Stress tests climatiques : responsabiliser les banques au réchauffement climatique
Le réchauffement climatique est aujourd’hui, plus que jamais, au cœur des débats. La température moyenne ne cesse d’augmenter et atteint désormais 1,2° C de plus en comparaison avec les températures préindustrielles. Ce phénomène présente des conséquences directes non seulement sur notre écosystème, mais aussi et surtout sur le fonctionnement de nos sociétés, notamment sur le plan financier.
En effet, la Banque Centrale Européenne a annoncé début juillet 70 milliards d’euros de pertes cumulées pour les principales banques de la zone euro suite à la flambée du prix du carbone et aux phénomènes d’inondations et de sécheresses observés cette année.
Les 70 milliards d’euros estimés par la BCE sont issus des résultats des premiers tests de résistance climatique menés sur les risques de crédit et de marché de 41 établissements bancaires. Ces pertes soulignent le fait que la plupart des banques de la zone euro ne mettent pas en place une modélisation du risque climatique et ne prennent pas en compte ce facteur de risque dans leur processus d’octroi de crédit.
Les instances bancaires se voient ainsi confrontées à l’ambitieux défi de repenser leurs métiers et de parvenir à construire une économie plus résiliente et plus durable. Il ne s’agit donc plus de faire du greenwashing mais de trouver des solutions concrètes permettant l'instauration d’une économie bas-carbone. Les stress tests climatiques ont ainsi émergé comme l’une des solutions permettant de mesurer et de limiter l’impact des changements climatiques sur les opérations financières.
Quelle est la genèse des stress-test climatiques ?
La dimension ESG (Environnementale, Sociétale et de Gouvernance) a été intégrée, depuis quelques années, dans les stratégies des différents acteurs économiques, non seulement, au vu de l’impact direct qu’ont les changements climatiques sur eux mais aussi et surtout, compte tenu de l’importance grandissante donnée par les régulateurs au sujet.
En effet, la multiplication des catastrophes naturelles et l’augmentation de leurs impacts sur les acteurs financiers, Banques et Assurances notamment, a poussé des régulateurs tels que la BCE à mettre en place un cadre législatif encadrant les risques climatiques.
Ainsi, mise en place lors de la COP21, la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) avait établi en juin 2017 des recommandations en faveur de la mise en place d’un reporting financier utile aux décisions d’investissement et portant sur les risques et opportunités liés aux changements climatiques. La TCFD a été déployée pour concrétiser l’objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre à 0 en 2050, comme définit la loi de transition énergétique et pour la croissance écologique.
Les grandes banques françaises ont ainsi adopté les recommandations de la TCFD pour mieux répondre aux exigences réglementaires de la BCE qui encourage à plus de transparence dans la publication de leur rapport environnemental annuel ainsi que sur la qualité de leurs investissements. Ce rapport permet d’obtenir une vision globale de la place accordée à la dimension ESG au niveau des politiques internes et externes.
La BCE a, quant à elle, publié en octobre 2021 « Climate risk stress test », un cadre précisant les documents à communiquer par les banques, les caractéristiques des stress tests ainsi que les calculs exécutés sur les modèles Excel fournis et à remplir entre mars et juillet 2022. La publication des résultats devrait avoir lieu fin juillet et devait porter sur trois volets.
Un premier volet qualitatif a pour objectif de faire un état des lieux et de comprendre comment sont gérés et modélisés les stress-tests climatiques des banques. Un second volet métrique vise à calculer l’exposition et la sensibilité des banques vis-à-vis des risques climatiques. Enfin, le dernier volet devra porter sur la projection des risques sur différents horizons et selon différents scénarios.
Comment mesurer les risques climatiques ?
Il y a deux catégories de risques climatiques : les risques dits physiques et les risques de transition. Les risques physiques regroupent tout ce qui est liés aux dommages financiers, matériels et opérationnels résultant des aléas climatiques tels que la sécheresse, les canicules ou encore les inondations.
Ces types d’aléas climatiques rentrent dans la sous-catégorie des risques dits aigus. La seconde sous-catégorie, celle des risques dits chroniques, regroupe, quant à elle, les risques liés à des changements sur le long-terme et graduels, tels que l’élévation du niveau de la mer ou encore l’épuisement de certaines ressources.
Les risques de transition désignent les risques encourus et résultant de la transition vers une économie bas-carbone. Ce type de risque est matérialisable à horizon court car il est nécessaire de réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre pour atteindre l’objectif fixé de neutralité carbone en 2050.
Les banques doivent ainsi maitriser leurs catégories de risques pour pouvoir les intégrer dans leurs modèles de stress tests climatiques. L’exercice est relativement complexe puisqu’il s’agit du premier du genre et qu’il n’y a pas encore de standard fixé. Le calcul se fait donc sur la mesure de l’impact d’aléas climatiques sur des actifs financiers et ce selon différents scénarios se basant sur des données très granulaires basées sur l’activité et non pas sur les entreprises.
D’ailleurs, la BCE a pris en compte les facteurs de difficulté de l’exercice et l’a simplifié en réduisant, par exemple, les risques de contreparties à ceux de l’UE uniquement, ou encore en limitant les risques physiques à ceux des sécheresses, inondations et canicules.
L’objectif pour le régulateur n’est pas d’obtenir une estimation précise des risques climatiques mais plutôt de comprendre comment les banques approchent la transition climatique et quelles sont les stratégies mises en place dans ce sens. La BCE vise ainsi à responsabiliser les acteurs financiers et à en faire ses alliés pour atteindre l’objectif de la neutralité carbone en 2050.
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