Stratégie d’entreprise : réussir l’exécution sur le terrain

Même la meilleure stratégie peut échouer si elle ne se traduit pas en action concrète. Entre la vision définie au COMEX et la réalité du terrain, les intentions se brouillent, l’élan se perd et les projets s’éparpillent. Cet article explore pourquoi les stratégies bien conçues peinent à être exécutées, identifie les principaux freins à leur mise en œuvre et propose des leviers concrets pour transformer la vision en actions claires et efficaces, afin que chaque initiative contribue réellement aux objectifs de l’organisation.
Une stratégie bien conçue n’est pas toujours bien exécutée
La construction d’une stratégie mobilise souvent les meilleurs talents de l’organisation. Elle s’appuie sur des données, des tendances, des scénarios. Mais cette excellence dans la conception ne garantit en rien l’efficacité dans l’exécution.
Le problème ne vient pas d’un manque d’effort ou d’analyse. Il vient du fait que, dans trop d’organisations, la stratégie est traitée comme un événement ponctuel, un document, un plan à diffuser mais pas comme un processus à animer. La stratégie est vue comme un cap, alors qu’elle devrait aussi être vécue comme un cheminement, avec ses ajustements, ses acteurs, ses imprévus.
Le risque est alors double :
- La dilution : les orientations stratégiques ne sont pas comprises, ou perçues comme déconnectées du réel.
- La déconnexion : les priorités terrain évoluent en dehors de la trajectoire définie, faute d’interfaces solides entre les deux mondes.
Ce fossé entre stratégie et exécution est rarement visible au premier abord. Il se manifeste par des symptômes : perte d’énergie, empilement de projets sans cohérence, retards à répétition, discours managérial sans effet réel sur les comportements ou encore un reporting en silo, des tensions inter-équipes, ou des projets en concurrence faute de priorisation claire.
Les principaux freins à l’exécution stratégique
1. Un excès d’abstraction dans la formulation
Des termes comme “innovation”, “agilité”, “expérience client” ou “responsabilité sociétale” sont omniprésents dans les feuilles de route stratégiques. Mais s’ils ne sont pas traduits en chantiers concrets, ces mots deviennent des slogans vides, difficilement appropriables.
Levier manquant : Une cartographie claire des impacts attendus sur les métiers, les processus, les compétences et les outils.
2. Des chaînes de transmission stratégiques fragmentées
La stratégie traverse plusieurs couches hiérarchiques et fonctionnelles. Chaque palier de cette chaîne peut devenir un point de rupture si le message est mal compris ou mal relayé.
Quand les managers intermédiaires ne sont ni outillés ni impliqués dans la déclinaison stratégique, ils deviennent des “goulots” : ni traducteurs, ni porteurs de la transformation.
Comme le soulignait déjà John Kotter, la transformation ne tient pas par la force d’un plan, mais par l'engagement de leaders à tous les niveaux. Or, les managers de proximité sont souvent les moins outillés pour incarner cette dynamique.
3. Des dispositifs de pilotage trop centrés sur les livrables
L’exécution stratégique suppose un pilotage régulier, orienté sur la dynamique et non uniquement sur les résultats finaux. Or, trop souvent, les indicateurs choisis ne permettent pas de suivre l’appropriation ou la maturité des changements engagés.
Le pilotage devient alors un exercice administratif, et non un support d’animation collective.
4. Une appropriation insuffisante par les équipes
Lorsque les équipes n’ont pas voix au chapitre, lorsque la stratégie leur est “déversée” sans espace de discussion, elles développent des mécanismes de protection : passivité, scepticisme, priorisation parallèle.
Henry Mintzberg défendait l’idée que la stratégie ne se résume pas à une intention délibérée, mais qu’elle se construit aussi par les pratiques du terrain. Sans dialogue ni adaptation, une stratégie reste théorique, et son sens se perd.
