a pas fallu bien longtemps avant que les effets de la guerre entre la Russie et l’Ukraine se fassent ressentir en France. Le secteur de l'énergie, déjà fortement fragilisé par la crise du covid-19 est particulièrement impacté : flambée des prix du gaz, de l'électricité et du pétrole. Quelle est la dépendance de la France aux énergies russes? Quels sont les leviers dont dispose la France pour s’affranchir des importations russes?

Hausse du prix du gaz et de l'électricité

Le prix du gaz en Europe a augmenté de près de 300 % entre janvier 2021 et janvier 2022, atteignant un niveau jamais enregistré au cours des vingt dernières années. La Russie a entre les mains une arme redoutable : la plus grande réserve au monde de gaz naturel. Ce stock est indispensable à l'Europe, puisque 46 % de son gaz provient de Russie. La dépendance de la France au gaz russe est à première vue moins importante que bon nombre de ses homologues européens. Bien que 99 % du gaz naturel français soit importé, la Russie n’est que la deuxième source d’approvisionnement, avec 17% en 2020 selon l’Agence de coopération des régulateurs de l'énergie (ACER).

L’augmentation du prix du gaz entraîne mécaniquement la hausse du prix de l’électricité, puisqu’une partie de l’électricité produite et échangée en Europe provient de centrales à gaz. Bien que cette production ne représente que 6,9% de la production totale d'électricité en France en 2020 selon RTE, celle-ci est notamment utilisée pour absorber les pics de consommation en cas d’augmentation de la demande comme c’est le cas actuellement en raison de la période de “grand froid” survenu début avril. Cette dépendance au gaz lors des pics de consommation est aggravée en France par une baisse de disponibilité des installations nucléaires. La production d'énergie nucléaire par Électricité de France (EDF) est tombée à des niveaux historiquement bas. Cette réduction de la capacité nucléaire est principalement due à la crise sanitaire. Un grand nombre de réacteurs sont fermés en raison d'une maintenance différée suite aux multiples confinements. D'autres arrêts sont liés à des problèmes de corrosion détectés dans certains réacteurs. La France subit donc tout autant les effets de la crise que d'autres pays plus dépendants au gaz russe.

Quels impacts pour les Français ?

Côté consommateur, le gouvernement avait mis en place fin 2021 le “bouclier tarifaire” jusqu'à fin juin 2022 afin d’aider les Français à faire face à la hausse du prix du gaz et de l'électricité liée à la reprise économique. En effet, les Français qui disposent d’une offre indexée sur le tarif réglementé de vente de l’électricité (TRVE) et du gaz (TRVG) sont fortement impactés par cette hausse puisque ces tarifs sont calculés de manière à compenser les coûts d’approvisionnement, d’acheminement, de stockage et de commercialisation. Le gouvernement s’est engagé à limiter l’augmentation des tarifs réglementés de l’électricité à + 4 % pour 2022 par rapport à la précédente révision. Des discussions sont en cours pour prolonger ce bouclier de six mois.

Les entreprises françaises quant à elles ne bénéficient pas de mesures spécifiques. Bien que certains secteurs soient plus touchés que d’autres, l’augmentation du prix de l’énergie concerne toutes les entreprises. Beaucoup d’entre elles voient leur activité impactée avec la nécessité d’augmenter leur prix de ventes ou de baisser leur marge pour compenser la hausse des coûts. Les quelques entreprises bénéficiant d’un contrat d’énergie à prix fixe auprès de leur fournisseur sont pour le moment épargnées par cette forte hausse.

Hausse du prix du carburant

Les conséquences de cette guerre se ressentent également sur la facture de carburant des Français. En effet, l'invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février a provoqué une flambée des prix du pétrole. L'effet est particulièrement fort sur le prix du diesel, dont la Russie est un grand exportateur.

