L'impact de la crise énergétique sur l'industrie du minage blockchain
Le minage des crypto-monnaies est souvent décrié pour sa consommation d’énergie importante. A l’heure de la crise énergétique, quel est l’impact de cette technologie et de ses usages ?
Blockchain, minage comment décrypter l’écosystème
Qui dit minage dit cryptomonnaie, un coup d'œil à la capitalisation globale du marché des crypto-actifs nous apprend que près de la moitié de la capitalisation globale est occupée par le Bitcoin. Le Bitcoin représente donc quasiment la moitié de la valeur de toutes les crypto-monnaies en circulation à l’heure où nous écrivons ces lignes.
Cette crypto monnaie fonctionne selon le protocole de Proof of Work, l’ethereum jusqu’en septembre 2022 suivait le même mode de fonctionnement. On a pu avoir ainsi jusqu’à plus de 60% de la crypto sphère qui fonctionnait selon le mécanisme de Proof of Work.
Vous avez dit Proof of Work ?
Nous vous en parlions précédemment, le Proof of Work (PoW) représente aujourd’hui le principal moyen de validation sur les blockchains. On incite les mineurs à résoudre l’équation en les rémunérant avec un token (le crypto-actif de la blockchain en question).
Le gain revient à la personne ayant résolu le calcul le plus rapidement, cela induit une “course” à celui qui dispose du matériel qui exécute les opérations le plus rapidement. De surcroît, dans le cas du bitcoin, le halving vient doubler la difficulté (et donc la puissance de calcul à engager) tous les 4 ans.
Ce besoin croissant de puissance de calcul couplé au nombre de mineurs impliqués dans la blockchain met en exergue le fait que le PoW est fortement demandeur en électricité.
Comment se décompose le coût du minage ?
Nous allons ici nous intéresser aux coûts liés au minage PoW, cette méthode étant la plus énergivore et donc celle qui est la plus impactée par la crise énergétique. Deux types de coûts se démarquent et peuvent être rangés en coûts fixes et coûts variables. Les coûts fixes correspondent à l’équipement permettant de réaliser les calculs nécessaires et les coûts variables à l’énergie nécessaire au fonctionnement de ce dernier.
Pour illustrer notre propos, on peut assimiler l’équipement à une voiture et l’électricité à son carburant. Même si les besoins en puissance de calcul sont constamment plus élevés, l’achat de matériel de minage se fait à un instant T et permet ainsi d’avoir une visibilité long-terme sur ces coûts aux mineurs. En prenant en compte la volatilité du prix de l’électricité (aléas politiques et économiques), le coût variable du mineur sera une variable d’ajustement prépondérante, car plus court-termiste.
Comment le prix de l'électricité impacte l’activité de minage ?
Avant de déterminer l’ampleur de l’impact de la crise énergétique, comprenons comment le prix de l’énergie prend part dans les coûts du minage et son impact sur la rentabilité.
Le coût énergétique du minage d’un bitcoin varie en fonction du matériel du mineur, cependant il a récemment été estimé que miner un bitcoin consommait en moyenne 1449 kwh. Cela peut représenter un coût monétaire très différent en fonction du pays dans lequel il est miné, en 2022, lors des estimations, cela pouvait coûter 250 000$ pour en miner un au Venezuela et seulement 1400$ pour en miner un au Koweït.
Nous pouvons en déduire que l’électricité est un élément structurant de la rentabilité du minage. De ce fait, les fermes sont souvent placées là où l’électricité est peu coûteuse et nous pouvons citer quelques exemples :
- En Chine, dans certaines régions, une grande partie de l'électricité est produite via des centrales hydroélectriques. L’électricité est d’autant moins chère en période de pluie où l’eau est plus abondante et lorsque l’hydroélectricité produite est supérieure à la demande (à noter cependant que depuis 2021 le minage de crypto-monnaies a été interdit en Chine).
- Du côté des Etats-Unis, le prix de l'électricité fluctue fortement entre les différents états. On peut observer qu’il est relativement faible dans certains états comme le Texas, ce qui a fait passer le pays sur le devant de la scène en représentant pas loin de 38% de la capacité mondiale de minage sur le bitcoin.
Les prévisions de rentabilité sont un critère déterminant pour se lancer dans ce marché. Les pays où le prix à tendance à être très volatile ne sont pas très attractifs pour les mineurs, car même si la moyenne historique des prix reste correcte, leur variabilité est un frein important.
On observe cependant que la puissance globale de calcul des mineurs bitcoin reste en hausse constante malgré la crise actuelle, elle est passée d’environ 200 EH/s il y a un an à 335 EH/s aujourd’hui. Ce qui démontre une certaine adaptation des mineurs, expliquée par leur capacité à changer de localisation pour modérer leur exposition aux augmentation du prix de l’électricité.
Et la crise énergétique dans tout ça ?
La crise énergétique trouve ses sources du conflit entre l’explosion de la demande de gaz en Asie et la contraction de la demande des suites de la pandémie de la COVID19. Par conséquent, des tensions majeures et globales ont émergé dès 2021 sur la troisième source d’énergie dans le monde. Il est également important de garder à l’esprit que le gaz représente un quart de la production d’électricité mondiale.
Dans le même temps, le parc nucléaire français, véritable colonne vertébrale de la production pilotable européenne, a connu ses premières défaillances. La production pilotable d’électricité en Europe accuse ainsi deux coups durs. Si l’on ajoute à cela l’épisode de sécheresse intense en qu’à connu ce même territoire en 2022, on voit que ce sont également les capacités de production hydro-électrique qui viennent à faillir.
Les capacités de production fléchissant ou dépendant de ressources sous tensions, les prix de l’électricité ont augmenté drastiquement en Europe, qui est ainsi devenue un terrain peu propice pour le minage de crypto-monnaies. En revanche, la Chine ou les USA, deux autres territoires de choix pour les mineurs, ont moins été exposés à ces tensions énergétiques; tous deux bénéficient de ressources importantes dans leur sol.
Mais l’énergie ne fait pas tout ! Il est important de noter que la volonté politique des pays joue grandement en faveur (ou en défaveur) des fermes de minage, on a pu le mentionner plus haut en citant la Chine qui a interdit le minage de cryptomonnaie en 2021.
L’énergie bien qu’étant un élément structurant qui entre dans le calcul du coût de la rentabilité du minage, n’est donc pas un facteur aussi décisif que l’on pourrait le penser. A moins que la crise ne soit globale et durable, le coût de l’énergie ne constituera pas un obstacle majeur pour le minage de cryptomonnaie.
Les blockchains peuvent-elles devenir plus sobres ?
Le gros de la consommation électrique de l’industrie blockchain provient des méthodes de consensus et plus particulièrement du Proof of Work. Une autre méthode principale existe et ne consomme qu’une infime fraction de ce que consomme le PoW, il s’agit du Proof of Stake.
La Blockchain Ethereum met en avant sa politique respectueuse de l'environnement, et pour allier la parole à l’acte ont réalisé une migration de protocole vers le PoS : The Merge. Les observations sont sans appel; l’opération à permis au réseau Ethereum de réduire la consommation énergétique de leur blockchain de 99%.
La consommation de la blockchain Ethereum avant The Merge équivalait à 78 TWH annuels, soit la consommation d’une mégalopole de 36,5 millions d’habitants selon la moyenne de consommation électrique française (par habitant). Après The Merge, la consommation annuelle du réseau est descendue à 2600 MWH annuels, ce qui correspond maintenant à un village de 1 217 âmes (selon les mêmes standards). Un bel avenir se dessine donc dans le paysage blockchain pour certains projets dont la priorité est du côté de la sobriété.
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