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HR Analytics : des technologies au point face à des acteurs frileux

Data & IA
29 mars 2021

Avec la généralisation des outils d’aide à la décision, les entreprises transforment leur façon de traiter et d’exploiter leurs données. L’analytique a déjà fait son entrée dans le monde de l’actuariat, des services financiers, des risques bancaires, de l’assurance, et plus récemment dans les domaines du CRM et du ciblage marketing. Mais qu’en est-il des Ressources Humaines ?

Bien que packagée et prête à l’emploi, l’offre analytique RH peine à percer. En effet, force est de constater aujourd’hui que la gestion de la fonction RH reste majoritairement fondée sur une démarche purement empirique.

Quelles sont les applications possibles de l’HR analytics ? Et surtout, quelles en sont les limites ?

Big Data RH vs HR analytics

Volume, Vitesse et Variété, c’est ainsi que le Gartner définit le Big Data. Modifions l’un des trois V, et nous basculons dans l’HR analytics ! En effet, bien que les deux notions soient étroitement liées, il existe néanmoins une nuance dont l’importance varie selon les usages.

Cette différence réside dans le volume des données à traiter, et dépend donc de leur provenance. Lorsqu’il s’agit de données externes à l’entreprise, les volumes sont conséquents, voire parfois illimités. Il est alors d’usage de parler de Big Data RH.

A l’inverse, à l’échelle de l’entreprise, la quantité de données est limitée à son capital humain. On parle alors de HR analytics, dont l’objectif est d’améliorer les processus RH internes à l’entreprise, à travers un ensemble d’analyses à la fois historiques et prospectives. Ce puissant outil d’aide à la décision, une fois aligné sur la stratégie business de la société, permet de mesurer les impacts des processus internes sur la performance stratégique, opérationnelle et financière de l’entreprise.

Axes stratégiques et applications

La fonction RH est l’une des principales fonctions supports de l’entreprise. Lorsqu’elle est bien exploitée, elle devient un acteur stratégique influent de la performance. A l’instar des domaines de la finance et du marketing, nombreuses sont les potentielles applications de l’Analytics dans le domaine RH.

La gestion du recrutement et la rétention des salariés sont naturellement les premières applications qui viennent à l’esprit. Contrôler les entrées et comprendre les sorties permettent de mettre en exergue les éventuelles erreurs de casting, et d’en définir les raisons. Ceci permettrait par exemple d’anticiper certaines démissions, en se basant sur des données d’ancienneté, de formations reçues, ou encore d’horaires de travail du salarié.

Mais il ne s’agit pas des seules applications du HR analytics, loin de là ! L’étude poussée de l’absentéisme permettrait par exemple de tirer des enseignements sur le type de management appliqué aux équipes, et l’épanouissement des salariés au travail. De même, analyser la progression professionnelle des salariés, parallèlement à leurs compétences, pourrait faciliter la préparation de leurs mutations et leurs évolutions de carrière.

De manière plus globale, on peut facilement imaginer la mise en place de tout un panel d’indicateurs permettant de lier les pratiques RH à la performance de l’organisation. Mais alors, pourquoi tant de retard dans la fonction RH ?

Les DRH français frileux en matière de data analytics ?

Avec le développement de nombreuses technologies d’analyse de données, l’efficacité de la business analytics n’est plus à prouver, et l’avenir du HR analytics semble au premier abord tout tracé. Cependant, plusieurs raisons ralentissent aujourd’hui la mise en pratique de ces puissants outils d’aide à la décision.

Tout d’abord, il faut noter qu’il s’agit d’un investissement conséquent pour la société. En effet, les Ressources Humaines trouvent leurs origines non pas dans un processus ou un département particulier de l’entreprise, mais bien dans l’ensemble de son capital humain, au-delà des frontières de ses entités internes.

Une autre difficulté provient de l’appréhension des acteurs RH. Ces derniers doutent aujourd’hui de leur capacité à intégrer la composante analytique et quelque peu mathématique dans leur métier, qui jusque-là était essentiellement basé sur l’intuition et les échanges humains.

Une fois ces deux premières difficultés concrètes levées, d’autres d’un ordre plus déontologique prennent la place.

Le traitement de données RH est particulièrement délicat, et peut soulever de nombreuses questions éthiques auxquelles les DRH français ne sont aujourd’hui pas en mesure de répondre. En effet, mal interprétés, les résultats d’une analyse RH peuvent devenir la source de nombreux ennuis. Ainsi, parmi les nombreux enseignements tirés de ces analyses, comment choisir les enseignements sur lesquels agir ? Que se passerait-il si, par exemple, les analyses détectaient que les salariés d’une certaine origine ethnique s’intégraient difficilement à la culture de l’entreprise et étaient plus enclins à démissionner ? Et si jamais les résultats révélaient une corrélation directe entre l’âge des salariés et leur performance professionnelle ? Faudrait-il alors prendre ces critères en compte lors d’un entretien de recrutement ? Ceci irait très clairement à l’encontre des chartes de non-discrimination imposées par le code du travail.

Un dernier frein, mais pas des moindres, est la sensibilité accrue des autorités françaises face aux données RH. Comme dit précédemment, l’analytique RH se base sur des données d’historiques pour pouvoir prévoir l’avenir. Or, la CNIL et ses lois très strictes sur la conservation des données personnelles limitent les usages possibles de l’analytique RH.

Ainsi, tout déploiement d’un outil HR analytics nécessite au préalable un vrai travail sur le stockage, la sécurisation et surtout l’utilisation des données. Les DRH ont donc encore un long chemin à parcourir avant de franchir le seuil du prédictif RH. Attention cependant à ne pas oublier qu’un algorithme ne pourra jamais se substituer à l’expérience et l’échange humain.
 

Alianor SIBAI
Consultante Manager AMOA