RER métropolitains : quels enjeux se cachent derrière l’annonce ?
Le 27 novembre dernier, Emmanuel Macron a annoncé l'arrivée de RER dans 10 métropoles françaises.
L’annonce peut paraître précipitée. Elle est en rupture avec la politique menée par le gouvernement. L’amendement de 3 milliards d’euros supplémentaires dédiés au ferroviaire n’a pas été retenu dans le budget 2023, quand des subventions massives sont débloquées pour l’automobile (carburants, bonus écologiques…). Elle est pourtant la suite logique des annonces faites par le gouvernement depuis 2017 :
- Juillet 2017 : Lors de son discours d’inauguration de la LGV Bretagne, Emmanuel Macron annonce la fin des grands projets d’infrastructures ferroviaires. Les transports du quotidien seront désormais la priorité.
- Décembre 2019 : La LOM est promulguée. Le texte de loi prévoit la commande d’un plan à SNCF Réseau, pour remédier à la saturation des grands nœuds ferroviaires et doubler la part modale du train en zone urbaine.
- Mars 2020 : SNCF Réseau publie son schéma directeur. Il identifie les facteurs clés de succès pour réussir la création des Service Express Métropolitains dans 22 métropoles françaises.
- Décembre 2022 : Emmanuel Macron annonce l’arrivée du RER dans 10 métropoles françaises.
Finalement, de quoi parle-t-on ?
Tout d’abord, il est nécessaire de comprendre ce qui se cache derrière le terme de RER métropolitain. Si le terme renvoie directement au RER francilien, l’ambition de ces projets n’est pas de transposer en région ce qui existe à Paris. Créer un RER métropolitain consiste à adapter l’offre ferroviaire régionale, principalement des TER, afin d'atteindre un haut niveau de service sur ces lignes, avec une desserte assimilable à celle d’un métro. Le S-bahn allemand fait figure d’exemple, pour ce type de transport. Il s’agit d’envisager le réseau de train comme composant principal d’une solution de transport cohérente, détrônant ainsi la voiture sur les trajets du quotidien.
Comment y parvenir ?
Dans son schéma directeur, SNCF Réseau identifie deux grands types de facteurs clés de succès de ce qu’elle nomme alors un SEM (Service Express Métropolitain) :
- Un service intégré dans le système de transport métropolitain
- Un service ambitieux et attractif.
Nous vous proposons donc de détailler ces deux aspects dans la suite de l’article.
Intégration dans le système de transport métropolitain :
La notion d’intégration au système de transport est essentielle pour la réussite des projets de RER métropolitains. Pour être efficace, le réseau de transport doit permettre aux usagers de réaliser leur trajet de bout en bout, grâce à une intermodalité bien pensée :
- En zone urbaine dense, avec des correspondances intermodales efficaces et des flux de passagers adaptés dans les gares centrales de la métropole.
- En zone moins dense, avec la construction de gares de proximité, équipées de parkings relais, et compatibles avec l’utilisation du vélo.
Cette intermodalité doit impérativement s’accompagner d’une lisibilité de l’offre de transport. Elle passe notamment par :
- Une billettique efficace à l’échelle de la métropole.
Les régions ont déjà pris des initiatives en ce sens. En Auvergne Rhônes Alpes, la carte OuRà permet depuis 2006 aux Rhônalpins de charger sur un support unique des titres de transport TER, ainsi que des abonnements sur les réseaux de 25 AOT de la région. Dans le nord, la carte Pass pass des transports de la Métropole de Lille (MEL) permet d’emprunter le réseau TER. Toutefois, ces systèmes de billettique souffrent d’un manque de lisibilité qui limite leur utilisation.
La billettique devra à terme être unifiée entre transports urbains et RER, et permettre une intermodalité facilitée entre les différentes villes moyennes, désormais reliées au système de transport de la métropole. La réunification de ces systèmes billettiques annonce d'importants chantiers de transformation des SI.