Une stratégie imposée sans appropriation produit rarement les effets attendus, même si elle est rationnelle sur le papier.
Vers une stratégie réellement exécutable : leviers d’action
1. Créer des espaces de co-construction tout au long du processus
La stratégie ne se limite pas à sa phase de conception. Elle se renforce dans sa déclinaison et s’enrichit dans sa mise en œuvre. Il est donc essentiel d’associer les différents niveaux de l’organisation non seulement pour valider la stratégie, mais pour la construire dans ses modalités concrètes.
Cela peut passer par des formats courts : ateliers de traduction stratégique, retours d’expérience structurés, plateformes d’idéation ou encore comités de priorisation partagés.
2. Raisonner en “portefeuille de transformation”
Une stratégie efficace ne peut pas reposer uniquement sur des grands axes. Elle doit être articulée autour d’initiatives concrètes, chacune dotée d’un sponsor identifié, d’un périmètre clair, d’un calendrier réaliste et d’un dispositif d’évaluation.
Par exemple, une stratégie, ce n’est pas un grand projet unique, c’est un jardin composé de plusieurs parcelles. Chaque parcelle correspond à une initiative : elle a ses propres besoins (ressources, compétences), son propre calendrier (maturation lente ou rapide), et son propre responsable (le jardinier).
Le rôle du portefeuille de transformation, c’est d’assurer que toutes ces parcelles contribuent à la même récolte : celle de la vision stratégique. Cela permet d’arbitrer, de nourrir ce qui pousse, et de désherber ce qui n’apporte plus de valeur. C’est ce portefeuille qui sert de colonne vertébrale à l’exécution, et qui permet de suivre à la fois l’avancement et la cohérence d’ensemble.
3. Appuyer la dynamique sur les managers de proximité
Les managers sont les relais essentiels de la stratégie. Ce sont eux qui peuvent, ou non, donner du sens aux orientations, relier les objectifs globaux aux enjeux locaux, et faire vivre la transformation au quotidien.
Cela suppose de les former à l’animation stratégique, de leur donner des marges d’adaptation, et de reconnaître leur rôle de catalyseurs et non pas de simples transmetteurs.
4. Installer une culture du feedback stratégique
Il ne s’agit pas uniquement de suivre des KPI, mais de comprendre ce qui avance, ce qui bloque, ce qui doit être adapté. Une stratégie vivante repose sur des boucles de retour régulières entre les niveaux stratégiques et opérationnels.
Loin d’un simple tableau de bord figé, un pilotage stratégique efficace, comme l’ont proposé Kaplan et Norton, permet d’aligner les actions du quotidien avec les objectifs de long terme. Cela suppose de suivre non seulement les résultats, mais aussi la progression dans l’appropriation et la maturité.
Comités de pilotage multi-niveaux, indicateurs de maturité, retours d’usage, démarches de test & learn… autant de moyens de transformer la stratégie en mouvement collectif.
Réconcilier stratégie et exécution pour un impact réel
La stratégie n’échoue pas par défaut d’intelligence ou d’ambition, elle échoue lorsqu’elle reste une idée désincarnée, un document statique, un cap lointain. La véritable difficulté stratégique n’est pas de définir où aller, mais de faire en sorte que chacun sache comment y aller, pourquoi cela compte, et avec quels moyens.
Réconcilier stratégie et exécution, c’est accepter que l’action soit aussi stratégique que la pensée. C’est faire de l’exécution un temps fort, pas une simple conséquence. C’est aussi reconnaître que la réussite stratégique n’est pas affaire de discours, mais de rythme, d’appropriation et de cohérence d’ensemble.
Il ne suffit plus de penser la stratégie dans une salle close. Il faut l’habiter, la partager, l’adapter en continu, et surtout, la faire vivre à travers celles et ceux qui la rendent possible.
Dans un monde instable, où les repères se déplacent rapidement, faire vivre sa stratégie au quotidien n’est pas un luxe, mais un réflexe vital.
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