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L'innovation : frein ou moteur à la transition climatique ? L'exemple de la géo-ingénierie

L'innovation frein ou moteur à la transition climatique
16 juin 2022
Innovation

L’innovation technologique a toujours été moteur de la croissance depuis la première révolution industrielle. Nous n’avons jamais remis en question ses bénéfices pour l’humanité – de la locomotive à vapeur au métavers, toutes ces innovations se sont inscrites dans notre quotidien de manière naturelle. Cependant, une limite de l’innovation est à envisager, et cela concerne l’affaire du siècle : le réchauffement climatique. L’exemple de la géo-ingénierie est un exemple frappant qui nous pousse à nous demander si l’innovation technologique peut être un atout ou un frein à la transition climatique.

L’exemple de la géo-ingénierie

Sous ce nom savant se cache une nouvelle technologie ayant pour but de limiter le réchauffement climatique. Comment fonctionne-t-elle ? Le but serait simple : dévier les rayons du soleil pour les « renvoyer » dans l’espace, en injectant des aérosols et des particules dans la stratosphère (oxyde de soufre, carbonate de calcium) qui agiraient comme des millions de « micro-miroirs » permettant de réfléchir la lumière.

Pour déployer ces particules, il faudrait envoyer régulièrement dans la stratosphère des dizaines de milliers de ballons pour un brûler du soufre, ou encore larguer les particules à l’aide de flottes d’avions porteurs.

Et cela permettrait, effectivement, de faire en sorte que la Terre se réchauffe moins.

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Cette technologie a récemment pris de l’ampleur, à tel point que le 17 mai, la Commission mondiale sur la gouvernance des risques liés au dépassement climatique (composée d’anciens commissaires européens, ministres de pays du Nords et du Sud, diplomates …) a officiellement réfléchi aux conditions de déploiement de la géo-ingénierie, que ce soit au sujet de la faisabilité et des risques d’une telle technologie, mais aussi au sujet de sa gouvernance et de ses bénéfices.

Jusqu’alors, cette technologie évoquée pour la première fois en 2006 par le chimiste Paul Crutzen était un tabou, étant donné le tribut à payer pour la déployer. Les externalités négatives sont déjà prévisibles : les précipitations locales subiraient de fortes variations, les courants marins seraient altérés, les moussons perturbées, etc. Le principal risque cependant, non évoqué par la commission, reste que ce pansement factice nous pousse à continuer nos modes de vies non durables.

La technologie et l’innovation : freins ou moteurs à la transition climatique ?

Il suffit pour se rendre compte de cela d’envisager un scénario où, après une vingtaine d’année de géo-ingénierie, on ne soit plus capables de la déployer pour cause par exemple de guerre ou de crise économique. En quelques mois ses effets s’estomperaient.

Or, dans ce scénario, nous aurions continué de faire « comme si », étant donné que nos modes de vies polluants et non durables n’auraient plus été dangereux pour la planète à court terme. La géo-ingénierie aurait agit comme un retardateur sur les actions urgentes et indispensables à prendre aujourd’hui pour lutter contre le changement climatique.

Dans ce scénario donc, le réchauffement reprendrait de plus belle en quelques mois après l’arrêt du déploiement de particules dans la stratosphère. Selon Jean Jouzel, climatologue du GIEC : « Si, dans vingt ou trente ans, un événement comme une guerre surgissait, et que l’on devait arrêter ce processus, nous risquerions de voir le degré de réchauffement évité sur plusieurs décennies être repris en l’espace de trois ou quatre ans seulement. C’est donc mettre une épée de Damoclès sur les jeunes d’aujourd’hui. »

Ce simple constat nous pousse à nous demander dans quelle mesure la technologie, et plus globalement l’innovation technologique, ne freine pas la transition climatique.

Nous envisageons souvent, comme l’exemple de la géo-ingénierie nous montre, des solutions court terme, sortes de pansements pour masquer le problème de fond. Le problème principal étant que ces technologies sont attrayantes et détournent l’attention des décideurs et investisseurs, avec le risque de justement diminuer les investissements dans les solutions à long terme, à savoir la refonte en profondeur de nos façons de vivre aujourd’hui – la plupart des financements ont jusqu’à aujourd’hui été focalisés sur l’atténuation et non l’adaptation.  

Les solutions à ce constat

En premier lieu, il convient de dire qu’il ne faut pas arrêter l’innovation – au contraire, c’est un levier supplémentaire pour lutter contre le réchauffement climatique. Il s’agit donc pour les décideurs de plutôt effectuer des arbitrages par rapport aux technologies soutenues. Alors, comment faire la distinction entre une innovation « durable » et une autre ?

La question n’étant pas évidente, il s’agit de prendre alors en considération le rapport au risque encouru avec ladite innovation. Dans notre cas de géo-ingénierie, le risque sur le climat est tel que l’investissement ne paraît pas souhaitable. Dans d’autres cas, comme les aspirateurs à dioxyde de carbone de la société Climeworks, le risque encouru par l’enfouissement de CO2 sous terre est bien plus léger. Par ailleurs, le soutien affiché du GIEC à cette innovation crédibilise ses bénéfices.

Et dans un second temps, il s’agit aussi d’investir dans la refonte de nos modes de vie afin de fondamentalement polluer moins. Et comme le souligne le GIEC, « dans tous les secteurs, nous disposons de solutions pour réduire au moins de moitié les émissions d’ici à 2030 ».

Sont cités comme leviers notamment :

  • L’électrification des transports
  • L’adoption de sources d’énergie à faible émission de carbone
  • Développer la capture de carbone (comme nous l’évoquions plus haut)
  • Adopter des régimes alimentaires moins carnés
  • Mieux distribuer les flux financiers : « les flux financiers privés et publics vers les énergies fossiles sont toujours plus importants que ceux pour l’adaptation et l’atténuation du changement climatique ». Et plus précisément, le GIEC indique que les investissements destinés à limiter le réchauffement climatique devraient être « trois à six fois plus importants que les niveaux actuels ».

Pour conclure, l’exemple de la géo-ingénierie nous montre que parfois, l’innovation technologique peut mener à des excès de zèle où, comme l’indique Pierre Oscar Lévy dans son documentaire en 2015, les scientifiques et investisseurs jouent aux « apprentis sorciers du climat » (Arte).

Cependant, on peut affirmer aussi que l’innovation peut jouer un rôle clé dans la transition climatique, avec les exemples des nouvelles sources d’énergie et des technologies de captation de dioxyde de carbone. 

Pour adopter ces solutions, qui sont pour certaines disruptives,  un prérequis majeur est la sensibilisation des populations qui seront affectée. Les consommateurs et les décideurs ont un rôle majeur dans la transition - c'est sous l'impulsion des premiers et les choix des seconds que l'innovation et les nouvelles technologies adopteront les bonnes trajectoires. Et c'est en comprenant les enjeux de ladite transition qu'ils seront en mesure de faire les bons choix.

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Nosing DOEUK
Nosing DOEUK
Senior Partner - Directeur de l'Offre Innovation et Technologies

L'innovation est la clé vers la réussite de la plupart des projets car nous constatons des mutations qui touchent tous les secteurs. Nous bénéficions d'une expertise technologique et méthodologique pour accompagner nos clients dans ce challenge plus que stimulant.

Ceyhan DALKILIC
Offer Manager Innovation & Technologies