IA et transformation du travail : engager les collaborateurs dans le changement

L’IA en entreprise et l’arrivée de l’employé augmenté

L'intégration de l'intelligence artificielle (IA) au sein des entreprises suscite des sentiments partagés parmi les collaborateurs. Selon une étude menée par LHH Executive Search, plus de 30 % des dirigeants espagnols estiment que l'IA remplacera une grande partie du travail de leurs employés.

Pourtant, de nombreuses entreprises ont réussi à intégrer l'IA de manière bénéfique. Par exemple, Forvis Mazars a mis en place une formation à l'IA pour ses 5 000 employés en France, en utilisant l'interface conversationnelle de Microsoft, Copilot. L'objectif est d'améliorer la productivité en automatisant des tâches chronophages et en renforçant les compétences des employés. L'entreprise estime que si chaque employé gagne trente minutes par mois grâce à cet outil, l'investissement sera rentabilisé.

Cependant, l'adoption de l'IA en entreprise suscite diverses craintes parmi les collaborateurs, influençant leur perception et leur acceptation de ces technologies. Parmi les principales préoccupations figurent :

• L’impact sur l’emploi et l’évolution des métiers : de nombreux employés redoutent que l'IA n'automatise leurs tâches, menaçant ainsi leur emploi. Une étude révèle que 51 % des salariés expriment une inquiétude vis-à-vis de l'IA, et 40 % estiment qu'une IA pourrait à terme remplir la majeure partie de leurs tâches professionnelles.
• Le manque de repères et d’accompagnement : l'absence de connaissances sur le fonctionnement de l'IA alimente la méfiance. Une enquête indique que 66 % des collaborateurs ne comprennent pas vraiment comment fonctionne l'IA, ce qui peut engendrer des réticences à son adoption.
• Des interrogations éthiques et une perte d'autonomie : certains salariés craignent que l'IA ne compromette leur autonomie professionnelle ou ne soulève des questions éthiques. Par exemple, dans des secteurs créatifs comme l'animation, des artistes s'inquiètent que les outils d'IA portent atteinte à l'intégrité de leur travail.
• Un manque de transparence et de dialogue : les employés peuvent se montrer réticents si la direction n'est pas claire sur l'utilisation de l'IA. Seuls 39 % des collaborateurs déclarent que leur employeur a fait preuve de transparence sur la manière dont l'IA est utilisée et pourrait affecter les équipes.

De plus, l’absence d’une approche structurée et de dispositifs d’accompagnement constitue un frein majeur. Une étude révèle que 80 % des dirigeants manquent de directives éthiques pour l'utilisation de l'IA, et seulement 19,81 % ont formé leur personnel à cette technologie.

Construire une culture IA en entreprise pour favoriser l’engagement

Pour surmonter ces défis, il est essentiel de développer une culture d'entreprise favorable à l'IA. Cela passe par l’implication active des collaborateurs et une montée en compétences progressive.

L'exemple de L'Oréal illustre parfaitement cette approche. Dès l'émergence de l'IA générative, l’entreprise a mis en place une cellule dédiée, la "Squad IA", réunissant des experts digitaux, RH et IA. Cette équipe multidisciplinaire a pour mission d'explorer l'intégration optimale de l'IA dans les processus métiers et la gestion des ressources humaines.

Selon Ilhem Alleaume, Directrice People Development & Learning chez L'Oréal, "cette approche favorise une adoption de l’IA alignée avec les enjeux métiers et le développement des collaborateurs".

Pour garantir la sécurité des données tout en favorisant l'innovation, L'Oréal a développé son propre modèle de langage, "L'Oréal GPT", permettant aux collaborateurs d'expérimenter l’IA dans un environnement sécurisé et adapté à leurs métiers.

Afin de faciliter l’appropriation de l’IA, L'Oréal a également lancé un module e-learning intitulé "GenAI for All". D'une durée de 45 minutes, ce programme vise à :

• Expliquer les bases de l’IA générative et démystifier son fonctionnement
• Aborder les risques et limites, notamment en matière de protection des données et des biais des modèles de langage
• Apprendre à utiliser l’IA pour booster sa productivité et stimuler sa créativité au travail

Au-delà de la formation, un engagement collectif est nécessaire. L’Oréal prévoit ainsi un "Prompt Challenge", un concours interne encourageant les employés à concevoir des bibliothèques de prompts adaptés aux différents métiers et besoins de l’entreprise. Ces ressources seront ensuite partagées pour amplifier l’impact de l’IA.

Enfin, instaurer une gouvernance responsable de l'IA est primordial. Selon Gartner, d'ici 2026, les entreprises qui mettent en œuvre les principes de transparence, de confiance et de sécurité verront leurs modèles d'IA améliorer de 50 % leur adoption et leur efficacité.

Faire de l'IA un catalyseur de transformation et d’engagement

Pour initier l'adoption de l'IA et favoriser une transition positive pour les collaborateurs, voici quelques étapes clés :

1. Identifier des cas d'usage pertinents : l’IA peut être utilisée pour automatiser des tâches répétitives, analyser de grandes quantités de données ou encore assister la prise de décision.
2. Mettre en place des formations interactives et adaptées : proposer des formats engageants comme des e-learnings, des workshops ou des formations en situation de travail.
3. Encourager l’expérimentation et le partage d’expériences : la création de communautés internes et d’espaces d’échange permet aux collaborateurs de partager leurs réussites et leurs défis liés à l'IA.
4. Former au "prompting" : apprendre à formuler des requêtes optimisées est un levier clé pour maximiser l’efficacité des outils IA.
5. Garantir la transparence et instaurer une gouvernance claire : impliquer les équipes en expliquant les enjeux, les limites et les bonnes pratiques de l’IA.

L'intelligence artificielle s'intègre progressivement dans le monde du travail et suscite naturellement des interrogations. Pour en tirer pleinement parti, il est essentiel d’impliquer activement les collaborateurs et de leur offrir un cadre structuré et rassurant. Une adoption réussie repose sur une approche inclusive, où l’IA devient un levier d’innovation et d’engagement plutôt qu’une source d’appréhension.