- La mise en place d'une tarification intégrée.
Un même titre de transport doit pouvoir être utilisable sur les différents modes de transports (métro, tram, TER/SEM). La problématique n’est pas nouvelle, plusieurs agglomérations ont déjà mis en place une tarification unifiée sur leur liaisons TER. C’est par exemple le cas à Grenoble depuis 1999 et en Bretagne, où le réseau BreizhGo est en place depuis 2017, et où la région cherche à simplifier la tarification dans les TER, les cars, et les navettes maritimes. A chaque fois, l’instauration de la tarification unique est allée de pair avec une augmentation du nombre de passagers dans les trains.
- Une bonne lisibilité de l’offre de transport
L’information voyageur doit être cohérente à l’échelle du réseau de transport. Là encore, cela implique de lourds chantiers de refonte des SI, pour faire converger dans un même système les données des différents transports du territoire.
Un service ambitieux et attractif :
L’attractivité d’un RER métropolitain repose sur l’offre de transport mise à disposition des usagers des transports du quotidien. Il doit garantir des trains à horaire fixe, toutes les 15 ou 30 minutes sur les gares périphériques, et une desserte assimilable à un métro sur son tronçon central.
Le 11 décembre dernier, c’est Strasbourg qui est devenu la première métropole française à relever ce défi, avec le REME (Réseau Express Métropolitain Européen). L’Eurométropole et la Région Grand Est prévoient une augmentation du nombre de trains à la journée de 43% d’ici septembre prochain. Cela doit permettre de faire circuler des trains toutes les 15 minutes en heure de pointe, et garantir une fréquence satisfaisante en week-end et en heures creuses, avec un service disponible de 6h à 23h.
Augmenter la fréquence des TER dans les grandes métropoles françaises ne pourra se faire sans efforts. En France, nos réseaux ferrés sont construits en étoile autour de grandes gares centrales. Ces dernières sont déjà saturées. Il existe différentes solutions pour permettre à ces gares d’absorber une augmentation du trafic :
- Agrandir les gares existantes avec la construction de nouveaux quais.
- Mettre en place une signalisation permettant de stationner 2 trains sur un même quai, à l’image de ce qui a été fait en juin à Rennes, pour la première fois en France.
- Diamétraliser les étoiles ferroviaires. Les gares centrales ne doivent plus constituer un terminus dans ces nouveaux réseaux. Le train ne doit marquer qu’un court arrêt en zones denses. Le retournement des trains et leur stationnement sont alors transférés dans les zones à l’extérieur de la métropole, où le foncier est plus facile à acquérir.
La saturation des nœuds ferroviaires est aussi un problème à résoudre pour augmenter le nombre de trains.
- La solution peut venir de l’infrastructure, avec la création de nouvelles voies, ou de saut de mouton. Ces chantiers seront complexes à mener, car ils devront être réalisés par paliers, en assurant une continuité de l’offre de transport. Ils devront être appuyés par des SI de suivi de chantier performants.
- La modernisation de la signalisation peut également permettre d’augmenter la capacité de ces nœuds, avec le déploiement de l'ERTMS notamment.
L’attribution des sillons au cœur de ces nœuds est également amenée à évoluer dans les années à venir, afin de répondre à l’arrivée des nouveaux opérateurs ferroviaires, et aux évolutions du trafic autour des métropoles.
La création de RER en régions implique des transformations importantes dans les écosystèmes de transport des métropoles, au niveau des infrastructures mais surtout de la cohérence de l’offre de transport et de sa lisibilité. Ces nouveaux réseaux pourront s’appuyer sur des outils déjà existants et des projets de modernisation en cours. L’annonce présidentielle a en outre engendré des réactions de toutes parts, et la mobilisation d’associations pleines d’ambitions pour ce qui pourrait être un renouveau du ferroviaire français. Reste à voir ce qui fera suite à ces annonces !
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