L’industrie 4.0 au service de la défense
L’industrie de la défense est une des seules industries à bénéficier des dernières innovations et à proposer en permanence des technologies disruptives (laser haute énergie, GPS, réalité augmentée, …). Ces innovations, le plus souvent orientées matériel (véhicules blindés, avions, armes, composants, etc.), voient aussi le jour pour améliorer la gestion de la production et de la maintenance.
L’enjeu étant d’être en capacité de produire et de maintenir les biens en période de conflit pour disposer d’un avantage matériel. La France, disposant d’un important complexe militaro-industriel, est l’un des plus grands exportateurs d’armes dans le monde (3ème en 2018). Elle possède une industrie de défense qui tourne aujourd’hui principalement au rythme des commandes étrangères en l’absence de conflit majeur. Dassault Aviation en est un bon exemple puisque l’industriel produit actuellement trois Rafale par mois pour honorer ses contrats à l'étranger (Qatar, Inde, …).
Les industriels de la défense sont assujetis à une contrainte particulière ; en effet, si la cadence nominale est relativement faible, les infrastructures doivent être capables de répondre à des problématiques d’échelle et sont dimensionnées pour répondre à une demande importante pendant une période indéterminée dans le cas d’une crise majeure. Cela implique un niveau de qualité de production élevé et une maintenance régulière pour garantir un important taux de disponibilité du matériel dans le cas d’une mobilisation importante et soudaine. Les technologies de l’industrie 4.0 contribuent à résoudre ces problématiques.
Produire plus et produire mieux
Équipés de solutions de GPAO (Gestion de la Production Assistée par Ordinateur), les sites de production industriels sont en mesure d’optimiser la planification tout en limitant les coûts de production. Les conflits peuvent avoir un impact sur les ressources premières et leur accessibilité ; la GPAO permet, entre autres, une meilleure gestion des stocks ainsi qu’une simulation de la capacité à produire sur la base de ces stocks. Plus largement, la GPAO et les nouvelles technologies de l’industrie 4.0 conduisent à la modernisation des sites de production en automatisant davantage, permettant ainsi d’augmenter la cadence de production.
MBDA, leader Européen de la construction des missiles, a par exemple déployé de nouveaux outils issus de l’industrie 4.0 sur son site de Bourges. Son usine du futur permet une production partiellement automatisée en ayant un taux de rebut faible grâce à des machines auto-correctrices, à la généralisation des capteurs communicants sans fil (IoT) ou encore au développement des robots collaboratifs (les “cobots”). Ces cobots partagent leur espace de travail avec l’opérateur et agissent en interaction avec lui afin de garantir une meilleure sécurité. Grâce à ces implémentations, la capacité de production du missile Aster a été améliorée : “Nous pouvons livrer une trentaine de missiles par mois et monter, le cas échéant, à un maximum de 50 missiles” souligne le directeur du site Michel Lombard. La qualité des systèmes de missiles étant primordiale puisque ces systèmes d’armes sont conçus pour être stockés pendant des dizaines d’années dans des conditions pouvant être difficiles et se doivent de fonctionner parfaitement les seules fois où ils seront utilisés.
Maintenance des infrastructures et équipements
Un haut niveau de maintien en condition opérationnel est indispensable que cela concerne les sites de productions ou le matériel militaire. Le taux de disponibilité est alors un bon indicateur puisqu’il est directement lié au niveau de maintenance du matériel en question. Ainsi, nous pouvons prendre pour exemple les 13 types d’hélicoptères de l’Armée Française, ayant un taux qui varie en moyenne entre 30 et 40% (2019), et qui ne demande qu’à s’améliorer grâce aux technologies de l'industrie 4.0.
Des solutions de numérisation de compte-rendu d’intervention de maintenance telles que celles du service Health Monitoring de Safran Helicopter Engines permettent un gain d’efficience et de coûts : “En numérisant la saisie, nous aurions des informations plus instantanées, plus complètes et donc plus exploitables.” souligne Eric Seinturier (chef du département Programmes, Support et Services de Safran Helicopter Engines) avec la solution Dominno (Données de maintenance moteurs innovante)
D’autre part, de nouveaux outils de l’industrie 4.0 tels que le HUMS (Health and Usage Monitoring System) permettent aux mainteneurs de visualiser l’état de santé d’une pièce afin d’opérer dessus. Cette déclinaison du jumeau numérique associée à la réalité augmentée facilite le travail des techniciens. La fabrication additive, via l’impression 3D de pièces de rechange sur le terrain, offre l’espoir d’alléger la logistique en opération et d’optimiser la supply chain. Nous pouvons déjà retrouver ces solutions dans l’outil eSoutien de chez Arquus, anciennement Renault Trucks Defense, spécialisé dans les véhicules militaires.
On retrouve également les gains “traditionnels” de l’industrie du futur tels que l’opportunité de déclencher des opérations de maintenance préventive et prédictive limitant au maximum les interventions tardives. Ce gain est d’autant plus significatif dans ce secteur car il est toujours plus simple d’intervenir en base plutôt que sur le terrain.
Une diminution des pertes humaines ?
A l’heure de la coopération homme-machine, les technologies ne cessent d’évoluer si bien qu’un jour nous serons en mesure de produire des machines et de les envoyer sur le champs de bataille avec peu ou plus d'interaction humaine. On peut déjà prendre comme exemple les derniers robots signés Boston Dynamics qui seront capables d’accompagner les soldats sur le terrain d'opération. La France, quant-à-elle, s’est dotée des drones américains Reaper pilotés à distance et donc sans risque pour leurs opérateurs.
Dans un sens, les champs de batailles se “déshumanisent”, ce qui concentre toutes les réflexions sur la conception et l’usage de matériels autonomes. A quoi ressemblera le conflit armé de demain ? Le coût de tels conflits serait-il plus économique qu’humain ?