Open Data : un service public de la donnée entre transparence et défis

Progressivement légiférée et désormais atout de nombreuses organisations, la démarche Open Data peut s’ancrer dans la volonté de générer de nouveaux vecteurs de confiance démocratique et comme une valeur sûre de la transition numérique publique. L’ouverture de ces données est-elle destinée à refaçonner notre modèle de consommation de la donnée, et plus encore nos idéaux modernes de “république et citoyen numérique” ?
Entre leadership européen et innovations globales : les modèles à suivre
France, Ukraine… quand l’Open Data devient un outil de transformation publique et politique
La France se distingue par son rôle de leader européen en matière d'open data, avec des politiques avancées et un fort engagement à rendre les données accessibles et réutilisables. Le big data mobilisant 175 Zo en 2025, il paraît évident que les données possèdent un aspect stratégique majeur et d’autant plus lorsqu’elles sont ouvertes à une grande majorité. Depuis 2016 et la loi sur une république numérique, rendant l'Open Data obligatoire pour les administrations, la France a réussi à obtenir d’excellents résultats sur les différents indices de maturité évaluant sa capacité à partager ses données.
Nous pouvons notamment évoquer l’indice de maturité mis en place par l’Union Européenne depuis 2015. Ce dernier propose quatre volets d’études : la politique Open Data du pays, les plateformes d’accès, l’impact et la qualité. La moyenne de l’UE et des pays composant l'étude étant de 83,2% de score positif, la France et son très beau score de 99,63% fait réellement office de champion européen, accompagnée de la Pologne et de l’Ukraine. La mission Etalab et les différentes actions mises en œuvre ont été efficientes pour garantir ce score presque parfait.
Axelle Lemaire, ancienne secrétaire d'État chargée du Numérique et de l'Innovation, soulignait l'importance de l'open data pour revitaliser la démocratie. Le cas de l’Ukraine est très intéressant : la voir en leader européen de l’Open Data est une volonté diplomatique liée au conflit sur son territoire. En effet, l'Ukraine est passée du 17ème rang européen au 3ème en 4 ans avec en premier abord une lutte contre la corruption. Le conflit qui a suivi a permis au pays de structurer de nouvelles offres : YouControl a notamment développé un outil appelé Ruassets qui vérifie quelles entreprises internationales et ukrainiennes ont des liens cachés avec des actifs, des particuliers ou des entreprises russes et biélorusses. Plus de 100 datasets ouverts, nationaux et internationaux, sont utilisés, dont les ensembles de données de l’Agence nationale de prévention de la corruption de l’Ukraine. Outre prévenir et se servir de la donnée comme outil militaire, l’Open Data permet à l’Ukraine de développer des contre-pouvoirs régionaux dans une optique d’adhésion aux organisations occidentales ou à l’Union Européenne. Dans le cas d’un cessez-le-feu, le ministère de la Transformation numérique ukrainien vise à identifier les ensembles de données prioritaires dans différents domaines, de la santé aux infrastructures, qui sont essentiels aux efforts de relance, et travaille avec les organismes gouvernementaux pour s’assurer que les données ouvertes continuent de contribuer à l’économie et à la société ukrainiennes.
Assurer sa transition Open Data : assimiler des notions techniques mais aussi structurelles
Fondations juridiques, choix technologiques et gouvernance des données
Hors contexte géopolitique, si l’on se recentre sur le cas de la France, se pose alors la question de comment passer sur une entité Open Data, notamment en cas de collectivité territoriale. Ainsi, la loi CADA (n° 78-753 de 1978) veille à la liberté d’accès aux documents administratifs et établit le droit pour toute personne de demander communication des documents détenus par les administrations publiques. Le décret n° 2011-577 de 2011 précise les modalités de mise à disposition des données publiques par les administrations. Enfin, la loi pour une République Numérique (2016) oblige les établissements publics à ouvrir leurs données par défaut. La CNIL propose des guides mais aussi des démarches à suivre avec notamment la qualification juridique des diffuseurs de données, l’identification de la base légale du traitement, l’information des personnes concernées et sur leurs droits, la minimisation des données traitées et enfin l’exactitude et la sécurité de ces données (EU Data Act, Directive 2019/1024).
Techniquement parlant, la mise en place d'une plateforme Open Data nécessite plusieurs étapes techniques clés. Choisir un SaaS ou une solution Open Source ? CKAN, l’outil open source majoritairement utilisé, a notamment servi de brique essentielle à uData, la solution de data.gouv.fr, utilisée également par les gouvernements luxembourgeois et serbe. Les ressources internes sont à identifier dans le cas d’un développement open source en DSI. Deux SaaS français sortent également du lot : OpenDataSoft, extrêmement bien implanté depuis plus de 10 ans, et Koumoul, une TPE qui arrive à récupérer quelques clients importants (ADEME, gouvernement ivoirien…). Le format d’API REST est quant à lui préconisé. La solution Open Data se devra de respecter une liste de fonctionnalités (catalogue, indexation, standardisation des métadonnées, volumétrie conséquente, nombre d’appels à l’API suffisant, souveraineté de l’hébergement…) selon la taille et le type d’organisation concernée.
