IA & Propriété Intellectuelle : Qui est le véritable inventeur ?
L'intelligence artificielle est en train de transformer le paysage de l'innovation. Ces systèmes avancés ne se contentent plus d'exécuter des tâches préprogrammées ; ils génèrent désormais des solutions techniques à des problèmes techniques identifiés, mais aussi des alternatives à des solutions déjà existantes. Une question se pose alors : lorsque ces idées proposées par une IA se transforment en inventions brevetées car elles ont été validées et testées par un inventeur, à qui revient la propriété intellectuelle ? À l'inventeur humain qui valide et concrétise l'idée, ou à l'IA qui l'a générée ?
L’IA au service de l’innovation technique
Les systèmes d’intelligence artificielle agissent comme des outils techniques qui permettent de traiter de grandes quantités de données, repérer des schémas et suggérer des idées. Cependant, ils ne prennent aucune décision autonome. Prenons l’exemple de l’entreprise Insilico Medicine, qui a utilisé une IA générative pour identifier un candidat-médicament en seulement 46 jours, un délai nettement plus court que les méthodes conventionnelles. Cela démontre la capacité de l’IA à accélérer les processus, mais en fin de compte, c’est un humain qui valide et applique ces propositions.
L’IA se positionne donc comme un outil avancé qui aide les inventeurs à explorer des solutions qu'ils pourraient ne pas envisager seuls. Toutefois, elle ne crée pas dans le sens où elle ne fait pas preuve d’intention ou de discernement. Ce sont les humains qui interprètent, ajustent et valident ces idées dans un cadre concret.
L’IA, une machine statistique
Le raisonnement de ceux qui plaident pour une reconnaissance de l'IA comme inventeur repose sur sa capacité à générer des solutions inédites. Or, cette génération n'est qu'un traitement de données suivant des algorithmes programmés par des humains. Il n'y a aucune intention ni conscience dans le fonctionnement de l'IA. La créativité implique un choix délibéré et une prise de risque, des qualités absentes chez l'IA.
L’humain, en revanche, est responsable de l’idée, de sa validation et de son adaptation aux réalités pratiques. Les propositions de l'IA n’existent qu’en tant que suggestions parmi un ensemble de possibilités calculées statistiquement, mais ce sont les inventeurs humains qui choisissent d’explorer ou non ces pistes. Ils sont les véritables auteurs de l’innovation.
Évolution du cadre légal
Les cadres légaux en place, qui stipulent qu’un inventeur doit être humain, restent tout à fait pertinents dans ce contexte. Cela dit, avec l’augmentation de l’utilisation de l’IA dans le processus d’innovation, il est nécessaire de mieux encadrer juridiquement son rôle. L'IA doit être reconnue comme un outil avancé de recherche et d'aide à l'invention, mais jamais comme une entité responsable ou titulaire de droits.
Les brevets attribués doivent toujours l’être aux humains qui dirigent le processus d’innovation, qu’ils utilisent ou non l’IA comme soutien technique. Des dispositifs de transparence doivent être mis en place pour permettre une meilleure traçabilité des inventions où l’IA a été utilisée. La documentation détaillant le rôle exact de l'IA dans le développement d'une invention permettra de garantir que l'attribution de la paternité reste juste et équitable, en évitant les abus potentiels.
Le cadre légal doit intégrer cette évolution sans pour autant remettre en cause la responsabilité fondamentale de l'inventeur humain. L’IA est un outil, et non un acteur décisionnel ou intentionnel.
Harmonisation internationale et risques d’incohérences
Sur le plan international, les réponses varient. Le cas de DABUS, un système d'IA développé par le Dr Stephen Thaler, est central dans ce débat. DABUS a été proposé comme inventeur dans des demandes de brevet aux États-Unis, en Europe, et au Royaume-Uni, portant sur des inventions générées de manière autonome. Toutefois, les bureaux de brevets ont rejeté ces demandes, affirmant que seuls les humains peuvent être considérés comme inventeurs, conformément aux lois actuelles.
Aux États-Unis, l'USPTO a rejeté ces demandes, mais le débat reste ouvert. Certains experts plaident pour une reconnaissance partielle de l’IA dans le processus d'innovation, sans pour autant lui attribuer le statut d'inventeur. Au Japon, les autorités envisagent d’adapter les lois sur la propriété intellectuelle pour encadrer davantage l’usage de l'IA, tout en maintenant la nécessité d’un inventeur humain. En Chine, malgré d'importants investissements dans l'IA, la législation continue de stipuler qu’un inventeur doit être humain, bien que le pays explore des réformes pour rester à la pointe de l’innovation.
Il est impératif que la communauté internationale harmonise ses positions légales pour éviter des incohérences dans la gestion des brevets et des droits de propriété intellectuelle. Si certains pays acceptent de reconnaître l’IA comme co-inventeur ou inventeur, cela risque de créer un précédent perturbant les échanges commerciaux et la protection des inventions à l’échelle mondiale.
L'inventeur doit toujours être un humain, quelle que soit l'assistance technologique employée. Le droit international doit donc se coordonner pour garantir que l’IA soit vue comme un outil de recherche, et non comme un créateur de propriété intellectuelle.
L’Humain au cœur de l’innovation
L’IA générative contribue indéniablement à l’accélération du processus d’innovation. Cependant, elle ne peut et ne doit pas être considérée comme un inventeur. Ce sont les humains qui conçoivent, dirigent et valident les idées proposées par l'IA. La créativité, au sens propre, demeure un acte profondément humain.
Les systèmes législatifs doivent évoluer pour reconnaître l'apport technique de l'IA sans pour autant lui accorder un statut créatif. Il est important de maintenir la primauté de l'humain dans le processus d'invention pour que la propriété intellectuelle reste liée à ceux qui prennent des décisions conscientes et assument la responsabilité de leurs innovations.
L’avenir de l’innovation repose sur notre capacité à utiliser l’IA de manière éclairée tout en préservant le rôle essentiel des inventeurs humains dans la création.
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