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Numérique responsable : la France en avance sur le monde ?

Numérique responsable
11 juin 2025

Ces dernières années, le numérique a occupé une place croissante dans nos sociétés, notamment avec l’essor de l’intelligence artificielle. Si ces avancées technologiques représentent de véritables prouesses, elles dissimulent également un impact environnemental considérable dont les répercussions pourraient s'avérer conséquentes si elles ne sont pas correctement traitées.

Empreinte carbone du numérique : La réponse réglementaire française

En 2022, le numérique représentait 4,4 % de l’empreinte carbone de la France, contre environ 3 à 4 % à l’échelle mondiale. La France se situe ainsi légèrement au-dessus de la moyenne en matière d’émission.

Pour répondre à ces enjeux, la France s’est dotée d’un cadre réglementaire ambitieux, en particulier à travers la loi REEN (Réduction de l’Empreinte Environnementale du Numérique) promulguée en 2021. Cette loi vise à limiter les impacts du numérique, notamment en luttant contre l’obsolescence programmée des équipements. Elle est complétée par la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire), adoptée en 2020 qui promeut la prolongation de la durée de vie des appareils numériques.

Par ailleurs, la France se distingue également par la protection des données personnelles avec l’application du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), qui renforce les droits des citoyens sur leurs données numériques. Elle s’appuie également sur des référentiels comme le RGAA (Référentiel général d'amélioration de l'accessibilité) pour améliorer l’accessibilité numérique.

Enfin, cet engagement est soutenu par un écosystème dynamique mobilisant aussi bien les institutions publiques (comme l’ADEME, le Gouvernement ou le Conseil National du Numérique) qui publient chaque année une feuille de route du numérique responsable, que des organisations engagées telles que l’INR (Institut du Numérique Responsable), La Fresque du Numérique ou encore le Digital Clean Up Day, qui œuvrent à la sensibilisation et à la formation du grand public et des professionnels.

Transition numérique durable : pourquoi la mise en œuvre reste inégale en France

Malgré ce cadre réglementaire structurant, la mise en œuvre de la loi REEN reste inégale. De nombreuses entreprises rencontrent encore des difficultés à intégrer pleinement une stratégie numérique responsable qui est perçue comme “bonus”, tandis que les collectivités locales disposent souvent de moyens limités pour agir en ce sens.

En outre, le nombre d’équipement numérique par foyer reste toujours élevé (environ 10), et la consommation énergétique du numérique est en hausse (11% de la consommation électrique en 2022) chaque année.

De plus, le contexte économique défavorable n’arrange pas les choses : il pousse les organisations à privilégier des projets à fort retour sur investissement (IA, cloud, cybersécurité) au détriment d’initiatives moins rentables sur le court terme comme l’écoconception ou l’optimisation de la fin de vie des équipements.

Des gestes simples peuvent aussi être encouragés au quotidien : partager des fichiers via des liens plutôt que des pièces jointes pour éviter la duplication de données, trier et se débarrasser des objets électroniques inutilisés (smartphones, périphériques…), ou encore supprimer en une seule fois les anciens mails, par exemple ceux de plus de deux ans.

Politiques numériques responsables : comparatif entre États-Unis, Europe, Canada et Japon

À l’échelle internationale, les approches en matière de numérique responsable varient considérablement selon les contextes politiques et économiques.

Aux États-Unis, l’arrivée au pouvoir de Donald Trump a marqué un recul en matière de protection de l’environnement, notamment par le désengagement vis-à-vis des accords climatiques et la réduction des exigences environnementales nationales. Cette orientation politique pourrait freiner les avancées vers un numérique plus responsable.

Le Japon, quant à lui, se distingue par une politique ambitieuse en matière d’économie circulaire, notamment autour de la gestion des terres rares. Ne disposant pas de ressources minières exploitables sur son territoire, le pays cherche à réduire sa dépendance vis-à-vis de la Chine. Dans cette optique, il a mis en place une stratégie nationale visant à recycler les terres rares et à valoriser les matériaux issus des équipements électroniques en fin de vie.

Le Canada adopte pour sa part une approche axée sur l’accessibilité numérique et l’éthique de l’intelligence artificielle. Le gouvernement a notamment instauré une Stratégie d’accessibilité pour la fonction publique, visant à garantir l’inclusivité des outils numériques. Par ailleurs, la loi « Accessible Canada Act », adoptée en 2019, fixe l’objectif de réduire significativement les obstacles à l’accessibilité d’ici 2040 en instaurant un cadre structurant pour les institutions publiques et les entreprises.

Alors qu’en Europe, l’Allemagne ou Suède intègrent le numérique responsable dans leur pratique depuis longtemps.
En Allemagne, une loi (loi “Kreislaufwirtschaftsgesetz”) a été adoptée pour encourager l’économie circulaire. Dès 2020, le pays s’est également engagé à développer des solutions d’intelligence artificielle visant à la décarbonation. En Suède, plusieurs entreprises s’investissent dans cette démarche, à l’image d’Areim, qui a levé 450 millions d’euros pour financer la création de centres de données durables.

Numérique responsable : comment la France peut devenir un leader mondial

En conclusion, la France est en tête de la réglementation du numérique responsable, mais doit accélérer sa transition pour devenir un véritable leader. Cela nécessite plus de recherche sur les technologies sobres, une sensibilisation accrue des jeunes et un cadre réglementaire commun au niveau international.
 

 

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Marie-Laure CODACCIONI
Senior Partner - Directrice de l'offre Numérique Responsable

L’avenir du numérique et la digitalisation de notre société dépendent fortement de notre capacité à mettre en œuvre des services numériques durables, inclusifs et éthiques.

Auteur Mathilde Piquemal Mousseq
Mathilde PIQUEMAL MOUSSEQ
Consultante