Contenu principal

La blockchain est-elle si énergivore ?

ligne de code
17 décembre 2021
Technologies & Innovation

Les technologies blockchain et les crypto-monnaies étaient au cœur de toutes les conférences lors du Web Summit, salon sur la tech européenne, en novembre dernier. La consommation énergétique importante de ces technologies est un débat légitime mais évoquant aussi plein de contre-vérités.

Un impact environnemental fort

Selon le Cambridge Bitcoin Electricity Consumption Index, le Bitcoin consomme actuellement 135 TWh par an, soit 0,61% de la consommation globale de la planète. Ce chiffre peut paraître faible, mais cela correspond à faire fonctionner toutes les bouilloires électriques du Royaume-Uni pendant 30 ans. L’Ethereum, bien que moins gourmand en énergie (47 millions de tonnes d’émissions de dioxyde de carbone par an, contre 96 millions pour le Bitcoin) fait tout de même partie des crypto-monnaies les plus polluantes. Le matériel de minage devenant vite obsolète, le minage de crypto-monnaies génère également une quantité importante de déchets électroniques : une seule transaction produit environ 270 grammes de déchets, soit autant que la production de deux iphones 12 mini. 
La majorité des extractions de Bitcoin se produisent aux Etats-Unis (35% en 2021) et au Kazakhstan (18% en 2021), deux pays fortement dépendants aux combustibles fossiles.

Fonctionnement des technologies blockchain

Toutes les technologies blockchain consomment de l’énergie car elles allient obligatoirement deux composants. D’une part, les réseaux peer-to-peer, qui nécessitent un degré élevé de réplication de l'information et de calculs, impliquant une multiplication conséquente de la consommation d’énergie d’un des nœuds du réseau par ce degré de réplication. D’autre part, les opérations cryptographiques, indispensables au chaînage des blocs et à l'identification des participants à la transaction. Les blockchains fonctionnent donc différemment des systèmes d'information traditionnels et les différents types de chaînes ont des impacts environnementaux différents, en fonction de la façon dont elles sont conçues.

Les protocoles Proof-Of-Work et Proof-of-Stake

Il existe deux grands modes de fonctionnement utilisés : Proof-Of-Work (POW) et Proof-Of-Stake (POS). Avec la preuve de travail (POW), les mineurs doivent résoudre un calcul mathématique pour valider des transactions sur la blockchain et ainsi y ajouter un nouveau bloc. Les mineurs sont en concurrence pour la résolution d’une même équation, une énorme quantité de puissance de calcul est nécessaire, ce qui augmente la consommation d’énergie. Ce protocole est celui qui est actuellement utilisé par les deux crypto-monnaies les plus connues: le Bitcoin et Ethereum.

En revanche, la preuve d’enjeu (POS) supprime cette utilisation excessive d'énergie et offre un autre compromis entre sécurité, décentralisation et consommation d'énergie. Ce protocole exige simplement que les personnes travaillant sur la chaîne mettent en jeu un bien économique afin d’attester qu’elles agiront dans l’intérêt de la chaîne et de ses contributeurs. Des ordinateurs à usage général peuvent être utilisés et le POS peut être exécuté dans le cloud : la consommation d’énergie est moins élevée. Outre les avantages environnementaux, le POS est aussi capable de traiter un plus grand volume de transactions plus rapidement grâce à la vitesse de sa chaîne.

Différents protocoles impliquent donc différents niveaux de consommation énergétique : pour pouvoir débattre il est nécessaire de préciser duquel il s’agit.

 

bitcoin cryptomonnaie
false

La spécificité des technologies Blockchain publiques

Les technologies de blockchain publiques (celles où tout le monde peut participer au réseau, en opposition aux blockchains de consortium et aux blockchain privées) sont celles qui nécessitent le niveau de sécurité le plus élevé et qui impliquent le plus grand nombre d'entités. Ainsi, l’utilisation d'algorithmes de consensus spécifiques est alors nécessaire, par rapport aux algorithmes de consensus couramment utilisés dans les systèmes distribués. La complexité des algorithmes dits “classiques” est connue et maîtrisée, et n'engendre pas d'impact environnemental excessif, néanmoins, l’expansion des réseaux publics mondiaux les rend inapplicables aux réseaux publics de blockchain. La sélection d'un algorithme de consensus pour un réseau blockchain public est basée sur plusieurs critères antagonistes : sécurité, scalabilité, rapidité, décentralisation et consommation d'énergie. 

