Le vote par internet : utopie ou futur proche ?
Selon le conseil constitutionnel, le vote en France repose sur 3 principes fondamentaux : l’égalité, la liberté et le caractère secret du vote. Depuis les années 1990, la modernisation de notre système de vote revient régulièrement sur la scène politique (projets de lois, machines à voter) sans pour autant aboutir. Bien qu’il paraisse dépassé, le système de vote papier a fait ses preuves pour garantir ces principes fondamentaux, véritables défis techniques quand il s’agit de passer au vote par internet.
Le vote par internet, kezako ?
Bien que l’on confonde régulièrement vote par internet et vote électronique, il s’agit bien de deux modalités de vote différentes.
Le vote par internet est un mode de scrutin entièrement dématérialisé permettant de voter à distance : l’envoi des votes ainsi que leur comptage se fait par Internet, il n’est plus nécessaire de se déplacer en bureau de vote.
Le vote électronique est un scrutin effectué en bureau de vote sur une machine à voter. Actuellement, seules 66 communes de plus de 3500 habitants en sont équipées en France. Boudées pour leur manque de transparence dans leurs méthodes de comptage des votes et leur maintenance exigeante, les machines à voter ne font plus l’objet d’un budget de maintien ou remplacement.
Quels sont les risques et les enjeux du vote par internet ?
Dématérialiser le vote pose plusieurs risques dans le respect des principes fondamentaux du scrutin. Chaque phase du processus de vote peut faire l’objet d’attaques ou de trucages :
- L’enregistrement et l’authentification de l’électeur : il est compliqué de garantir que le votant à distance a fait son choix libre de toute contrainte ou de trucage du scrutin (keyloggers, vente/achat d’identifiants de vote, etc.) ;
- La récupération et l’enregistrement du vote : les attaques sur serveurs d’élection pour bourrer les urnes menacent l’intégrité et l’unicité du vote ;
- Le comptage des votes et la publication des résultats : le comptage doit être rapide, transparent, et réduire au maximum la marge d’erreur.
La cybersécurité est donc un enjeu de taille pour protéger la modalité de vote à distance. Le vote en ligne doit également garantir un accès égal à tous les électeurs, même ceux touchés par la fracture numérique.
Nous observons déjà les impacts du numérique sur nos élections. Les phénomènes de déstabilisation électorale nous montrent l’ultra sensibilité et fragilité de la démocratie et des scrutins.
Par exemple, des cyberattaques ciblent particulièrement les fournisseurs de bulletins de vote par voie postale ainsi que les ordinateurs de bureau de vote. Plus subtile, l’ingénierie sociale sur les réseaux sociaux est devenue un véritable levier d’influence des tendances de vote à coups de mésinformation et théories complotistes.
Avoir un système de vote en ligne sécurisé et éprouvé de bout en bout est donc primordial quand la confiance des électeurs de plus en plus fragile mais très complexe à mettre en place ;
Quels défis techniques pour le vote par internet ?
Le vote par internet se doit de respecter les mêmes principes que le mode de scrutin traditionnel. Ainsi, l’anonymat du votant doit être garanti pour éviter toute pression ou représailles et le scrutin doit également être vérifiable et transparent, c’est-à-dire :
- tous les votes doivent être correctement comptabilisés : un électeur ne doit pouvoir voter qu’une seule et unique fois (vote per capita). Chaque voix ne sera comptée qu’une fois également ;
- la méthode de comptage des votes doit être vérifiable par tous : pour éviter tout trucage dans le comptage des votes, chaque électeur doit pouvoir vérifier le processus du scrutin. Un système open source sera donc à privilégier (ce qui n’est pas le cas des logiciels des machines à voter).
- un électeur doit pouvoir s’assurer que son vote correspond à la conviction qu’il a exprimée lors du scrutin.
La cryptographie, brique principale du processus de vote en ligne, représente l’un des principaux domaines de recherche pour le vote par internet. La cryptographie asymétrique la plus couramment utilisée (système RSA) doit d’abord déchiffrer les informations cryptées avant de pouvoir effectuer des opérations de comptage. Cette caractéristique consomme énormément de puissance de calcul du fait de la taille des clés de chiffrage. C’est pourquoi les récentes recherches se concentrent sur des approches plus économes en la matière comme :
- la cryptographie homomorphe qui permet d’effectuer des calculs directement sur des items cryptés ;
- la cryptographie de courbes elliptiques qui permet une sécurité équivalente avec des clés premières plus petites que les clés asymétriques;
- la cryptographie visuelle qui crée, à partir du message à crypter, deux images distinctes conservées sur deux serveurs distincts.
Quelles perspectives pour le vote par internet ?
Aujourd’hui, le principe de précaution prévaut du fait de l’extrême sensibilité des scrutins électoraux et de leurs conséquences sur notre société. Cependant, une réelle prise de conscience est en cours à l’échelle nationale au travers de la collaboration entre l’ANSSI et l’agence ministérielle Viginum mais aussi européenne avec la création de comités à l’échelle européenne pour l’e-Voting & l’analyse des attaques cybersécurité,
Le vote par internet est aussi lié avec d’autres domaines de digitalisation et de recherche comme l’identité numérique pour répondre aux problèmes d’authentification sécurisée de l’électeur, ou la blockchain pour garantir l’intégrité du vote dans sa transmission aux institutions pour comptage.
L’expérimentation du vote par internet en France débutée lors des élections consulaires de 2021 pour les Français de l’étranger continuera avec les élections législatives de juin 2022 sur le même échantillon d’électeurs. Affaire à suivre…
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