2022, la concurrence va bon train

La nouvelle année marque le premier anniversaire de l’ouverture à la concurrence des lignes de TGV en France. En effet, depuis 2021, emboîtant le pas aux lignes Intercités et régionales, le TGV voit progressivement son modèle évoluer.
Différence notable cependant entre ces deux marchés : le TGV s’est ouvert sur le modèle de l’open access (n’importe quel acteur peut venir faire circuler ses trains) tandis que les lignes régionales sont attribuées par appel d’offres sous forme de lots, à un opérateur unique, pour une période de temps définie. Bien qu’un peu retardées par la crise sanitaire qui a vu chuter brusquement le nombre de voyageurs depuis 2020, les initiatives se multiplient aujourd’hui sur les grandes lignes comme au niveau régional. Nous pouvons dresser un état des lieux des dernières nouveautés apportées par l’ouverture à la concurrence dans le secteur ferroviaire français et les perspectives qui se dessinent.
Le TGV en open access
Intéressons-nous dans un premier temps au cas des lignes TGV, passées du monopole à l’open access au début de l’année 2021. Un peu moins d’un an après le commencement de la crise sanitaire, le contexte économique était considérablement ralenti. Le secteur du transport de passagers par voie ferrée a en effet dû encaisser une baisse de fréquentation des lignes de 42% en moyenne sur l’année, chiffre grimpant à 63% de baisse pour les déplacements internationaux.
Ainsi, bien que plusieurs candidats européens - notamment Renfe (Espagne) et Trenitalia (Italie) - aient initialement communiqué sur leur intention de pénétrer le marché français dès l’été 2020, il a finalement fallu attendre la fin de l’année 2021 pour voir apparaître les premiers trains italiens sur les liaisons TGV en France. C’est avec l’axe Paris - Milan passant par Lyon que sonne l’arrivée de Trenitalia en France. Quant à l’espagnol Renfe, aucune date précise de mise en service de ses premières lignes en France n’a été communiquée.
C’est ainsi que depuis le 18 décembre 2021, il est possible de voyager de la capitale française jusqu’à Lyon et même Milan dans un train de la compagnie Trenitalia, et ce, 2 fois par jour dans un sens comme dans l’autre. L’intention affichée par la compagnie italienne est d’ailleurs de faire augmenter cette fréquence à cinq allers-retours quotidiens. En bref, les voyageurs ont le choix entre 3 gammes de billets : standard, business ou executive, calquées sur le modèle aérien, en plus de quoi deux types de voitures peuvent être choisis par les passagers : silenzio ou allegro en fonction de leur désir de voyager dans le calme ou dans une ambiance plus animée. La principale nouveauté de cette offre réside dans la classe executive, qui consiste en une voiture de seulement dix sièges disposés par rangées de deux tout au long de la rame et des services dédiés aux voyageurs de cette voiture. Pour des tarifs allant de 23€ à 139€ pour le tronçon Paris-Lyon, les voyageurs en France pourront ainsi s’offrir une petite touche de dépaysement sans quitter le territoire, dans un train dont l’aménagement et le confort sont bien différents de ce que l’on connaît à bord des trains SNCF.
De son côté, l’espagnol Renfe met l’accent sur son développement en France qu’il annonce comme une priorité pour son expansion à l’international. Cette volonté s’est traduite à la fin du mois de septembre 2021 par l’ouverture à Paris d’une première succursale. Son ambition à court terme est claire : opérer la liaison Paris - Lyon - Marseille, dont le premier tronçon est le plus rentable en France et sur lequel Trenitalia s’est déjà implanté. L’opérateur espagnol souhaite ensuite évoluer à moyen terme vers des connexions à grande vitesse dans les régions Grand-Est et Hauts-de-France ainsi que sur la liaison Paris - Londres - Bruxelles où il souhaite concurrencer Eurostar. En termes de positionnement commercial, il est encore un peu tôt pour savoir si celui-ci sera low-cost ou classique. A savoir qu’aujourd’hui, la SNCF concurrence déjà la Renfe sur son propre territoire en opérant des OUIGO sur la liaison Madrid - Barcelone, faisant de l’ombre au transporteur espagnol. On peut donc s’attendre à une approche comparable de la Renfe pour son lancement en France.

Les nouveaux acteurs du paysage ferré français
Sur d’autres liaisons, la situation sanitaire ne semble pas être le seul défi à relever : c’est notamment le cas du tronçon Bordeaux - Lyon passant par Guéret sur lequel le nouvel acteur Railcoop s’était vu refuser ses demandes de circulation pour des raisons de… manque d’aiguilleurs du réseau ! Cela avait entraîné des discussions de près d’un an et demi avec SNCF Réseau, le gestionnaire d’infrastructure, et provoqué un retard de six mois pour l’inauguration du service.