La Russie fournit 11,5% de l’offre mondiale et est le deuxième exportateur ainsi que le troisième producteur de pétrole brut. La France, elle, importe 9% de son pétrole brut depuis la Russie.

Le marché du pétrole est donc très dépendant de la situation actuelle et réagit très vite à chaque nouvelle perturbation. Cela s’explique par le fait que le niveau des stocks est actuellement très bas et qu'il y a une forte diminution de la capacité de réserve.

Jusqu'où le prix du carburant dans les stations va-t-il augmenter? Pour l'estimer, il faut en revenir à la composition du prix du carburant.

Le prix du brut ne représente qu'une fraction du prix, environ un tiers. Le reste provient des coûts de raffinage et de transport, marges comprises (environ 10% du prix), et surtout de deux taxes: la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) et la TVA, qui s'applique à 20% sur l'ensemble, y compris la TICPE. Cette dernière s'élève à près 70 centimes le litre pour le sans-plomb et des 60 centimes pour le gazole.

En conséquence directe donc, le prix au litre est repassé au-dessus de la barre des 2 euros, et la hausse pourrait bien durer.

La transition énergétique comme dernier recours pour faire face à cette crise ? 

Cette crise joue le rôle d’un électrochoc sur le secteur énergétique et pousse les autorités à trouver des alternatives pour sortir de la dépendance aux hydrocarbures russes.

Plusieurs facteurs nous poussent à réfléchir à accélérer la transition énergétique.

Parmi ces facteurs on cite : 

  • La parité Euro-Dollar, l’euro s'effrite face à la monnaie américaine depuis quelques mois or la France achète son pétrole en dollars
  • Les prix de ventes des quelque 4 millions de barils journaliers par Moscou sont compétitifs vis-à-vis des Américains, saoudiens et émiratis 
  • Les réserves stratégiques de pétrole de la France ne permettent de couvrir que 3 mois de consommation.
     

Concernant la dépendance de la France au gaz russe trois mesures d’urgence ressortent : 

  1. Réviser le principe du coût marginal régissant le marché européen de l'électricité qui lie dans les faits le prix de l’électricité à celui du gaz. Faute de quoi la flambée du gaz fossile russe se répercute inévitablement sur celle de notre électricité nucléaire décarbonée. 
  2. L’approvisionnement en gaz doit être diversifié. Pour pallier la suspension du gazoduc Nord Stream 2, il faut accélérer la mise en service de terminaux méthaniers, pouvant permettre des importations de gaz naturel liquéfié (GNL) et augmenter les échanges avec les fournisseurs déjà engagés (Norvège, Algérie, Pays-Bas, Nigeria)
  3. La poursuite de la décarbonation du gaz en substituant une production nationale de biogaz aux importations de gaz fossile russes.Plusieurs projets lancés par GRDF sont en cours afin d'accélérer le passage vers du Gaz Vert. l'Agence Internationale de l'Énergie recommande également d'introduire des obligations minimales de stockage de gaz

Conclusion 

Cette guerre affecte notre quotidien sur bien des aspects et a mis en lumière une dépendance française importante aux ressources russes.

L’accélération de la transition énergétique et la mise en place de mesures afin d’améliorer notre système sont le nerf de la guerre de demain.

La crise climatique et la crise ukrainienne vont-elles enfin nous contraindre à accélérer la mise en place de mesures drastiques de sobriété énergétique ? 

Seront-elles suffisantes pour nous pousser à investir d'avantage dans le renouvelable ?

Ou encore, faut-il se soustraire de nos véhicules thermiques pour des véhicules électriques et ainsi se défaire de notre dépendance au pétrole ?

Impossible de répondre à ces questions aujourd’hui mais sans nul doute l'avenir nous le dira !

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Emmylou ROSZAK
Emmylou ROSZAK
Senior Partner - Directrice de l'Offre Energies & Utilities

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Ibrahim El Gharbi
Consultant
Maeva FOUNDOUSSOU
Consultante confirmée