La Maison Brûle : le système de santé français au bord de la crise ?
Parmi les piliers du modèle social français, le système de santé a longtemps fait figure de fierté nationale. Pourtant, aujourd'hui, il vacille. À l’occasion de la première journée de Tech4Health, en mars dernier, Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée à la gestion de l'Assurance Maladie, a dressé un constat alarmant : « la Maison brûle ». Derrière cette formule, une réalité inquiétante : soignants épuisés, inégalités aux soins d’accès croissants, hôpitaux surchargés... Face à cette situation, nous nous interrogeons : notre système de santé est-il au bord de la crise ?
Un système sous tension
À Tech4Health, Marguerite Cazeneuve a souligné l’essoufflement d'un modèle historiquement hospitalo-centré, incapable de s’adapter aux nouveaux besoins : médecine préventive, télésanté, coordination ville-hôpital. « Nous avons un système généreux, mais qui gaspille trop d'énergie sans parvenir à maintenir un haut niveau de service partout », résume-t-elle. Cette réalité est corroborée par de nombreuses observations, notamment dans les urgences où l’on constate une surcharge dramatique, conséquence directe d’une organisation en déclin. Un rapport de la Croix-Rouge met en lumière les nombreux facteurs de fragilisation du système, dont le vieillissement de la population, la désertification médicale et l'impact du changement climatique. La saturation des services d’urgence, la multiplication des maladies chroniques et la pénurie de soignants exacerbent une situation déjà préoccupante.
Les rapports d'organismes tels que la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) et la Haute Autorité de Santé (HAS) pointent également un manque de coordination entre les différents niveaux de soins et l’incapacité à adapter le financement du système de santé aux besoins actuels. La tarification à l’activité (T2A), qui incite à une logique de rentabilité au détriment d’une prise en charge globale, contribue à ce cercle vicieux où la qualité de soins s’effrite progressivement.
À quoi nous exposons nous si rien ne change ?
Si aucune réforme structurelle n’est engagée, le système français semble destiné à une dégradation progressive. En l'absence d'une stratégie cohérente et efficace pour gérer le vieillissement de la population et l'augmentation des pathologies chroniques, l’accès aux soins deviendra de plus en plus inégal. Le rapport de la CNAM indique un déficit persistant, estimé à 11,4 milliards d'euros pour 2024, malgré les mesures d'économies envisagées.
Les urgences, en particulier, sont devenues le symptôme d'une crise plus vaste. Si les chiffres restent impressionnants – 21,6 millions de passages aux urgences en 2022, dont 40 % pour des consultations simples – la réalité est plus inquiétante : les services d'urgence sont souvent saturés, avec des patients parfois bloqués plus de 12 heures sur des brancards, comme l’a montré le fameux "mur de la honte" au CHU de Brest entre le 10 juillet et le 7 août. Ce phénomène, que l’on peut attribuer à une grave sous-capacité en personnel soignant et à un manque d’infrastructures adaptées, reflète la difficulté croissante du système à répondre aux besoins des citoyens.
Quelles pistes pour redresser la barre ?
Face à cette situation, des pistes d’amélioration existent, mais restent sous-exploitées. Parmi les propositions formulées par l’Assurance Maladie, on retrouve la nécessité d’une meilleure prévention, notamment contre les maladies chroniques, qui génèrent une partie importante des coûts de santé. La prévention permettrait de réduire la pression sur les services de soins tout en contribuant à un meilleur contrôle des dépenses de santé à long terme. De même , les modèles étrangers, comme celui des pays nordiques, montrent qu'une décentralisation des soins et un accent plus fort sur la prévention et la médecine de ville peuvent mener à un système de santé plus efficace et plus durable. La France pourrait tirer des leçons de ces expériences, notamment en renforçant la collaboration entre soins de ville et hôpital et en mettant davantage l’accent sur la prévention pour éviter les hospitalisations évitables et maîtriser les coûts.
L’optimisation des parcours de soins et l’intégration des nouvelles technologies représentent également des leviers cruciaux pour moderniser le système. Des solutions comme la télémédecine et l'Intelligence Artificielle (IA) pourraient apporter un souffle nouveau au système de santé. La télémédecine, par exemple, pourrait désengorger les urgences et permettre un suivi plus personnalisé des patients à domicile, comme l’a démontré le programme COVIDOM, qui repose sur la télésurveillance des patients atteints de COVID-19. En permettant un suivi à distance des symptômes via des questionnaires médicaux réguliers et des alertes automatisées, COVIDOM a réduit la pression sur les hôpitaux en détectant rapidement les signes d'aggravation. Ce type de suivi pourrait également être étendu aux maladies chroniques, offrant un suivi continu sans nécessiter d'hospitalisation. L’IA, quant à elle, permettrait de prédire les risques sanitaires, d’ajuster les traitements en fonction des caractéristiques génétiques des patients et de gérer plus efficacement les flux de patients.
Les propositions de réforme évoquées par les autorités incluent la réorganisation des soins territoriaux et l’intégration renforcée de la médecine de ville avec l’hôpital. Cela pourrait répondre à la crise actuelle en favorisant une prise en charge plus cohérente et mieux répartie sur l'ensemble du territoire. Les Agences Régionales de Santé (ARS) et la HAS appellent ainsi à une coopération plus étroite entre les professionnels de santé et à une répartition équitable des services, afin d'éviter les inégalités territoriales dans l'accès aux soins.
Le rapport produit l’été dernier par la CNAM sur l’efficience du système de santé offrira des pistes concrètes pour réformer le financement des soins, et devrait constituer le point de départ d'une refonte profonde du système.
La réforme, un impératif pour éviter la catastrophe
La question se pose désormais : saurons-nous réagir avant qu’il ne soit trop tard ? Il est impératif de mettre en place une réforme ambitieuse, fondée sur la solidarité mais adaptée aux défis actuels, pour éviter que la maison ne brûle définitivement.
Pour redresser la barre, il ne suffira pas de simples ajustements, mais bien d’une réforme profonde et audacieuse. Si la maison brûle, comme l'affirme Marguerite Cazeneuve, il est plus que jamais nécessaire de réorganiser les priorités du système de santé français en s’appuyant sur des solutions technologiques innovantes, en mettant l’accent sur la prévention et en impliquant davantage les citoyens dans la gestion de leur santé. Les prochaines années seront cruciales pour éviter l’effondrement d'un modèle de santé public qui a fait la fierté de la France pendant des décennies.
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