Lancé en 2019, le projet de Railcoop s’inscrit dans le cadre de la transition citoyenne et écologique et réunit au sein d’une même coopérative de nombreux citoyens, collectivités et entreprises souhaitant faire revivre le train là où il était en déclin, notamment en relançant la desserte des lignes secondaires. L’ouverture à la concurrence a offert un terreau fertile à cette initiative qui veut favoriser une mobilité plus durable, et c’est ainsi que va être mise en service fin 2022 leur première ligne : Bordeaux - Lyon passant par Guéret, qui n’est plus opérée par la SNCF depuis 2014. Détentrice de sa licence d’entreprise ferroviaire depuis septembre dernier, la coopérative Railcoop a l’ambition de lancer d’autres lignes à l’horizon 2024 notamment sur le trajet Thionville - Saint Etienne - Grenoble ainsi que Toulouse - Saint-Brieuc - Caen.
Railcoop n’est pas la seule entreprise à avoir vu le jour dans le contexte de l’ouverture du rail français. D’autres jeunes compagnies sont effectivement nées à l’exemple de Le Train, Midnight Trains, ou encore Kevin Speed qui ont pour dénominateur commun de souhaiter réinvestir les territoires et services délaissés par la SNCF. Le Train souhaite opérer des TGV dans la région Nouvelle-Aquitaine, particulièrement sur l’axe Arcachon - Bordeaux - Angoulême - Poitiers - La Rochelle ; Midnight Trains investit le marché du train de nuit en proposant un véritable hôtel sur rails pour des destinations internationales en Europe, réinventant, en le rendant plus accessible, un concept rendu célèbre par les Orient Express et autres Transsibérien; quant à Kevin Speed, l’entreprise s’intéresse au marché des TGV reliant Paris à la province proche.
L’ouverture à la concurrence des lignes régionales
Dans les régions, les appels d’offres pour l’attribution des lignes de TER sont possibles depuis déjà deux ans, et pas moins de cinq ont déjà sauté le pas. Ce sont notamment les régions Sud, Grand-Est et Hauts-de-France qui font office de pionniers, ayant déjà attribué certains lots ou étant en phase de qualification des réponses aux appels d’offres. Dans ce cadre, plusieurs grandes tendances surgissent et un événement notable est venu marquer la fin de l’année 2021.
Il est encore difficile de concurrencer l’acteur historique. La SNCF est, sans surprise, concurrente à sa propre succession sur tous les appels d’offres lancés à ce jour et à plusieurs reprises, les candidats potentiels n’ont pas été en mesure de se qualifier, simplement du fait qu’ils ne pouvaient pas répondre à toutes les exigences de l’autorité organisatrice des mobilités (AOM). C’est notamment le cas en région Sud concernant le lot de l’étoile de Nice (des lignes TER rayonnant vers Grasse, Cannes ou Draguignan) : les six candidatures initiales ont finalement engendré le dépôt de dossier par la seule SNCF et ses filiales. En effet, les attentes des régions sont élevées dans les zones où les voyageurs ont pu voir le service se dégrader significativement au cours des dernières années. On retient aussi la région Grand-Est qui, profitant à la fois de l’ouverture à la concurrence et de la nouvelle loi d’orientation des mobilités (LOM), prévoit de déléguer la régénération et l’entretien des voies ainsi que l’exploitation à un unique opérateur.
Un opérateur est particulièrement représenté parmi les réponses aux appels d’offres : Régionéo, acteur né en 2020 d’un partenariat entre GetLink et RATP Dev spécifiquement pour répondre aux appels d’offres des régions. C’est notamment dans le Grand-Est autour de Strasbourg, Nancy et Épinal que cet opérateur, fort de son expérience en région parisienne et autour du tunnel sous la Manche, semble très bien positionné pour remporter plusieurs lots dont on devrait entendre parler sous peu. Sans surprise, on retrouve également des candidatures de cet acteur dans les Hauts-de-France autour de Beauvais, Amiens et Saint-Pol-sur-Ternoise, où il est cependant concurrencé par Transdev.
En effet, le groupe français multinational Transdev a aussi candidaté à de nombreux appels d’offres et est, à cette date, le premier opérateur hors SNCF à se voir attribuer un lot d’exploitation en France. En octobre dernier, la région Sud créait l’événement en annonçant l’attribution de la ligne Marseille - Toulon - Nice à ce nouvel opérateur qui exploitera donc la liaison dès juillet 2025 pour une durée de dix ans. Le délai nous séparant de cette mise en service doit notamment permettre à Transdev de régler la complexe reprise des cheminots SNCF dans sa nouvelle entité locale.
D’autres appels d’offres devraient intervenir dans les prochaines années principalement dans les régions Île-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine ainsi qu’en Normandie.
L’ouverture du marché ferroviaire à la concurrence est une initiative prenant son origine au niveau européen, et d’autres pays ont devancé la France dans la démarche d’ouverture de leurs lignes de trains, comme nos voisins allemands, italiens ou espagnols. Ce défi est aujourd’hui de taille pour la SNCF. Bien qu’elle ne soit pas systématiquement concurrencée sur les lignes s’ouvrant peu à peu, elle voit le marché se dynamiser et les intéressés se multiplier.
L’État, avec SNCF Réseau, devra accompagner ce nouvel engouement en continuant les investissements dans la régénération et la modernisation du réseau ferré pour qu’il puisse accueillir ces nouvelles offres. Elles vont compléter, plus que concurrencer, les services de la SNCF, avec un objectif partagé d’augmentation de la part du train dans nos déplacements.
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