Consommation énergétique et empreinte écologique

La consommation énergétique d'un protocole blockchain ne doit pas être assimilée à son empreinte écologique : cette dernière dépend en grande partie du moyen utilisé pour produire cette énergie. Ce n’est pas la consommation de l’électricité qui pollue, mais les moyens utilisés pour la produire. En 2020, le minage du Bitcoin ne représentait en réalité que 0,1% des émissions mondiales de carbone (33 millions de tonnes de CO2), soit moins que l’aviation ou la climatisation.

bitcoin responsable minage propre
false

Énergies renouvelables : vers un minage “propre” ?

Les mineurs cherchent à augmenter leur rentabilité en utilisant l’énergie la plus économique. Cela passe par le charbon mais aussi en grande partie par les barrages hydroélectriques et la géothermie. L’utilisation des énergies renouvelables pour miner étant motivée par des intérêts économiques conséquents, le minage peut donc à terme représenter un moyen de favoriser les progrès en efficience énergétique et d’apporter aux producteurs verts des moyens financiers nouveaux.
Selon une étude du Cambridge Centre for Alternative Finance, 39% du minage POW est alimenté par des énergies renouvelables, notamment l’énergie hydroélectrique. Cette proportion varie énormément d’un site de minage à un autre : certains ne fonctionnent quasiment que grâce à ces énergies tandis que d’autres l'utilisent de manière marginale. Un nombre croissant d’activités de minage se trouve en Amérique du Nord dans les régions où les volumes d’énergies renouvelables sont excédentaires.

Le surplus d’électricité

De nombreux cas d'usage liés à la blockchain et à la cryptographie tendent à améliorer l'empreinte environnementale de ces réseaux décentralisés, notamment en utilisant des surplus énergétiques décarbonés dans certaines zones géographiques où la demande en électricité est inférieure au niveau de production. Le pétrole, le gaz et le charbon étant faciles à transporter, il est plus profitable de déplacer ces énergies à un endroit où elles peuvent être vendues plus chères. En revanche, l’électricité ne pouvant pas être facilement stockée ou transportée (centrales nucléaires, panneaux solaires, barrages hydroélectriques…), le surplus produit peut devenir très intéressant économiquement et attire ainsi les mineurs.

Progrès technologique

Les progrès technologiques sont aussi à ne pas négliger. Tout d’abord, la consommation énergétique dépend fortement du matériel utilisé par les mineurs. Ces dernières années le rapport puissance/consommation du matériel a énormément évolué grâce notamment à l’arrivée de nouvelles puces bien plus efficientes. Deuxièmement, des innovations majeures apparaissent au niveau des couches protocolaires et sont de plus en plus utilisées. Le Lightning Network, par exemple, permet de démultiplier le nombre de transactions sans augmenter pour autant la consommation énergétique.

En route vers des blockchains de plus en plus “green”

Les préoccupations environnementales deviennent une thématique récurrente au cœur du sujet. La blockchain Ethereum montre l’exemple en migrant prochainement d'un algorithme de consensus sur la preuve de travail vers un modèle basé sur une preuve d’enjeu, nettement plus économe en énergie. Son principal concurrent, le Bitcoin, a été retiré des moyens de paiements acceptés par Tesla car Elon Musk se dit “inquiet de son impact écologique”. Il a annoncé en juin 2021 que la devise sera de nouveau acceptée lorsqu’elle sera moins polluante.

Certains pays commencent également à suivre de plus près la question des blockchains et de leur impact écologique : la Chine a durci sa politique envers les crypto-monnaies et a interdit le minage dans certaines régions, la Suède propose de rendre illégal le minage basé sur la preuve de travail, et d’autres pays devraient suivre le pas prochainement.

Pour conclure

Certes, le minage nécessite de grandes quantités d’énergie électrique, il est impossible de nier l’impact écologique que cela engendre. Il est cependant important de rappeler que les besoins en électricité de ces technologies dépendent principalement du protocole de consensus choisi et de leur nombre d’utilisateurs. Il est difficile voire impossible de faire un constat général sans prendre en compte les caractéristiques technologiques des réseaux. L’utilisation de plus en plus répandue des énergies renouvelables, les progrès technologiques ainsi que les nouvelles politiques nationales restrictives sont des étapes importantes vers des technologies blockchain moins énergivores.

Le sujet vous intéresse ? Nos experts vous répondent

Nosing DOEUK
Nosing DOEUK
Senior Partner - Directeur de l'Offre Innovation et Technologies

L'innovation est la clé vers la réussite de la plupart des projets car nous constatons des mutations qui touchent tous les secteurs. Nous bénéficions d'une expertise technologique et méthodologique pour accompagner nos clients dans ce challenge plus que stimulant.

Edith BOLORE
Consultante en Transformation Numérique