La qualité des données doit être assurée par des processus rigoureux de vérification et de mise à jour régulière, ainsi que par l'utilisation de formats ouverts et interopérables. Une gouvernance renforcée, inspirée des principes du DAMA-DMBOK2, doit encadrer la gestion de ces données : rôles définis, comitologies, politique d’évaluation des cas d’usage, audits de maturité, et amélioration progressive selon des critères de qualité standardisés (donnée exacte, complète, consistante, intègre, raisonnable, ponctuelle, unique et valide).
Former et acculturer les acteurs : un levier indispensable à l’appropriation
Pour réussir l’ouverture des données publiques, il est indispensable de définir une stratégie claire en identifiant les jeux de données prioritaires, selon leur pertinence et les besoins des usagers en impliquant toutes les parties prenantes (élus, citoyens, entreprises).
La formation des acteurs territoriaux sera aussi indispensable pour qu'ils puissent comprendre et manipuler les données efficacement. Cette acculturation peut passer par de nombreux canaux de communication ou des ateliers. La fresque des données ouvertes (sur le modèle de la fresque de la data, elle-même inspirée d’autres fresques) est une solution d’acculturation simple et notamment déjà implémentée à Bercy.
Enfin, la valorisation des données passe par une communication dynamique autour de leur réutilisation : hackathons, concours, visualisations, et tableaux de bord accessibles.
Objectif final : un service public de la donnée scalable, lisible, utile et à haute valeur ajoutée citoyenne.
Quelles sont les recommandations à suivre pour le futur de la donnée ouverte ?
Nouvelles tendances et implication française
L’Open Data est actuellement considéré dans sa troisième vague. Elle reste minoritaire dans de nombreux pays, mais on assiste de plus en plus à une ère d’ouverture de l’information de manière mondialisée. Ce n’est cacher à personne que le climat politique français ne tend pas aujourd’hui à la confiance de ses citoyens. Pourtant, la France, leader européen de la donnée ouverte, peut utiliser son savoir-faire pour redorer cette confiance et endiguer ce sentiment d’opacité entre les organismes publics et les citoyens.
Dans un pays où les dépenses publiques sont traditionnellement importantes, continuer à procurer de la donnée accessible et compréhensible permet de resituer la transparence au centre des débats. La France est pleinement ancrée dans cette troisième vague mais doit faire preuve de communication et d’acculturation pour promouvoir les nombreuses avancées qu’elle a réussi à mettre en place. Elle a également un poids diplomatique à jouer au niveau international pour faire avancer l’Open Data.
La quatrième vague, qui risque de débuter sous peu, se devra d’être encore plus globale mais aussi d’intégrer les différents enjeux de l’IA Générative, pour que la donnée puisse alimenter des potentielles IA souveraines – on parle notamment d’Albert en France – ou générer des insights prédictifs à destination de tous les acteurs et sur tous les secteurs de la société. L’Union Européenne dans son rôle normatif continuera de poser des cadres qui seront à respecter. On pense notamment à l’IA Act, entré en vigueur en 2024. Il s’agira d’avoir un modèle de souveraineté numérico-économique propre pour les administrations, favorisant l’innovation et l’accès à l’information, tout en réduisant des processus parfois encore archaïques.
Cap vers un Open Data utile, gouverné et tourné vers l’innovation
- L’Open Data est une opportunité aux multiples facettes économiques, sociologiques, politiques et il est nécessaire de veiller à sa bonne mise en place
- Il ne faut pas oublier les enjeux de gouvernance mais aussi d’acculturation à destination de tous les acteurs (élus, citoyens, entreprises)
- Il est important d’étudier massivement les cas d’usages Open Data / IA Générative pour ne pas passer à côté de la quatrième vague tout en s’imprégnant des directives juridiques
Ainsi, si nous devions nous positionner sur le sujet du futur de l’Open Data, la France a la chance de disposer de nombreuses plateformes et jeux de données ouverts à l'ensemble de la population. Il subsiste cependant un manque de communication autour de ces initiatives. L’Open Data se présente comme un vecteur de confiance politique et un levier économique indispensable dans une perspective de modernisation des organismes publics.
L'État et les collectivités doivent tirer parti de data.gouv.fr ainsi que de leurs outils locaux. Il est également crucial d'éviter l'open-washing et de fournir des données utilisables, mobilisables et porteuses de valeur citoyenne, car pour démocratiser la donnée, celle-ci se doit d'être compréhensible et accessible au plus grand nombre.
Enfin, si la France aspire à se lancer d’autant plus dans la course à l'IA et à en devenir son champion européen, cela passera nécessairement par une continuité de l’ouverture et de l’interopérabilité des données au sein de ses organisations permettant l’alimentation de futurs modèles souverains et améliorant leur précision.
Victor Hugo nous disait “La liberté commence où l’ignorance finit”. Ouvrir ses données, n’est ce pas mettre fin à l’ignorance ?
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