Réformer les modalités de financement du système de santé

Faut-il réformer le financement du système de santé national ? Aux Etats-Unis, les candidats Démocrates Elizabeth Warren et Bernie Sanders, en course pour l’investiture aux élections présidentielles, en sont convaincus.

Le sujet est brûlant en France aussi. L’ensemble de la classe politique et des professionnels de santé s’accordent à dire que le système de santé a besoin de réformes ; c’est le « comment » qui fait débat. Il semble néanmoins impensable de faire évoluer notre système de santé sans toucher à ses financements, et ce pour plusieurs raisons. En premier lieu, le financement de la santé est lui-même l’objet de critiques. En outre, les modalités de financement en vigueur sont fondées sur des critères sclérosés et risquent d’être de moins en moins adaptées aux besoins du secteur. Les projets de réformes se doivent donc d’incorporer un volet de révision du financement, notamment car il s’agit d’un levier de transformation majeur pour la santé.
1) Renforcer les montants des financements
En France, l’éclatement de fortes tensions sociales, marquées notamment par la crise des « gilets jaunes » ainsi que la grève entamée par les personnels hospitaliers, a poussé le gouvernement à agir dans l’urgence. Ce mouvement de grève, initié en mars par les urgentistes de l’hôpital Saint-Antoine, avant de s’étendre fin octobre à 269 services d’urgences, ne semble pas faiblir, malgré les annonces faites par le gouvernement. Une journée de mobilisation nationale est par ailleurs prévue le 14 novembre. Les grévistes mettent notamment en cause le manque de moyens alloués aux services d’urgences et à l’offre de soins. C’est dans ce contexte que l’Assemblée Nationale a voté le 29 octobre 2019 le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2020, au terme de débats houleux sur l’état du système et des infrastructures hospitaliers. Ce budget constitue une première action financière de l’Etat suite aux promesses faites par le gouvernement. En effet, il consolide une augmentation des dépenses de santé (ONDAM) plafonnée à 2,3%, ce qui devrait porter le déficit de la Sécurité Sociale à 5,1% en 2020 (contre 5,4% en 2019).
Un « plan de soutien » pour l’hôpital a également été annoncé par le Ministère de la Santé, et devrait être présenté mi-novembre. L’augmentation du budget votée par l’Assemblée est néanmoins jugée insuffisante par les professionnels, qui arguent qu’elle devrait être d’au moins 4,5%, et réclament au moins 250 millions d’euros d’aides supplémentaires pour les hôpitaux. Dans le détail, le PLFSS 2020 semble également « sacrifier » certains secteurs, oubliés, au profit des autres. Le financement prévu pour la psychiatrie a ainsi été jugé largement insuffisant par une commission de l’Assemblée. Il faudra peut-être s’armer de patience, car en compensation, les rapporteurs du PLFSS suggèrent de refonder les modes de financement de notre système de santé, afin de mettre en place un système plus pertinent, qui répondrait mieux aux réalités démographiques, économiques et sanitaires.
Cette réflexion a été incluse dans le cadre de la réforme globale « Ma Santé 2022 », au travers du rapport Aubert remis au gouvernement. Les modes de financement actuels, jugés trop cloisonnés et en grande partie liés à l’activité doivent « évoluer pour favoriser la transformation des prises en charge vers plus de qualité et améliorer la pertinence des soins ». L’objectif de cette réforme est en sus de déployer des modes de paiement « combinés », pour la ville et l’hôpital. Il faut donc comprendre qu’une seule réévaluation des montants alloués au système de santé ne saurait accompagner ses mutations ; il est nécessaire de repenser également les modalités de calcul et d’attribution de ces montants pour améliorer l’offre de soins.
2) Faire évoluer les modes de financement : vers un modèle de paiement combiné
Le rapport de la Task Force sur la réforme du financement du système de santé dénonce principalement la prépondérance de la tarification à l’activité (T2A) comme mode de financement, qui fait la part belle à la quantité de soins réalisés et ne rend pas toujours bien compte d’une réalité sanitaire ou démographique. Si le système actuel assure la productivité des différents acteurs, il est trop cloisonné et peu efficace lorsqu’il s’agit de coordonner les acteurs, ou de garantir la qualité des prestations de soins.
Le rapport insiste sur le fait qu’il n’existe pas de modèle « miracle » à substituer aux modalités actuelles, et propose ainsi de s’orienter vers des modes de paiements combinés (dont l’expérimentation s’est faite avec succès dans d’autres pays) qui devraient apporter « une réponse plus adaptée à la diversité des besoins des patients et favoriser les nécessaires transformations du système de santé ». L’objectif affiché est de réduire à 50% la part des paiements liés à l’activité, contre 63% aujourd’hui.
Le rapport liste quatre enjeux que la réforme doit adresser :
- Favoriser le suivi des patients, notamment dans le cadre des traitements de longue durée pour répondre à la multiplication des maladies chroniques
- Accroitre la qualité de la prise en charge des patients, en ciblant davantage les soins pertinents et en écartant les soins inutiles (en somme, optimiser le parcours de soins)
- Maintenir la réactivité du système et des acteurs actuels tout en les « responsabilisant », en liant une notion de qualité aux prestations effectuées
- Créer « les conditions de la transformation de l’offre de santé pour répondre à des besoins par nature évolutifs, en prévoyant notamment d’expérimenter de nouveaux modèles d’organisation de manière permanente »
Cinq modalités de paiement à combiner ont été étudiées et avancées par le rapport, afin de répondre de la meilleure façon possible à ces enjeux :
- Paiement au suivi
- Paiement à la qualité et à la pertinence
- Paiement pour la structuration du service
- Paiement à la séquence de soins
- Paiement à l’acte et au séjour
Enfin, comment mettre en œuvre de telles mutations ? Les rapporteurs proposent d’une part de modifier le droit commun pour adapter le cadre réglementaire pour l’ensemble des acteurs, et d’autre part d’avoir recours aux phases d’expérimentations autorisées par l’article 51 de la LFSS 2018 ; et ce de manière complémentaire.
Ces propositions d’évolutions, qui doivent accompagner les mutations du système de santé, engendreront probablement elles-mêmes d’autres évolutions ; il sera alors nécessaire d’adapter les organisations et les systèmes d’information hospitaliers en conséquence.
Nathan Drouot
