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Le Numérique responsable: le nouveau combat européen ?

18 juin 2021
Technologies & Innovation

On estime aujourd’hui à 57% la population connectée à internet dans le monde. La crise sanitaire a sensiblement mis en lumière un problème existant, mais qui n’intéressait alors qu’une minorité : le numérique a des répercussions non négligeables sur l'environnement.

Longtemps, fondamentalement ignoré de tous, un voile s’est progressivement levé et le monde prend peu à peu conscience que le zéro papier à un prix pour notre planète. Les initiatives se multiplient, les projets de loi s’amorcent, les directives européennes aboutissent… mais l’Europe n’est-elle pas seule dans cette nouvelle bataille? 

La prise de conscience européenne

Le 25 novembre 2020, le parlement Européen a voté une résolution historique en faveur d’un numérique responsable. Entré en vigueur en 2021, le dispositif propose un allongement de la durée de vie des produits (via le réemploi et la réparation), une meilleure information des consommateurs lors de l’achat et des durées de garantie plus longues. Enfin une directive européenne qui va dans le bon sens. En prônant la lutte contre l'obsolescence programmée et en souhaitant favoriser le réemploi du matériel informatique, l’Europe se positionne sur une prise de conscience de la raréfaction des ressources naturelles utilisées. L’adoption du Green Deal, les investissements massifs et historiques sont aussi une belle illustration de cette volonté. 

 A l’échelle française, on note une multiplication des initiatives sur cette thématique: Planet Tech Care, NegaOctet, AFNOR, Syntec Numérique, Boavista… Une réelle explosion des groupes de travail émerge, tout comme une volonté collective de créer et partager des outils, des solutions et un savoir afin que les choses puissent aller plus vite. L’ambition est lancée : être rapide pour que les entreprises puissent s’adapter et prendre à bras le corps un problème depuis longtemps existant, mais rarement au coeur des préoccupations. 

La France a toutes ses chances pour devenir un des leaders mondiaux du numérique responsable, à condition que cela ne devienne pas une exception européenne. 

Le business as usual des chinois et américains

Il suffit d’observer au-delà des frontières européennes, l’engouement n’est pas aussi prononcé et la prise de conscience n’est pas aussi massive outre atlantique ou en orient.

Si Elon Musk a récemment montré ses préoccupations vis-à-vis des crypto-monnaies et de l’environnement, les préoccupations européennes ne sont pas forcément partagées par les entreprises américaines ou asiatiques. Il suffit de regarder du côté du matériel et notamment des chargeurs de smartphones. Apple reste le principal lobby à empêcher l’adoption d’une loi européenne qui date d’il y a maintenant plus de 10 ans… sur la mise en place d’un chargeur universel pour les tablettes et smartphones. 

L'Asie a généré en 2019, 24,9 millions de tonnes de déchets électroniques, soit près de la moitié des déchets générés dans le monde. 

Le blocage d’Apple montre à quel point l’Europe est dépendante de la bonne volonté des industriels dans cette lutte pour le climat, mais à quel point elle a aussi ses cartes à jouer dans l’échiquier du numérique responsable. Légiférer, innover, promouvoir ses savoirs faire pour montrer qu’il est possible d’élever les standards, c’est aujourd’hui le rôle de l’Europe, de la France et de l’Allemagne.. 

Les dessous de l’illimité

Néanmoins, on ne peut aujourd’hui parler de responsabilité numérique sans parler de nos rapports à ces services. Dans notre société actuelle, le numérique est pleinement perçu comme une ressource illimitée : les forfaits illimités sont devenus la norme, nos usages du numérique sont omniprésents (télévision, téléphonie, objets connectés, réseaux sociaux…), ce qui est contraire aux principes de sobriété nécessaire à une baisse d’impacts environnementaux sur le long terme. Néanmoins, nous sommes tous acteurs de notre “Responsabilité Numérique”. L’impact matériel du numérique sur l’environnement n’est pas négligeable, mais nos usages non plus. 

La situation n’évoluera pas tant que l’informatique, la data, les applications resteront dans les esprits comme non palpable, comme 100% immatériel. Le Conseil National du Numérique préconise d’ailleurs de mettre fin à l’accès illimité à internet, afin d'“encourager les forfaits à consommation limitée, y compris sur le fixe, afin d’éviter une subvention indirecte des utilisateurs à fort trafic par l’ensemble des usagers”. Dans la lignée de cette préconisation, Le CNNum propose ainsi que l'abonné continue à avoir accès à internet, mais avec un débit dégradé de sa connexion lorsqu’il aura dépassé son forfait. 

En tout état de cause, il est clair que la lutte pour tendre vers un numérique responsable n’est pas simple. Comment tendre vers une société plus sobre en services numériques alors même que la crise sanitaire a amplifié la numérisation de notre société ? L’Europe se doit d’agir au même titre que pour la Réglementation sur la protection des données à caractère personnel (RGPD), néanmoins sans collaboration des industriels (majoritairement américains et asiatiques), nos efforts resteront limités. Comme pour les problématiques liées à l’IA éthique et à l’adoption des réglementations RGPD, le numérique responsable se heurte invariablement à nos ambivalences culturelles. Par conséquent : le chemin de l’Europe n’est-il pas d’être précurseur vers une société dotée d’une croissance plus juste pour notre planète et nos citoyens? 

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Nosing DOEUK
Nosing DOEUK
Senior Partner - Directeur de l'Offre Innovation et Technologies

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Charlotte GRIVOT
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